Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 30 décembre 1742

de paris ce 30 xbre 1742

depuis que tu deviens sage sur l'article du service mon cher amy
faudroit il par que moy qui tay autrefois tant exhortè sur cela je
descendisse au fond du puids parceque tu regagnes les bords, non mon
cher frillon, ce que tu me dis de raisons contre mon projet, n'etoit
peutétre pas capable de me dècider entièrement a prendre mon party
sur l'évanouissement la chute de mes projets, mais tes sages rèflexions jointes
a ce que je vois et j'entends, m'ont assurèment aidè et confirmé
j'avois pensé tout ce que tu me dis, et tu scais que ce n'est pas d'aujourd'huy
cela se prèsentoit mème a mon esprit au plus fort de mes idèes contraires
mais je me disois a moy mème que cest une satisfaction d'avoir
travaillé pour le bien gènèral, pendant le temps ou la nature nous donne
des forces, plus je voyois le grande et le penible 1 mot biffure du travail
nècessaire pour acquèrir les connoissances que doit avoir un homme
qui veut faire ce mètier la dignement et plus j'étois touché de la beauté
du succès en un mot je me faisois illusion, six heures de sèjour a
paris ont fait tomber le bandeau, javois espèré que les èvènements
prèsents et passès auroient corrigé de cet axiome rebatu et qui
est le principe de notre abatardissement qu'il s'en offre cent pour
un
qu'en un mot on feroit cas des sujets, point, jay trouvé tout
pis qu'il n'etoit et qu'on ne peut l'imaginer, cest un miracle si
quelque chose va, et l'anarchie est a un point que je te dirois bien
<1v> si je pouvois, mais qu'il ne conviendroit pas a un citoyen de t'écrire
dans les paÿs ètrangers, quoy qu'il en soit mes idèes ont changé
au premier coup doeil, la guerre la plus dèsagreable et la plus
pénible m'avoit animé, paris m'a r'endormy dans l'instant et je
ne sollicite maintenant qu'une dècision que jay tout lieu de croire
qui sera semblable aux autres; ne 1 mot biffure juge pas dailleurs par moy que
cette campagne eut fait le mème effet sur tout le monde, peu de gens
sont élevès pour ce métier dès l'age de trois ans, fortifiès par de vrais
exemples domestiques, et nès avec le sang aussy chaud et l'ame peutètre
aussy élevée que moy, il y paroit du moins car rien nest ègal au
degout gènèral qui regne dans toutes les troupes

je ris mon cher amy de la pènètration politique des genevois, en
tout plus une chose est hors de vraysemblance et plus elle doit etre
regardée comme aparente dans ce temps cy, et l'on ne scauroit avoir
trop de prècautions, dans un temps de dèlire aussy gènèral. ce que tu
me dis du roy de sardaigne, montre un prince, chose rare en ce siècle
cette maison a toujours eu de bons sujets de père en fils, quoyque se
conduisant par de mauvais principes de gouvernement ils se sont
agrandis et fortifiès, nous les verrons rois de lombardie, et nos neveux
maitres de l'italie si les successeurs ne dègènèrent pas

tu ne scaurois croire combien je suis sensible a l'amitié que l'on a
pour moy chex toy, je mérite assurément quelque bontès de tout
<2r> ce qui t'apartient par mon attachement. adieu mon cher amy assure
de mon respect Madame et Mes demoiselles de saconay et n'oublie
pas ton amy

mon adresse est simplement en son hotel a paris. monsieur de st george
te remercie de ton souvenir et te trouve sage, dis moy comment vont
tes affaires du coté du deux cent

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 30 décembre 1742, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/94/, version du 29.05.2013.
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