Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 28 avril 1749

du bignon ce 28e avril 1749

j'ay reçu mon cher saconay votre lettre du 17e du courant;
mon cher amy je commence a espérer que notre affaire se fera
je la mets chaque jour aux pieds de la providence ainsy que
mes motifs, mais je n'en agis pas moins sèrieusement; comme
nous causions de cette affaire ma femme et moy, elle me fit pen=
ser après les rèflexions sur ce que nous ne pourrions vendre
en provence que nos meilleurs biens, a faire tater sur la vente
de cecy quelqu'un qui en avoit eu envie; ce quelqu'un y mord
et un autre et ma femme qui est allèe a paris voir ses parents
est expressément chargèe de tout ce dètail qu'elle fait avec
grand zèle. vous jugès bien mon cher amy qu'une opèration
aussy brusque concernant un effet que j'ay moy mème acheté
que j'ay baty depuis et que jaccrois et rèpare touts les jours
avec la plus grande vivacité le tout aux portes de la capitale
signifie un grand desir de ma part et demande des mènagement
de conduitte et de secret dans le traité surtout de la part de
quelqu'un qui a bien des gens a contenter; cepandant comme
je ny èpargne ny soins ny prèvoyance telle que je l'ay, je dois
espèrer du succès; hors mon cher amy si je vends cecy ce ne sera
<1v> pas moins de 150000 lb au moyen dequoy notre somme seroit bien
avancèe et je trouverois a ce que jespère le reste ailleurs sans
retardement. ainsy donc mon cher amy je conte pouvoir dans
quelques jours vous mander si nous pourrons conclurre tout de bon
jespère que d'après la proposition qui vous a èté faite que nous
pourrons parvenir a obtenir le tout avec les meubles a 90000 écus
et a ce prix je suis des votres mon cher amy et des meilleurs car
vous scavès de tout temps le zèle le gout, et le respect que j'ay eu
pour votre nation avant que mon esprit et mes idèes se fussent
portèes sur les matières de gouvernement; depuis que j'en ay èté
affecté cela n'a fait qu'augmenter et vous pouvès vous souvenir
quel rang j'avois donné a ce peuple en un temps ou assurément
je ne songeois pas a métablir chex luy; brisons sur ce chapitre
qui seroit trop long, vous connoitrès mieux mes sentiments a cet
égard quand nous nous reverrons et que je vous ouvriray mon
coeur dont les replis, s'il y en avoit, vous sont connus depuis si
longtemps. vous rèpondès très exactement et d'une façon satis=
faisante a toutes mes questions; il me reste encore un scrupule
sur ces six mille livres de rente offertes de ferme; dans le mèm=
oire mon cher amy l'on met 8 et ce seroit trop me mentir
que de 2000 lb genevoises de rente; ce n'est pas que je veuille affer=
mer assurément mais souvenons nous toujours de notre troix
<2r> pour cent, car toutefois mon cher amy je ne pourray encore
y faire ma transplantation entière, Me de Mirabeau a des parents
dont le plus vieux n'a pas 70 ans, nous ne pourrons perdre cela
totalement de vue, je conte donc sur vos bontès jusques lâ et que
vous me procurerès aide en toute cette besogne. adieu mon cher
saconay contès sur moy et que vous verrès bientost la casa
arighetty
devenue vaudoise a moins qu'on ne m'employe pour
un temps honorablement ailleurs, on dit qu'il ne me manque que
de connoitre les vilaines portes, jaime mieux qu'on dise cela de
mon obscurité que si l'on disoit de ma clarté qu'elle a passé par
lâ, et vous voyès comme je m'en remue; adieu cher amy je vous
aime et aimeray toujours autant par reconnoissance que par
simpathie, adieu mille Respects a Madame.

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 28 avril 1749, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/155/, version du 16.05.2017.
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