,
« Assemblée XXV. Du bon et du mauvais usage des sociétés (2e partie) », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 11 mai 1743, vol. 1, p. 271-294
- Société du comte de la Lippe (Auteur)
- Polier de Bottens, Georges (1675 - 1759) (Collaborateur)
Le comte de la Lippe ouvre la séance par le résumé fait de la lecture des écrits de l'abbé de Saint-Pierre lors de la séance précédente au sujet des personnalités de l'avare et du prodigue. L'avare est un membre inutile de la société car il n'a pas en vue le bien-être des autres. Le prodigue est quant à lui tout aussi "vicieux", il dilapide son bien en de folles dépenses et n'est d'aucune utilité à l'Etat.
Le recteur Polier reprend ensuite la conférence qu'il avait commencée (Ass. XXII) sur l'utilité des sociétés de personnes. D'après Polier de Bottens les sociétés et autres cercles de réunion sont tellement répandus que chaque classe de personnes et catégorie d'âge possède les siennes. S'il est indubitable que le Créateur nous a dotés de capacités et de l'envie de nous réunir avec nos semblables en vue de pratiquer une juste sociabilité n'est-il pas exact de constater que les hommes détournent les sociétés auxquelles ils adhèrent de l'objectif de perfectionnement auquel Dieu les a assignés durant la période de cette vie. La majorité du discours du recteur Polier s'avère alors plutôt critique à l'encontre des sociétés de réunion. Il commence d'abord par signaler que dans les pays catholiques les monastères et autres sociétés de cénobites sont parfaitement inutiles par l'oisiveté de leurs membres et leurs dévotions chantées et murmurées de même que "contraire[s] au bien public, aux devoirs de la sociabilité, et au bonheur commun du Genre humain (...)". Polier de Bottens s'attaque de même aux voeux de célibat et aux immenses bien que ces sociétés retranchent des circuits d'échange économiques. Dans la même veine les francs-maçons inquiètent par leurs réunions secrètes et le manque de transparence concernant leurs activités. Le recteur Polier critique également l'ensemble des sociétés où l'on s'adonne aux jeux, à la boisson, aux quolibets et à la "bagatelle", de telles sociétés devraient être largement proscrites car elles constituent un obstacle très réel au perfectionnement moral des hommes et représentent une perte de temps complète, temps que l'on devrait accorder à soulager les malheureux et à pratiquer un travail utile à l'ensemble de la communauté. En conclusion, le recteur Polier revient sur les règles à observer pour rendre une société utile et "respectable" et rappelle que l'objectif à conserver en tête lorsque l'on se trouve dans une quelconque compagnie d'hommes est que notre présence ici-bas vise essentiellement à intégrer la grande et universelle société divine.
L'opinion de l'assemblée s'oriente vers une condamnation générale de la perte de temps occasionnée par les sociétés et des risques de corruption qui couvent sous la surface interactionnelle de toute assemblée réunie. Seigneux de Correvon rappelle que toute secte est "contraire à l'esprit de la Religion". Tandis que Gédéon Turrettini ne peut s'empêcher de remarquer que les "Sociétés des jeunes gens" sont très utiles pour apprendre les "usages du monde" face auxquels tout homme ne peut que tôt ou tard se retrouver confronté. A sa suite, le reste de l'assemblée considère que c'est bien là un problème très réel que de parvenir à préserver son intégrité morale tout en étant confronté aux nécessités d'une vie active et laborieuse. Il faut donc trouver des moyens pour s'y préparer.
-
Mots-clés:
- Droit et justice
- Droit naturel
- Lieux géographiques
- Angleterre
- Portugal
- Philosophie
- Droit/devoir
- Morale/moeurs
- Bonheur
- Religion
- Protestantisme - Courants hétérodoxes
- Autorités religieuses - Clergé, papauté
- Catholicisme
- Pratiques religieuses - Rites/lieux de culte
- Christianisme
- Société
- Sociabilité
- Divertissement
- Education
- Société savante/cercle/salon
- Franc-maçonnerie
- Enfance
- Droit et justice
-
Personne:
- Caussade, Jonathan, baron de (1679-1752)
- Lignon, Jacques Bibaud, marquis du (v. 1677 - 1746)
- Lippe, Simon Auguste, comte de la (1727 - 1782)
- Loys de Cheseaux, Jean-Philippe (1718 - 1751)
- Loys de Cheseaux, Paul Etienne (1688-1758)
- Polier de Bottens, Georges (1675 - 1759)
- Polier de Saint-Germain, Antoine (1705 - 1797)
- Seigneux de Correvon, Gabriel (1695 - 1775)
- Seigneux, François (1699 - 1775)
- Seigneux, Jean-Samuel (1688-1766)
- Turrettini, Gédéon (1723 - 1782)
-
Société/Académie:
- Société littéraire du comte de la Lippe - Lausanne (1742-1747)
- Helder Mendes Baiao (intégrale/fini) [afficher]
Public
Précisions concernant les "Seigneux":
Gabriel Seigneux de Correvon est dit "M. le Boursier Seigneux".
François Seigneux est appelé "M. l'Assesseur Ballival (Seigneux)".
Jean-Samuel Seigneux est nommé "M. le Bourgmestre (Seigneux)".
Public
Personnalités et penseurs cités au cours de l'assemblée (selon l'ordre d'apparition dans le texte).
- Castel de Saint-Pierre, Charles-Irénée (1658-1743). Se référer à l'assemblée précédente pour les références concernant le texte que résume le comte de la Lippe.
- Aristippe de Cyrène (vers 425 av. J.-C. - 356 av. J.-C.) fondateur de l'école du Cyrénaïsme, dont l'enseignement était l'hédonisme.
- A la page 273 il est question d'un "célèbre Auteur Anglois". Il s'agit d'une référence au journal The Spectator de Richard Steele et Joseph Addison. (Voir l'assemblée XXII où il en est pour la première fois question).
- Saint Paul (cité en référence à son enseignement mettant en avant les "devoirs envers le prochain" comme pratique des règles de la Loi ecclésiastique).
- Jésus-Christ. (On rappelle le reproche qu'il adressait aux pharisiens concernant leur manque de piété et leur rattachement aveugle et creux aux préceptes des convenances et cérémonies religieuses).
- Joseph Addison, Voyage d'Italie... [17051].
- Le roi d'Angleterre et le prince de Galles. (Cités pour leur appartenance publique aux loges maçonniques).
Public
L'assemblée reçoit un invité, "Turrettin fils de Monsieur le Syndic Turrettin". Il s'agit très certainement de Gédéon Turrettini (1723-1782). Son père François-Jean Turrettini avait en effet été syndic en 1741, il le redeviendra à nouveau en 1745 et à de multiples reprises jusqu'en 1766. Gédéon parviendra lui-même à la plus haute magistrature genevoise pour la première fois en 1771.