Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Marseille, 22 juin 1744

de marseille ce 22e juin 1744

les nouvelles et la continuation de ton bonheur mon cher saconay
feront toujours une partie du mien, ta femme est charmante
elle t'aime, elle fera toujours bien, pourvu que tu luy en donnes
l'exemple, cette matière, ainsy que la plupart de celles qui
qui touchent aux devoirs seroit immense a traiter, souviens
toy qde ne point te laisser aveugler sur les talents et la solidité
de l'esprit de ta femme, mais aussy ne t'impatiente point de
ses oublis et ètourderies dans l'intèrieur, je penche plus vers
ce dèfaut que vers l'autre et çen est un, du reste un autre principe, cest
que syl t'arrive de petits bisbilles intérieurs ou elle soit
mèslèe, domestiques, ou parents, il faut toujours luy donner
le tort en particulier, et voicy pourquoy, si elle nest pas la plus
sage, il faut qu'elle le devienne, si elle l'est elle doit eviter
de petits hoquets qui te donnent du désagrément, il faut suivre
ce principe en tout dans le gouvernement domestique, plus
quelquun te sera près moins il faut d'indulgensce a son égard
l'indulgence ètant comme les humeurs froides, le principe de
<1v> la corruption, quand je parle de sèvèrité entends du moins
que ce n'est nullement de celle de conduitte, ce n'est point la mon
sens, je pense qu'il faut qu'un chef de famille soit autant
qu'il est en l'homme toujours également serein pour tout ce
qui ressort a luy, mais j'entends par csévérité celle de raison=
nement, dès que mon domestique m'estimera, tout voudra
avoir raison devant moy, et moy je trouveray toujours qu'a
armes ègales ce sont mes plus proches qui ont tort, mais je
moralise icy devant la morale en nature.

nous aurions de bonnes conversations mon cher amy si nous ètions
ensemble, 1 mot biffure et dnous traiterions a fonds le chapitre de la pré=
èminence des gouvernements, l'on auroit bien de la peine en cette
question a me tirer d'un argument, celuy qui aneantit les parties
aneantit le tout, les particuliers, sont les parties de l'ètat et
de la socièté, le gouvernement despotique anéantit les particuliers
donc il anéantit l'état. cette étude purement spéculative pour moy
est de devoir pour toy mon cher amy, étudie l'histoire pour y
voir les gouvernements et surtout les rèpubliques seules dignes
de l'attention, lis avec soin et sans préjugé l'histoire ancienne
de rollin, thucydide, tite live, tacite, quelques italiens, de thou,
et les vies des grands hommes citoyens tout cela relativement a ton objet, et tu trouveras que ton
cabinet te fera marcher bien surement dans la carriere du
<2r> gouvernement, mon cher amy sans ètude point d'hommes,
quelques parties manquées et puis cest tout, toutn cabinet et tes
champs, ne vois, ne pense qua cela, alors jusques a ce que tu
sois a portèe de rendre des hommes heureux, alors tu leur donneras
le temps que tu donnois a tes champs, et tu demanderas touts
les jours a ton cabinet la façon de le bien employer; si tu ne
romps avec les minuties de la société maintenant que tu es homme
tu ne le seras jamais qu'a demy, attache toy a ce cabinet, fermes
en la porte a tout, fais toy lire quand les yeux te manqueront
extraits, fais des mèmoires, compose, je crois tout cela nécessaire
pour moy qui n'auray jamais que moy a conduire; si je faisois
partie d'un ètat je t'avoue que je pousserois cela un peu loin
adieu un de mes frères nouvellement arrivé a pris sur le temps
que j'avois destiné a causer avec toy, mes respects a tes dames, aime
moy toujours un peu et mécris tes occupations, amusements
et rèflexions

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Marseille, 22 juin 1744, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/452/, version du 03.06.2013.
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