Transcription

La Harpe, Frédéric-César de, Lettre à Henri Monod, [s.l.], 05 octobre 1787

Le 5e 8bre 1787

Mon bon ami: J'attendois avec une vive impatience votre lettre du 11e 7bre, et
puisque vous voulés que ce soit ma faute, soit, mais c'a été du moins sans
ma participation. J'ignore pourquoi parfaitement ce que vous voulés me dire
par ces mots vous avés sonné partout la trompette pour divulguer vos nouvelles
amours et j'ai été le seul que vous n'en ayés pas instruit
, car je pense vous ai avoir
écrit en datte du 17e Août par Polier une Lettre imense qui contenoit je crois toutes le détail
de mes sottises à comencer du menu jusqu'au plus grand: ne l'avés vous
donc pas reçue? J'en serois bien mortifié pour plusieurs causes. Puisque
j'en suis sur ce chapitre mon bon ami, je vous dirai que tout s'est évanouï,
que j'ai oublié les absens apparement come ils m'oublient, que je ne
me soucie plus de Sacrement, et que de ma vie je n'ai été plus en
paix avec mon coeur qu'aujourdhui. Il ne me reste plus qu'un tinte=
ment très foible pour la personne dont Mlle Louise vous a dit le nom. et
je suis si convaincu de l'impossibilité absolue de l'obtenir et d'être heureux
à ma guise avec elle en l'obtenant, que j'ai abandonné toutes mes
espérances, et n'y songe plus guêres que par un reste d'habitude. Je con=
viens que avec vous qu'un intérêt de coeur donne aux objets une
couleur agréable, et peut être n'y at-il aucun pays où il fut plus
nécessaire de les peindre qu'ici, mais il ne suffit pas d'avoir des dispositions
à la tendresse, il faut aussi les rencontrer dans la person une autre, et
il est bien difficile de trouver ici ce qui conviendroit à mon coeur:
peut-être même est-il heureux que je ne le rencontre pas, ou ne
sois pas à portée de le connoitre; car je suis bien décidé à ne pas me
fixer sous un Ciel de aussi affreux, et je pourrois me trouver lié mal=
gré moi. Vos deux rêves m'ont extrêmement intéressé, mais mon
ami! le premier n'est guêres vraisemblable, et le 2d l'est encore
moins
absolument hors de toute réalité. Quand je retournerai en Suisse,
et quel beaujour pour moi! alors mon ami je serai un Demi-barbon
gris, édenté, jauni 2 caractères recouvrement qui ne ne se soucierai je pense guêres d'entrer
dans de nouveaux engagemens, puisqu'il n'en a même jamais eu
une bien forte envie étant dans l'age propre à y entrer. Encore 7 ou
8 ans mon cher monod, j'aurai pour lors 41 ou 42 ans, et de ces
42 ans, j'en aurai passé 12 ou 13 à la cour, ce qui équivaut certaine=
ment <1v> à 25 ans passés ailleurs. que ferois je donc d'une feme
soit au physique soit au moral?

Votre conversation avec Mlle Louise à mon sujet m'a beaucoup amusé: on
a bien raison de dire qu'une femme a toujours raison contre l'homme le plus
raisonnable. Mlle Louise
Parceque vous l'avés captée par vos argumens
vous pensés bonnement avoir rencontré son avis: voilà les femes; le matin
blanc, a midi noir, et le soir blanc. Au de meurant je ne suis point
étonné que vous m'ayés trouvé tous les deux très déraisonnable, parce que
vous n'avés point mes données, et ne pouvés vous mettre à portée de
voir et d'éprouver come moi. P. Ex... j'ai connu plusieurs Sergens, qui
se trouvent aujourdhui mes Supérieurs, étant devenus Lt Colonels tandis que
je croupis depuis 4 ans dans ma Majorité: dirés-vous que c'est une chimère?
Mon cher ami, ce ne peut en être une là où la fortune qu'on peut
faire et à laquelle on doit viser dépend strictement de l'avancement
et du grâde. Certainement tous les grades me seroient indifférens si
je n'étois pas classé, si l'on ne m'en avoit pas donné un, ou si je pou=
vois seulement y renoncer. Quant à cette croix dont vous êtes tous si
émerveillés, que ne voyés vous ceux qui la portent avec moi! Je suis
loin aureste de ne pas priser l'attention de la personne dont je la
tiens; Vous savés ce que je vous en écrivis dans le tems.et que Pour la
lettre mon bon ami, je me suis convaincu, qu'elle étoit à peu près calquée
sur Celle de tous ou pour mieux dire qu'elle n'étoit que le formulaire
général. Mais passons sur tout cela, aussi bien començai je à en
prendre mon parti, et à m'inquiéter moins pour ce qu'il m'est
impossible de changer, ainsi à moins de torts réels je deme
suis résolu maintenant à persévérer quoiqu'il puisse m'en
arriver dans l'intervalle ou à la fin; 1 mot biffure il n'est plus tems
de recomencer ailleurs, je suis trop avancé, et j'aurois de la peine
à chercher de nouveaux moyens de subsistance. Le voyage de
Moscou m'a fait encore à cet égard infiniment de bien en
me procurant les moyens de me dissiper, 4 mots biffure j'en
suis revenu et mieux portant, et plus gay, et plus disposé que
<2r> jamais à me f... du reste.

