Transcription

de paris le 15^e f^r 1783

je m'etois bien douté mon cher amy qu'il n'etoit pas dans
l'ordre actuel des vues de la providence que quelque chose
qui m'auroit fait plaisir, ait reussy; j'aurois eu de la joye
de scavoir mon manuscrit soux presse. vous me dirés que ce
soucy est bien frivole, vis à vis les affaires accablantes dont je
suis environné; mais l'un ne fait pas négliger l'autre et puis=
que mes affaires ne me laissant pas de pércèe qui fasse jour
a lespérance, j'aurois été tranquille du moins de ce coté.

a défaut de cela, l'expédient que vous me proposés n'est peu
praticable, car comment envoyer un manuscrit qu'on ne peut
lire, et en un paÿs qui n'a pas de presses françoise, ou du moins
point de débouchés et il ne conviendroit pas que cet ouvrage
eut l'air d'avoir été fait uniquement pour tel paÿs auquel il
convient moins qu'a tout autre.

on m'a parlé d'un M^r ostervald qui est a la tète
de la société typographique de neuchatel homme instruit
et honnète, et qui sertoit très capable de faire faire une belle
édition; j'ay eu soux les yeux la contrefaction de l'ouvrage
ou discours politiques du c^te d'albon, mon parent qui a voyagé
et qui a écrit en jeune homme qui a le tic de célébrité. cette édi=
tion est précisément dans le format et avec les caractères qui
me conviendroient. si vous aviés quelque moyen de faire pro=
poser la chose a M^r ostervald et de la faire revoir je vous
<1v> serois bien obligé. sinon je vous prie de garder le manuscrit
jusques a nouvel ordre. je scais votre répugnance pour
vous mèsler de ces sortes de choses, ainsy cecy n'est que de
surérogation amicale; adieu mon amy jugés les humains
mieux qu'on ne fait icy, et aimés moy

Mirabeau

a monsieur
Monsieur de Saconai à Berne
en Suisse
Par Pontarlier