Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 28 avril 1741

de paris ce 28 avril 1741

il est possible mon cher frèderic que dans une ville ou tu n'es
arrivé que formé, ou tes liaisons par consèquent sont
mèdiocres, ou tu passe ton temps a rire, faire et ecouter
des contes, tu croyes dton amy de mauvaise humeur quand
il rebute la plus frivole lettre qui fut jamais; mais encore
un coup si tu veux te mettre a sa place, te le representer
occupé uniquement de ses amis et des soins qu'exige
cette qualité, retrouvant au milieu de tout cela saconay
1 mot biffure a la premiere place dans son coeur, tu ne seras peutètre
pas si surpris de trouver ce mème coeur effrayé, de ta
negligence a segonder ses mouvements, tu me fais attendre
la réponce a une lettre aussy tendre qu'elle doit l'etre de toy
a moy; au bout de trois mois, tu me mandes, scache
si je ne pouray pas etre capne aux gardes suisses, voila
des vers d'un étudiant en droit, et quand je m'en plains
je te demande dis tu des discertations mèthaphisiques, non
mon cher amy, jay droit de te demander ce que tu penses
ne penserois tu plus rien depuis que nous ne nous sommes
vus, si l'on fait tant que de répondre a l'homme le plus indifferent
apres un long retardement, lon luy en donne quelque
raison bonne ou mauvaise, dailleurs ne pouvois tu pas
<1v> me dire en me parlant de ton dessein 1 mot biffure de rentrer
dans un mètier que tu as quitté depuis si longtemps, ce
que tu me dis aprésent pour le justifier, mais fréderic
il doit etre nouveau pour moy que tu n'ayes rien a me
dire, tout cecy n'est pas au moins, pour te prouver que
tu as tort, tu n'en scaurois avoir avec moy que de
m'aimer peu

quand a ton poete grison il a l'avantage sur moy d'avoir
plus fait de vers françois que je n'en ay fait d'allemans,
il ny a pas trois ans encore que jay commencé a rimer
ainsy tu ne scaurois avoir vu mes premiers vers, quand
a mes couplets de suisse je ne scavois alors ce que çetoit
que vers ny prose

puisque tu parles de nouvelles il faut bien t'en parler
aussy, tu scais que six vaisseaux anglois detachès de leur
flotte pour courre sur 4 des notres les ont canonnès toute
la nuit, et rebutés le matin, surtout par notre mousqueterie
fort supérieure a la leur, leur ont fait faire des excuses
ce fait est de notoriété publique ils ont osé faire mettre
dans la gazette que le combat sètoit passè a forces, égales, lon
a sans doute ouy parler a berne de la rèponçe du parlement
d'angleterre au a son roy, enfin tu ne scaurois croire a quel point la
<2r> rage est icy contre cette nation, mais notre sistème de gouver=
nement est toujours le mème, je scay pourtant par un tèmoin
oculaire, ou pour mieux dire auriculaire, qu'un jour le roy etant
a table a choisy l'on y parla des affaires, avec le ton d'inconsidération
qui régne dans ce lieu la, le roy rougit plusieurs fois sans se
mesler a la conversation, mais s'animant enfin, syl faut dit-il
parler de cela comm'un particulier, les anglois sont des insolens
qu'il faut chatier; notre vice amiral d'antin, est mort a
brest, il eut mieux fait pour son honneur de mourir huit
mois plutost, l'on prétend que la hollande et la pologne arment
vivons et nous verrons

le gal neuperg dont jay vu une lettre ne nie pas que l'affaire de
silèsie n'ait èté dècisive, voicy a peu près le précis de ce qu'il mande
vous connoissés notre infanterie et notre cavalerie, jay cru longtemps
que cette dernière 1 mot biffure
me donneroit l'avantage, jay meme etè dans
cette espérance plus de trois heures le sort en a décidé autrement
je laisse au vainqueur le soin de vous en faire les détails, j'espère
cepandant qu'il rendra justice a la manoeuvre de nos troupes
et a ma retraite
l'on parle d'une autre affaire ou neuperg
a eu l'avantage mais cela ne se confirme pas, mais un homme
bien dèshonoré cest ce grand duc; que de motifs, genéraux et
personnels, pour étre a la tète de ses troupes est ce la le
sang lorrain

je t'ay souvent parlé de venir me voir et tu me l'as promis
choisis de l'été ou de l'hyver car je conte passer l'un et
l'autre en provence, jaimerois mieux que ce fut au plujusqu'à la fin de la ligne dommage
<2v> je vais selon les apparences prendre l'engagement le plus
sèrieux de ma vie, et je voudrois que mon amy, vint dans ces
premiers temps ou prendre part a ma joye ou m'aider de ses
conseils, pour cela si tu étois un joly garçon tu me manderois
le temps positif ou tu peux étre a lion et le lieu ou je te trouverois
nous descendrions dans le mème bateau qui nous descendroit dans
24 heures a avignon adieu songe que tu me l'as promis et
que tu me le dois, mes respects a toute mta famille

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 28 avril 1741, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/72/, version du 29.05.2013.
Remarque: nous vous recommandons pour l'impression d'utiliser le navigateur Safari.