Depuis mon retour j'ai travaillé par intervalles au mémoire dont
je vous ai parlé, et du reste je me suis jetté à corps perdu
sur Pope, et Shakespéar: J'ai lu l'Odyssée et les autres poëmes
du 1er (la Dunciade exceptée) la plume à la main, et j'en ai fait au=
tant avec Shakespéar dans lequel j'ai lu Macbeth, Le Roy
Léar
, Roméo et Juliette, Hamlet, Othello, Richard III et
Henri VIII. Qu'il a de génie cet home! et quels trésors au milieu
de ces ordures dont il a rempli ses pièces! Nulle part je
crois les personnages ne sont mieux soutenus. Chaque scêne est si
parfaitte qu'on est tenté de lui pardonner l'oubli de l'Uni=
té d'Action et de Lieu, et je m'étonne qu'un même home
ait pu faire constament parler de même, des personnages
dont les caractères sont les plus constament opposés. L'home honête
l'est en tout et partout, ainsi que le Scélérat est scélérat dans
tous les instans. Il est triste que le mauvais gout du siècle
et sa grossiéreté ayent permis à ce beau génie de se servir
aussi fréquement d'expressions qui blessent la pudeur, quoi=
que j'accorde volontiers qu'en Anglois ils n'ont elles n'ayent pas la même
force indécence qu'en françois. Voulés vous en savoir mon Juge=
ment (d'après les Pièces ci dessus bien entendu). Shakespéar
a violé toutes les rêgles d'Unité d'action et de lieu, il a
été souvent sâle et obscêne, et l'on trouve dans ses pièces
des longueurs, des comparaisons forcées, et des Déclamations
à propos de botte, mais en convenant de tous ces défauts,
on ne peut lui contester 1° d'avoir travaillé chaque Scêne
de manière à imiter la nature au point de s'y méprendre. 2°
d'avoir peint ses caractères avec les couleurs de la vérité 3°,
d'intéresser à chaque Scêne et d'intéresser puissament. 4° de
connoitre si parfaitement tous si le coeur humain dont il qu'il a
également l'art d'émouvoir de la manière la plus moins irrésistible
par
doucement, et celui d'ébranler plus fortement que persone.
<2v> 5° Enfin il est rempli de morceaux sublimes et qu'il est impossible
de lire sans être 1 mot biffure ou touché jusqu'aux larmes, 2 caractères recouvrement ou fortement
déchiré, et ce sont ces morceaux nombreux qu'il faudroit traduire
et bien traduire de bonne foi pour faire connoitre l'home, au=
lieu de s'attacher à la Scêne des fossoyeurs &c. et à
ces niaiseries dont les françois se prévalent pour la le dénigrer.
Si Shakespear n'a pas été un Gênie, qui donc pourroit y
prétendre? Il a eu des écarts, mais ceux seuls que le génie peut
avouer. Sans doute il ne doit jamais servir de modêle,
et c'est folie de l'imiter à moins d'avoir un génie qui
lui ressemble, et même en ce cas un Siècle aussi éclairé que
le notre ne pardonneroit pas à celui qui comettroit les mêmes
fautes. mais l'estimer, et l'admirer! ... qui refusera de le faire?
C'est domage que vous ne sa ayés obstinément oublié
L'Allemand, vous pourriés lire une partie des anciens que
vous aimés, traduits (disent 1 mot recouvrement les experts) avec une fidélité inconce=
vable, et avec une force, une énergie dont notre langue
ne paroit guêres capable. Mr Voss vient de traduire l'Odyssée
en vers blancs pour servir de suite à l'Iliade du Comte Stoll=
berg, et Mr Giedeke de Berlin en a fait autant des
Odes de Pindare: L'Allemagne qui fourmille de gens
habiles dans la langue grecque a publié leurs éloges, et
tout home qui sçait l'allemand est à même d'admirer
la beauté de leur Style. Forge dit Pindare à Hiéron, tes
arrêts sur l'Enclume de la Vérité
.

