Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Lausanne, 21 juillet 1715

A Lausanne ce 21 Juillet 1715.

Je n’ai eu, Monsieur, aucun avis de Mrs Fabri & Barrillot; & je ne savois
pas seulement si mon Discours étoit enore sous la presse. Peut-être m’auront-ils
envoyé quelque chose par la Galiotte, qui ne fait que d’arriver, & dans les paquets ne
seront rendus que demain matin. Je vous suis infiniment obligé de la peine que
vous vous êtes bien voulu donner de revoir les derniéres épreuves; je suis persuadé que
l’édition ne peut être que très-correcte. Vous aurez la bonté, Monsieur, de prendre
des exemplaires pour vous & pour vos amis tout autant que vous voudrez; plus vous
en prendrez, & plus vous me ferez de plaisir; vous n’oublierez pas surtout Mr le
Syndic Dupan; vôtre & Mr vôtre Cousin Turretin, aussi bien que Mr le Professeur
son Pére. Après cela vous aurez la bonté d’en faire remettre, ou par vôtre
Valet, ou par les Libraires, aux personnes suivantes:

Messieurs Leger
Mussard Professeurs
Gautier
Jalabert

Galatin, Min.
Rouviére
De Cambiagne
Abauzit
Chenaud, Medecin
De Chapeau rouge, Conseiller
Mestrezat, Syndic
Chouet, premier Syndic

Le Clerc Consr
P.
Baulacre

Trembley
Grenus
Chouët

Je ne sai si j’oublie quelcun. Au cas que vous jugiez qu’il y aît quelque autre
personne à qui je serois bien aise de faire présent de mon Discours, je vous prie, Mon=
sieur, d’y suppléer. Je m’apperçois qu’il en faudra garder un pour Mr l’Abbé Le
Grand, que Mr De Cambiagne pourra trouver occasion de lui faire tenir.

Je vous suis fort obligë, Monsieur, de ce que vous me dites touchant
les livres d’Allemagne, que vous avez parcourus. J’ai reçû depuis quelques jours la
Bibliographia Antiq. de Fabricius, que je trouve telle que vous me la dépeignez, &
telle que je m’attendois de la voir. Il y a pourtant peu de ces grands faiseurs de
Recueil, qui aient autant de jugement que cet Auteur. Il fait ses excuses en
quelque maniére dans la Préface, de ce qu’il cite tant de Dissertations Acad. des
Auteurs de son païs, qui ne sont remplies la plûpart que de fatras. J’ai
reçû en même tems de Francfort le Menologium du même Auteur; & un
<1v> autre Ouvrage, qui ne paroît pas mauvais, d’un Jurisconsulte de Holl, nommé
Böhmer: Dissertationes Juris Ecclesiastici antiqui, ad Plinium Sec. & Tertull.
genuinas origines praecipuarum materiarum Juris Ecclesiastici demonstrantes.

1711. Ce professeur est le même, qui a fait rimprimer il y a quelques années
le Traité de Mr de Marca, de Concordia Sacerdotii & Impetii, avec des Notes
de sa façon.

Je croyais que Mr Humbert m’apporteroit quelque chose de Hollande;
du moins quelque Lettre de Mr de la Motte, & les feuilles du V. Tome de
Tillotson. Je l’esperois d’autant plus, que je n’ai aucune nouvelle de ce païs-là
depuis le mois de Mars, je ne sai pourquoi. Cependant il faut bien que ce
Libraire ne m’aît rien apporté, puis que je n’ai point entendu parler de lui,
que parce que vous m’en dites dans vôtre Lettre. C’est lui qui imprime le
Tillotson. Si par hazard vous aviez occasion de le voir encore, ayez la bonté,
Monsieur, de lui demander des nouvelles de ce que je viens de dire.

Je suis bien aise d’apprendre que la Traduction du N.T. de Berlin, va enfin
être mise sous la presse. Mr Beausobre, un des Auteurs de cette Version,
quitte Berlin, pour aller à Hambourg, où il a eté appellé. C’est par
dèpit de ce que les Ministres de Berlin ont eu du dessous dans un démêlé
fort vif qu’ils ont eu avec l’Eglise, au sujet de la repétition des Prêches.
Le fils de Mr Beausobre, qui avoit une Eglise à un mille de Berlin, quitte
aussi pour suivre son Pére; & cette Eglise sera remplie par Mr Pelloutier,
que vous avez eu à Genéve, & qui subit actuellement les examens pour cette
vocation. Il est mort un autre Min. de Berlin, Mr Vincent, jeune
homme, qui a été autrefois dans ces païs. Mr Ancillon, Juge Supérieur, &
frére du Min. est mort aussi d’apopléxie. C’est Mr Chauvin, qui m’ap=
prend tout cela, & qui a lui-même perdu sa femme il y a quelques
mois.

