Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 06 mai 1730

A Groninque ce 6 Mai 1730.

Je vous envoie, mon cher Monsieur, la feuille de mon Extrait, avec la Vie de Bacon, que j’y
ai jointe. Je crois, comme vous, que ce morceau ne sera pas desagréable aux Lecteurs.

Dans le paquet de’Humbert, je n’ai pas trouvé deux Livres que vous disiez y devoir être, savoir, les dialogues
Critiq. & Philosophiques
, & les Reflex. de Mad. Lambert sur les Femmes. Mais j’y ai trouvé une brochure, dont
vous ne dites rien, ni Humbert; Artemonii Defensio emend. in Novatiano &c. imprimé en Angleterre, comme
je le crois. C’est sans doute un Ouvrage de Crellius; & il y a eu quelques endroits des corections & additions Mss.
où j’ai reconnu sa main.

Il est vrai qu’Echaffauder peut ne pas plaire à bien des gens. Dans le Dict. de Trevoux, le seul que
je puis consulter, on dit que Mezeray s’en est servi au figuré mais qu’on doute qu’on puisse le faire présentement. Je
crois l’avoir vû dans des Auteurs graves. Et au fond il est si expressif, qu’il me semble qu’on devroit
tâcher de le conserver. Cependant, si vous le jugez à propos, vous pouvez l’ôter du titre de ma Har. &
mettre censurer. Mais si je l’ai emploié dans la Harangue même, on peut bien la laisser là, ce
me semble. A propos de Dict. avez-vous le Richelet, imprimé, je crois, à Lyon, en 3. voll. fol. Mon
frére me dit avoir vû dans quelque Journal de Leipsig, qu’entre les Auteurs, dont on dit s’être servi, on me
nie met au nombre, & qu’on y marque mon païs, le jour de ma naissance &c.

Je suis fort dégoûté, je vous l’avoue, de Dédicaces adressées aux Grands, & je n’aurois jamais pensé à
en faire une telle pour l’Ouvrage qui doit être inseré dans les Corps diplom. Je ne vois aucun jour, & je n’ai
aucune inclination pour la France. Mr de Torcy n’est rien; & je ne voudrois point, quand cela se pouvoit,
aller chercher le Cardinal de Fleury, quoi que Mr Vidobre paroisse le conoître, aiant eu occasion, à ce qu’il
m'a dit, d’aller à Versailles, pour quelque Elixir qu’il fit pour le Roi. Je ne connois point Mylord
Carteret, & je ne sai personne qui le connoisse, ni s’il seroit bien aise d’un tel présent. Il seroit plus facile
peut-être, & plus convenable, d’aller à Mylord Chesterfield. Mais je ne sai pas encore bien, de quel
usage cela pourroit m’être. Quoi qu’il en soit, voiez vous-mêmes ce que vous croiriez qu’on peut
faire de mieux. En ce cas-là, il faudroit donc qu’on tirât quelques Exemplaires à part de mon
Ouvrage.

J’ai oublié de vous demander, si l’on ne joindroit pas au Thucydide les Annales de Dodwell,
qui ne furent pas prêtes pour l’Edition d’Angleterre. Je suis comme assûré qu’on l’aura fait. Cependant
si on n’y avoit pas pensé, avertissez-en les Libraires, pour leur bien.

Le paquet de Genéve est de Mr Turrettin, 3-4 caractères biffure il contient deux Dissertations, par lesquelles il
commence de faire imprimer ainsi peu-à-peu son Traité De P Theologia Naturali. Il y avoit une
Lettre du mois de Fevrier, où il me dit qu’il m’écriroit au prémier jour par la poste. Mais il ne l’a
pas encore fait. Je lui ai écrit, il y a 8. jours par occasion, & j’espére que cela l’engagera à me
répondre, ne m’aiant point écrit depuis plus d’un an.

Il me sembloit que vous m’aviez dit à Amsterdam, que celui qui travailloit à l’Abrégé de Rapin,
étoit un Prosélyte. Mais je n’aurois pas cru que ce fût Mr Falaiseau. Il me parut à La Haie
fort éloigné de toute application à aucune étude que ce soit, & ne pensant qu’à vivre à son aise. Au
reste je n’ai que faire de cet Abrégé. Mais pour le Chillingworth, dont je n’ai jamais eû l’Original, je
serai fort aise de l’avoir. Il me semble que ce qu’on a dit dans les Journaux de la Trad. de l'Histoire
Romaine
d’Echard n’en donne pas une grande idée. J’ai lu l’Edition précedente des Piéces sur la
poësie & l’Eloquence
de M. de Cambrai, du p. du Cerceau &c. Je ne connois point les autres Piéces,
ajoûtées à la nouv. Edition, & je ne sai si elles vallent la peine d’acheter deux fois le même Livre.

Je suis, mon cher Monsieur, Tout à vous

Barbeyrac

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 06 mai 1730, cote BPF Ms 295/69. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/805/, version du 19.07.2016.
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