Par un hazard singulier je me trouve possesseur d'un
Amien Marcellin qui a appartenu au fameux
De Thou, et à Huet Evêque d'Avranches: Si jamais je fais bâtir
un Autel, en place de reliques j'y placerai ce livre en mémoire
du premier. Je me délecte à lire et à étudier,
et ne suis jamais si heureux que lorsqu'étant de retour
chez moi, et ayant donné ordre de n'introduire personne, je
<3r> peux me livrer tout à mon aise ou à mes méditations, ou
à la aux lectures qui me plaisent. Je compte les heures qu'il ne
m'est pas possible de donner à l'occupation, et j'en ai pris
une telle habitude que si j'en suis distrait par quelques
par des affaires ou des Visites de devoir cela me donne de
l'humeur. O Solatium vitae! Lorsqu'après 12 ans donnés
au Service du public j'aurai acquis le droit de vivre pour
moi avec quel plaisir je me transporterai là où rien
ne m'empêchera plus de jouïr de la nature, de mes amis,
de l'Etude et de moi même! C'est bien celui là mon cher
Monod, c'est bien celui là de rêve qui est agréâble, mais je
suis encore bien éloigné du réveil. Je rencontre çà et
là les Lanskoy. Le cadet est encore à la campagne. Le
Colonel que vous avés vu est avec son Régiment dans l'armée qui
doit faire 2 caractères recouvrement la barbe à ces vilains Turcs, le fléau d'éternel
des Arts et des Sciences et des Lettres. Mais pourquoi
cette salle des 200 n'at-elle pas brulé avec tout la b ce
qui lui appartient? Je crois que j'en serois tombé malade
de joye.

Que dites vous de ces pleutres de Hollandois? Il valloit bien
la peine de faire tant les brâves et les méchans, pour fuir
devant quelques houzards, et abandonner une ville après
l'autre? Je souhaite moi puisque ces misérables
n'ont ni amour de la patrie, ni courage, qu'on les
rançonne et les appauvrisse, et j'apprendrois avec plai=
sir je crois que la Banque d'Amsterdam eut été 1 mot biffure
pillée. Ne me parlés pas des marchands quand il
s'agit de bravoure et de patriotisme. quand Ils sont ex=
cellens sans doute pour faire prospérer un Etat, parce qu'ils
visent à leur intérêt particulier qui se trouve accidentelle=
ment d'accord avec l'autre, mais s'agit-il de hazarder
<3v> ce même intérêt pour la patrie, c'est alors qu'ils cessent d'être
citoyens. Genêve en a donné l'éxemple il y a 6 ans, et la
Hollande fait de même aujourdhui. Il falloit aumoins
ne pas pousser les choses si loin, et ne pas réduire le Chef
nécessaire de l'Etat à l'extrêmité d'employer la force pour se réta=
blir. Je ne scais si je me trompe, mais j'aime à croire
que nous autres Suisses nous deffendrions mieux, et que
ne péririons pas sans nous venger. C'est à peu près la
substance de ce que je répondis il y a quelques jours à
une personne qui me le demandoit 1 mot biffure de la part d'une
personne très come il faut.

