Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 26 janvier 1748

du buignon ce 26e janvier 1748

je vous rèponds sur le champ mon cher saconay pour vous feliciter
de la conservation de Madame votre femme, cest un bien tout acquis
et quelquefois nous ne songeons pas a remercier de ceux la, de semblables
avertissements, rapèlent a une tète sensèe qu'il tient tout, comme prèt
et non comme propriété et le raménent a la reconnoissance qui est de
toutes les opèrations de notre ame la plus agrèable a 1 mot biffure la divinité.
quand a l'enfant que vous avès perdu puisqu'il ne vous devoit pas
survivre, cest encore une grace que de le perdre en un temps ou vous
ne pouviés encore avoir encore aucun attachement raisonable pour
luy. les regrets a cet ègard ne peuvent rouler que sur les travaux de
neuf mois de la mère la douleur et les pèrils de l'enfantement et le
tout en pure perte, sorte de regrets que vint et quatre heures de rèsigna=
tion doitvent ètoufer; je conçois quel serrement de coeur quelle suspension
d'organes et de sentiments ce doit avoir eté pour vous que la crainte
de perdre une èpouse chèrie, si jeune et avec bien de la santé naturelle
jouissès du plaisir de la ravoir, la providence vous mènage bien des
douceurs mon cher amy, non fecit taliter omni nationi.

je vous renouvelle avec la derniere instance mon cher saconay, ma re=
commandation auprès de ce plat personage, faites la je vous prie
en personne, et avec urgents raisonnements; quand aux raisons
a alléguer, il est vray que la judicature n'est pas vacante, mais celuy
qui la possède en est habite a deux lieues de la et ny vaque point, celuy
pour qui je la demande, est d'une famille, connue dudit plat sire et qui
<1v> luy est attachèe, aulieu que le juge actuel est mis de la main d'un
nommé desisles fermier dont iceluy a eu lieu de se plaindre; jusqu'à la fin de la ligne biffure mais le
principal argument mon cher amy, cest de le bien solliciter luy faire
valoir vos offres de services, enfin l'emporter, soit par le crédit de sa
gueuse &c car cela m'importe infiniment, et vous l'avès sans doute
jugé a ma précédente lettre, et au soin que je vous dètaillois avoir
pris, de le suivre dans toutes ses courses a la piste. ne croyès pas
au reste travailler a nuire a l'un en servant a l'autre, ces sortes d'em=
plois sont de nulle consèquence pour quelqu'un qui n'est pas du lieu
surtout quand le patron est aussy discrèdité que l'est celuy la, je vous
le recommande encore mon cher amy et de me faire un peu prompte
réponce sur cela.

on vous a renvoyé Mr de courteil conseillier detat; le vray party a
prendre vis a vis votre facilité a donner des hommes seroit de vous en demander autant; faut
il que tout le monde entier soit du premier bond, soit par contrecoup
se sente de cette funeste guerre. si je vous voyois aujourd'huy repren=
dre le mètier de militaire je vous croirois tout a fait fol, un père
de famille bon dieu, et si heureux dans son mènage, si habile si nèc=
essaire, qui scait par son habileté sur son propre fonds gagner plus
sans pèril et avec solidité qu'on ne fait dans touts les services, éffacès
vite cela mon cher saconay, ou lexpliquès, car je ny entends rien.

a propos de ce dernier article, je vous prie de me marquer s'il seroit
impossible a moy d'avoir deux suisses en bien payant, pour un dètail
de bestiaux, j'ay dans ma bassecour trente vaches achetèes en diffèrents
<2r> temps cette annèe, et j'auray icy de quoy en nourrir deux cent, on vend
icy le veau 24 lb a six semaines, et le beurre est tout enlevé pour
paris a 8 s la livre, cette espèce de vaches de ces paÿs cy, sont des
sortes de brettes petites, et nullement bonnes pour faire des élèves, mais
qui ont toujours du lait, pleines &c en tout temps; hors votre paÿs
est rèputé pour le dètail des laits fromages, soin de bestiaux &c j'ay
connu des gentilshommes en auvergne qui avoient des suisses dont ils
ètoient bien contents, je vous serois bien obligé si vous m'en pouviès
procurer; adieu cher amy assure de mes Respects ta femme et ne la
quitte point pour aller reprendre un habit de chair vendue comme
disent les anglois avec beaucoup de raison. adieu je t'embrasse de tout
mon coeur

Mirabeau.

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 26 janvier 1748, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/135/, version du 16.05.2017.
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