Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 19 janvier 1738

de paris ce 19e janvier 1738

vous avés raison de dire mon cher frèderic
que jauray besoin de vous dans biens des
moments dans ce paÿs cy, lon le trouve changé
touts les jours, la jeunesse y est maintenant
plus ajustée que les femmes, jy vois tout des
gens qui etoient au berceau de notre temps
et si notre temps n'est il pas encore bien
ancien, la cour y est plus mince que jamais
et l'on peut bien dire sur cela que ce qui de
loin est vaisseau de haut bord, de près est un
baton flottant sur l'onde, cepandant les gens
de ce paÿs cy rassemblent sur leur téte une
douzaine de charges dont la moindre faisoit
autrefois un grand seigneur, et nen sont pas
plus grands pour cela, ils obtiennent tout
parce que le ministre ayant quatre vint sept ans
<1v> et les autres n'etant rien par eux mémes ils
veulent se faire des amis pour sen servir en
cas d'un changement qui ne scauroit tarder,
obtenir tout, est nobtenir rien que de l'argent
et l'argent n'est rien car lon le jette par les
fenetres, ou lon en pare une fille d'opèra

lon ne parle d'utout point icy de l'affaire de genève
elle est cela est trop bagatelle, si jéliot est enrume
si la pélissier veut doubler le rolle de la hantier
si Melle gossin est grosse, voila ce qui nous occupe
et venès la dedans trouver place pour vos minuties
d'etat, mais pour s'accomoder a la petitesse
de votre gènie raisonnons un moment, quoy vous
prètendés qu'il vous importe moins que nous ayons
genève qu'au nous de que vous layiés, mais vous
etes donc fous quoy mes amis huningue d'un
coté genéve de l'autre, nous naurions plus qu'a
demander, vous etes des fantassins invincibles
mais au bout du conte paÿs ingrat, infertile
<2r> qui ne produit rien et ne consume rien, vos
montagnes seules ont de tout temps fait votre
force, et quand on y aura un passage tout
ouvert l'on exigera de vous bien des choses, si
ce nest pas aujourdhuy que nous sommes touts
occupés a jouir ce sera dans un autre jour
temps en un mot cest toujours une citadelle
dans votre paÿs, mais ou diable vais je jen
ay dit assès pour te facher di adieu cher
saconay adieu je taime de tout mon coeur

mirabeau

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 19 janvier 1738, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/42/, version du 22.05.2013.
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