Transcription

Girard, Grégoire, dit le Père Girard, Lettre à Ignaz Heinrich von Wessenberg, Fribourg, 18 avril 1804

Monsieur le Baron

Ne m'accusez pas de négligence encore moins d'ingratitude
si je ne réponds qu'aujourd'hui à Votre lettre daté du 4 avril ,
elle ne m'a été remise que hier a fribourg, ou j'etais arrivé
depuis deux jours. Aussitot qu'il me sera possible, j'aurai
l'honneur de Vous envoyer le decret du gouvernement de Berne
avec quelques autres pièces, qui ne laissent pas de présenter
quelque interet.

Le decret de tolérance a été soumis a de longs examens par
le gouvernement de Berne. Le Petit conseil s'en est occupé
quatre fois, et tous les départemens ont été consultés. Aussi
cette affaire a trainé en longueurs et je m'en suis occupé depuis
le 11 mars 1803 jusqu'au 1er fevrier 1804. Depuis lors il a
fallu s'entendre avec le Rme Evêque , qui trouvait de grandes
difficultés à l'egard du décret et du serment que l'on exige
de nous . Vint ensuite notre passage à l'église française
et l'établissement d'un autel, d'une sacristie etc. Dieu
soit loué, tout commence a se disposer au bien, et Vous sentez
que le succès me dédommage amplement des embarras,
des soucis et des peines que j'ai eues.

Mr le Doyen Ith  nous a servi, comme Vous le pensiez,
je Vous donnerai des détails au premier moment de loisir,
c'est d'ailleurs un devoir, que je remplirai, car je suis aussi
votre subordonné, et je le suis avec plaisir, que ne puis je
l'être entièrement! En attendant, Monsieur le Baron,
veuillez ne pas trouver mauvais, si j'ai commencé par régler
<1v> ce qui etait plus près de moi, et ce qui me paraissait le plus
pressant.

Je me suis choisis un successeur dans la personne de Mr
Pacifique Migy  cidevant chanoine prémontré à Bellelay.
Il m'importait de toute manière d'avoir un homme de confiance,
qui marchât sur la voye, que j'avais tracée, la durée de l'éta=
blissement en dépendait. Notre Evêque m'a laissé le choix 
et j'ai saisi cette faveur avec empressement, s'il faut dire
au reste qu'il etait très embarassé de trouver quelqu'un de
convenable dans un diocèse aussi pauvre que le notre.

J'ai passé 6 semaines avec Mr Migy, que j'ai présenté
a mes connaissances: elles lui seront utiles et agréables, je
l'ai mis en au courant des affaires de la paroisse; il a fait
l'école sous mes yeux, il a visité les hopitaux avec moi, et
j'ai eu la satisfaction de voir, que je pouvais me reposer sur
lui. Il fera bien.

Me voici rentré dans mon couvent en qualité de Commissaire
du Provincial . On a cru que je pourrais faire quelque bien
et j'ai cedé. Je perds à cela le repos, que j'ambitionne de toute
mon ame, et dont l'etat de ma santé me fait un grand besoin.
Il faut se résigner. Cependant je suis encore curé de
Berne. Mr Migy n'est pour le moment que mon vicaire
et dans 3 semaines je retournerai dans ma paroisse pour
y fonctionner pendant la diète. Deslors je remettrai ma
place et mes pouvoirs entre les mains du respectable écclesias=
tique, que j'ai choisis et que j'ai fait accrediter par le Gouver=
nement.

Je désire bien ardement Mr le Baron que vos réprésen=
tations ayent quelque succès sur l'esprit de notre Evêque,
<2r> qui est bien agé pour s'entendre a quelque changement, il
est d'ailleurs très mal entouré. Nos professeurs sont incurables,
et ils ont un grande empire. Ils ne savent pas comment l'incré=
dulité nait et s'étend de proche en proche. Ils sont même convain=
cu que l'ancienne marotte est le seul préservatif contre ses
ravages.

Je ne sais pas trop, Monsieur le Baron, si vous ferez bien
de parler de moi à notre Rme Evêque . Il me marque de
confiance jusqu'a un certain point, je veux dire quant
à la paroisse de Berne, j'ignore, ou plutot je doute que
sa confiance s'etende plus loin. Bien des écclesiastiques
me considèrent et me décrient comme un Kantiste, c'est à
dire ce qu'il y a de plus odieux.

Cette réputation ne m'empechera pas de poursuivre mes
études et de continuer mes éfforts. J'ai profité de mes momens
de loisir a Berne pour ébaucher une théologie , qui embrasse
dans un seul système toutes les parties de cette discipline. En
voici la division 1o Erkenntnisquellen des Christenthums,
2o darstellung, 3o Würdigung, 4o Beförderung deselben .
L'ébauche approche de la fin. L'idée principale qui règle
tout et lie tout est celleci: das 
Christenthum ist eine göttliche
Anstalt zur Erziehung der Menschheit
 . quatre Professeurs
et quatre années d'étude suffiront, l'elève n'entendra qu'un
professeur à la fois. Je pense faire connaitre ce plan
qui est le fruit de l'expérience et de la refléxion.

Je finis Monsieur le Baron en Vous priant d'agréer
l'hommage de mon respect.

Votre très humble serviteur et si Vous
voulez le permettre votre très sincère
ami Greg. Girard Clier et Curé
catholique à Berne.

fribourg le 18 avril
1804.


Enveloppe

A Monsieur
Monsieur le Baron de Wessenberg
Chanoine de la Cathedrale et
Vicaire général etc.
A Constance


Etendue
intégrale
Citer comme
Girard, Grégoire, dit le Père Girard, Lettre à Ignaz Heinrich von Wessenberg, Fribourg, 18 avril 1804, cote StAK X XVIII Wessenberg-Nachlass, XIV.69. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1240/, version du 26.02.2021.
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