Je suis bien aise que Mr Lenfant pense à ramasser tout ce
qu’il pourra trouver des Ecrits de Mr Baux, pour en faire un volume
d’Œuvres posthumes. C’étoit assurément un très-beau génie. Mais à l’égard
de ses lettres, il y aura beaucoup de choix à faire, si l’on ne veut pas chagriner
bien des personnes vivantes qui s’y trouveront intéressées. Mr Lenfant s’est
déja brouillé avec Mr Le Clerc, au sujet des Lettres de Mr Bayle,
qu’il a fournies. Il ne servira pas de beaucoup, d’effacer les noms: les
<2r> choses même feront assez connoître les personnes dont il s’agira, dans les lieux où
l’on sera instruit des faits dont il sera parlé. Et il se trouvera des gens, qui, comme
Marchand, se feront un plaisir de tirer le rideau. Mais il est à souhaitter
que l’on trouve plusieurs petites piéces & en prose, & en vers, que Mr Baux avoit
faites sur des sujets agréables ou curieux; tout le monde les verra avec
plaisir. Je ne trouve parmi mes papiers, que deux Lettres, écrites depuis que
je suis ici: je n’avois pas eu occasion d’en recevoir beaucoup de lui, parce que,
pendant 1 mot biffure que j’ai été à Berlin, il n’en a pas été absent bien long
tems; & lors qu’il l’a été, on se contentoit qu’il écrivit à quelcun de nos
Amis communs, comme à Mr l’Enfant, qui est celui qui peut avoir le plus
grand nombre de ses lettres, s’il les a conservées. Pour les deux, dont je viens de
parler, elles ne peuvent pas être publiées par la raison que j’ai dite; quoi qu’elles
soient joliment écrites. Je vous les enverrai, si vous les souhaittez. J’ai dit à Mr
Duclerc, qui est arrivé aujourdhui, de chercher toutes celles qu’il pouvoit trouver de
ce bel Esprit, qui étoit son compatriote: nous verrons s’il y auroit quelque 
chose qui pût être publié. Il y en a une au sujet de Mr Sautin que
j’ai vuë autrefois, & qui est écrite peu de tems après les affaires qui l’obligérent à partir
de ce païs.

Je n’ai pas pris garde aux nouvelles literaires de Genéve, que vous me dites
avoir été mandèes à la Haie. Il est vrai que je n’ai encore rien vû du Journal literaire
de cette année. Ou peut-être même ce que vous me marquez n’est-il que dans une
espèce de gazette literaire qu’un Libraire, nommé Dusauzet, publie à la Haie. Quoi
qu’il en soit, si Mr Maurice trouvoit des Libraires, qui voulussent imprimer un
Hérodote de sa revision, il feroit bien d’attendre deux Editions qui sont actuellement
sous la presse, l’une à Leide, par les soins de Gronovius, revuë sur d’excellens Mts,
l’autre à Leipsic, par un Bergler, qui est un grand Grec, & quedont le travail sera peut être
meilleur que celui de l’autre, pour les choses mêmes. Mais il y a apparence qu’il en sera
de cette Edition annoncée, comme de celle d’Epictéte, que Mr Rèland
annonça, sur la foi de quelque Marchand de Genéve, à ce que j’ai ouï
dire. Ce Marchand avoit ouï dire, que Mr Maurice expliquoit Epictéte
à ses Ecoliers, il crut là-dessus qu’il vouloit le faire imprimer. Je voudrois bien
que ce que l’on dit de vôtre grande Hist. Eccl. fût vrai; ou du moins qu’en
attendant nous eussions l’Abrégé, ou quelque autre de vos Ouvrages. Je
suis, Monsieur, avec mes sentimens ordinaires,

Vôtre très-humble &
très-obéïssant serviteur

Barbeyrac


Enveloppe

A Monsieur

Monsieur Turretin, Pasteur & 
Prof.  en Theologie & en Hist. Ecclés.

Genéve


Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Lausanne, 21 juillet 1715, cote BGE Ms. fr. 484, ff. 182-183. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/961/, version du 10.02.2024.
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