J'espère mon cher, que pour l'amour des lettres, vous ferés
des voeux pour qu'on expulse ces Turcs qui affligent
depuis tant de siècles le plus beau pays du monde, cette
antique patrie des arts et des Sciences, et de la Philosophie,
cette terre dont qui renferme les Cendres d'Aristide, de Socrate,
de Phocion, de Philopémen, d'Aratus, d'Homère, de
Pindare, d'Euripide, &c. ... et de tous ces homes imortels
dont le nom doit servir d'age en âge de signal de rallie=
ment à tous ceux qui sentent le beau et qui l'aiment.
J'abhorre la guerre, et les Turcs ne m'ont rien fait, mais
je suis l'ennemi irréconciliable de la Barbarie et des
Barbares, et il me semble que tout home formé
par les préceptes et les principes contenus dans les
ouvrages de la Grèce est tenu de tirer l'Epée
contre ses ennemis. Périssent 2 mots biffure! les
ennemis des Lumières et de la des lettres quel que soit
leur nom, leur pays ou leur habit, et que la liberté
de penser la seule digne de l'home s'élève un trone
sur les débris de tous ces édifices élevés pour l'enfermer!
<4r> on a dit qu'il falloit tenir le peuple dans l'ignorance,
mais qui l'a dit? Un Le ministre Scélérat d'un Prince imbécille,
et ou le Prêtre qui ne fonde son authorité que sur l'erreur.
L'home sage sait au contraire que les plus les lumières seront
répandues, et plus les homes seront libres, et plus aussi ils seront
bons et heureux. Le passage de la crédulité inculquée dans l'en=
fance, à l'incrédulité est court, et il est tout naturel que
celui auquel on a dit les que le principe de toutes ses actions
devoit être tiré jusqu'à la fin de la ligne biffure
6 lignes biffure

Quant à la liberté civile, il est indubitable qu'elle suivra
à mesure que les lumières seront aussi plus répandues. Les
princes cesseront de se croire des Demi-Dieux et tout puis=
sans, et le peuple cessant de les adorer come tels et connois=
sant ses droits et sa force, leur apprendra qu'ils ne sont que
ses Chefs et ne sont pas ses maitres. O puissai-je voir un jour
cette heureuse Liberté aussi répandue qu'elle doit l'être.

Il est arrivé chez moi il y a 15 jours un jeune Mr Pache
Billard que je pris dabord pour officier parcequ'il en portoit
l'habit et m'en montra la patente. Le dit Monsieur m'étoit
adressé par son Cousin Mr le Curial dont il me montra une lettre
ancienne de 2 ans. jusqu'à la fin de la ligne biffure
depuis le début de la ligne biffure L'ayant
questionné, il m'apprit qu'il étoit auprès de M d'une Dame d'ici,
en qualité de... 2 caractères recouvrement Ici il hésita, rougit, et m'ayant me montréa
son un engagement qui est celui d'un laquais de domestique
concu en ces termes, je promets à J. Pache... 10 R. par mois, un
habit &c.
Je fus je vous l'avoue un peu étonné de voir
<4v> en uniforme quelqu'un qui d'après son engagement étoit
un vrai Domestique, et qui en suite de ce que j'ai appris, en fait
réellement les fonctions. Il sentoit lui même A sa rougeur
lorsque je lui demandai compte de ses occupations, et que je lui recomandai
de ne montrer son engagement à ame qui vive, je remar=
quai qu'il sentoit l'humiliant de sa position, et m'abstins pour
cette raison de le questionner davantage sur ce point. M'ayant
témoigné le desir de quiter sa Maison parce dit-il qu'on éxi=
geoit de lui des devoirs Serviles, je lui conseillai d'écrire à ses parens
et à Mr son frère d'Irlande pour qu'on lui facilitat son
retour en Suisse ou ailleurs 2 mots biffure, car il n'est pas possible
de le placer ici, et je ne pourrois ni ne voudrois du moins me
mêler de donner ici pour Précepteur quelqu'un qui mange avec les
officiers de maison et qui en fait les fonctions. Je crois aureste que
ce jeune home a été attrapé, et que sans savoir coment il
est tombé dans la Domesticité à laquelle il repugne. Il me pa=
roit foible et borné. et a dureste il se conduit bien. Dites je
vous prie ce que je vous marque à Mr le Curial en lui fai=
sant mes complimens, mais gardes le secret envers d'autres, cela
pourroit faire du tort au jeune home qui m'a paru plus à plaindre
que blamable. Un boniface tel que lui est expôsé souvent
ici plus qu'aïlleurs à ce qui lui est arrivé. Eh bien: voilà nos Gens
avec leur envie de courir sans savoir où.

J'ai acquis un fort aimable Compagnon d'habitation dans la per=
sonne de Mr Bergier de Joutens que le Comte Razoumofsky avoit amené
ici et puis abandonné suivant les us et coutumes. C'est un fort aimable
home Polier m'avoit écrit il y a 2 ans à son sujet, mais je repu=
gnois à le faire venir, crainte de ne pouvoir le placer à son gré. Je
lui ai offert une chambre en attendant qu'il soit placé, et sa
compagnie m'est souvent d'une grande ressource. La guerre a ren=
voyé son emplacement qui sembloit devoir être très promt, cepen cepen=
dant <5r> j'espère qu'on lui trouvera une place convenable. On est si
impitoyable dans nos petites villes pour ceux qui ont été longtems
absens sans revenir rapporter quelque fortune, que je souhaite
ardement de lui procurer les moyens d'avancer la sienne, car
c'est un home très aimable et qui pense très sensément.
Je vous envoye une lettre de lui pour Mr le Colonel de Crousaz qui
lui veut du bien.

