Transcription

de paris le 24^e may 1755

recevès mon cher saconay le compliment tendre et sincère
d'un amy, j'ose dire du p^r ordre en amitié, sur la perte que
vous venés de faire. le coup que la providence vient de vous
porter seroit sans contredit celuy de touts qui m'atterreroit
le plus; j'en frissonne quelquefois en perspective, et si je n'avois
une nombreuse famille qui perdroit beaucoup si je la laissois
pupille, je demanderois chaque jour a dieu de m'épargner cet
événement. je n'en envisage l'afoiblissement que dans une longue
viellesse pour ma mère. c'est ce que la providence a accordé a
la votre qui s'étoit marièe plus tard, elle est morte pleine de
jours et de vertus, dignement remplacée, et au moment de la pros=
périté de sa famille; c'est la mort des patriarches. mon pauvre cher
amy ce sont lâ des motifs de consolation, la résignation et le temps
feront le reste. faites agréer a Mesdames vos soeurs mon compliment
et l'assurance de mes respects; les motifs de reconnoissance qui me
me font un doeuil personnel de la perte que vous avès faite m'at=
tachent a ces dames qui ne se souviennent peutètre plus de moy
mais auxquelles je seray toute ma vie respectueusement dévoué
assurès les 3 caractères biffure mon cher amy que j'embrasse les larmes aux yeux.
ce sont lâ les èvénements qui me touchent et non pas la perte des
procès. Mirabeau

A Monsieur
Monsieur de Sacconnay
a Berne en Suisse
a Geneve