Vous trouverés aussi la permission de chasse pour Mr
Mandrot. Une preuve qu'il n'a pas tenu à moi de l'obtenir
plutôt est qu'elle datte a été écritte l'année dernière, mais
le voyage de Kief, celui de Moscou, &c. en ont empêché
l'expédition: Enfin j'ai saisi Golofkin à la cour, et
je la lui ai fait signer. J'espère que Mandrot
tuera plus de gibier que quand nous avons chassé ensemble:
tout Lt baillival aime le gibier, et s'il ne veut pas
de celui des parties, il faut qu'il le tue lui même.

Marqués moi si vous avés vu Tieman à son passage.
Gaudot at-il été en Suisse? En vérité je le regrette
infiniment, car il réunissoit tout ce qui intéresse
et amuse, aux qualités solides du coeur et q. Quoique je
trouve amplement toutes ces dernières dans mon compatriote de Moudon,
par celà même qu'il n'a pas les mêmes gout que moi pour la Littérature,
notre Société est moins intime, tant est vrai ce qu'a dit
La Bruyère, que les Liaisons intimes naissoient de la comunauté des
Sentimens et des principes et des gouts, mêlée de quelques diversité dans
la manière de juger les mêmes objets d'affection. Voilà bien
notre cas mon bon ami! aussi quelles délicieuses Promenades
et soirées employées à discuter tous ces grands objets sujets de Philoso=
phie et d'histoire, et d'eloquence, et que ne peuvent-elles
revenir!

<5v>  J'ai fait copier les thèmes que j'ai dicté dans le dessein
de Vous les envoyer par la première occasion, et de vous
rendre ainsi le dépositaire de mes moyens de Justification. 2 caractères biffure
j'étois jamais réduit à les publier A propos de cela, je scais de
bonne part que la grande Dame  faisant mon éloge à table, dit
publiquement "je lui ai de grandes obligations, c'est un home qui parle
vrai et avec force, je voudrois que vous lussiés ce quil leur dicte, il
me fait souvent la leçon à moi même." Je n'ai aucun J'ai d'autant moins lieu de
douter de la véracité de celui qui m2 caractères biffuree l'a rapporté, que la même persone
m'a dit plusieurs fois l'équivalent et que cette dernière fois elle l'a
dit avec intention qu'on me le rendit. Je suis flatté je l'avoue
de ce témoignage, mais sans m'en vanter, aussi ne vous en fais je
part que come à un autre moi même.

Mes Eleves font quelques progrès. Ils éxécutent sans faute les 4 opéra=
tions arithmétiques tant sur les entiers que sur les Décimales.
Nous avons comencé la Géométrie, nous traduisons et je dicte des
thêmes historiques. Tout en faisant la Géographie je leur ai
fait un abrëge très concis de l'histoire de chaque peuple. et 1 mot biffure
Nous en somes pour l'histoire aux guerres civiles entre Marius,
Sylla &c. Je leur fais aussi apprendre et réciter quelques beaux
vers de Racine, Voltaire et Rousseau. J'éxige de tout cela
un Compte strict tantôt de bouche et tantôt par écrit.

Mes respects à Mr votre Père, à Mlle votre Soeur, Me votre
Epouse et toute votre famille. Mes Complimens à Mayor
Forel, Mandrot &c. Adieu aimés moi toujours come je vous
aime, et soyés bien assuré que les glaces du nord n'opèreront
jamais sur le coeur de votre ami.

PS a propos voustre quirielle de titres m'a bien fait rire: au
reste vous avés oublié le ci devant aide-major.

Note

  Public

Cette transcription a été établie dans le cadre du projet La Harpe et la Russie (1783-1795).

Etendue
intégrale
Citer comme
La Harpe, Frédéric-César de, Lettre à Henri Monod, [s.l.], 05 octobre 1787, cote  BCUL IS 1918/H33, 120. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1096/, version du 05.04.2019.
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