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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 15 avril 1783
de paris le 15 avril 1783
cher amy votre lettre derniere fourrée dans mon bureau
sous un tas de papiers, ne me reparoissant plus, ma tête fatiguee
et harassée de détails, de sursauts, et de hate, s'étoit persuadee
que je vous avois répondu et donné part comme aux autres
(et certainement je le devois avant touts autres, absent du moins)
du gain de mon procès. cependant je ne voyois point arriver
votre compliment et enfin votre lettre s'est retrouvée et j'ay
tort.
j'ay donc gagné mon procès dès la fin du mois passé, cest à dire
que les demandes de ma partie étoient si extravagantes qu'au
lieu de 800'000 lb qu'elle me demandoit je ne lui devray rien
mais ce n'est qu'un amas de folies et de prestiges qui a été dissipé
et il n'en demeure pas moins 1o la ruine qui resulte de ces sortes de
scissions après 38 ans de ruine de ma part 2o la dotation de mes
enfants à ma charge. 3o les frais de procédure devenus enormes
dans ce paÿs cy; la levée seule de l'arret me coutera près de 5000 lb
sans les frais et dépends compensés, et deux arrets de detail contre
moy, 4o une queue encor pour un raport de mes reparations et
ameliorations qui m'a été accordé, en compensation d'un raport
quils n'ont pas voulu casser et qui avoit été fait tout contre moy
en un temps où elle arriva dans ses terres, à grand bruit et thriom=
phe, et où personne n'osoit etre pour moy, contre une folle accompag=
née, et qui ordonnoit de battre du 1 mot écriture &c.
il résulte de tout cela cher amy que de mêmes qu'en finance déroutée
ils disent que les premieres années de la paix sont pires que la guerre.
<1v> j'ay maintenant le temps le plus dûr, ajoutés à cela que mon fol
qui va echouer en provence comme il eut fait à pontarlier 1 mot biffuresape son
beaufrère, a mis le feu dans ce paÿs lâ, et se fait charger à cartou=
ches par ses adversaires, armés de mes propres lettres dont ils violent
le depost, et tout est livré à l'impression avec fureur. ajoutes
que sa soeur fait icy le même bruit contre la famille où elle est
entrée, et vous jugeres si votre amy a la paix que vous luy
désires
pardon mon cher amy de ce detail que je vous devois et pardon
surtout de l'avoir différé par les raisons susdites que dieu vous
maintienne santé et serenité, mes tendres respects à vos dames et
je vous embrasse de tout mon coeur.
à monsieur
Monsieur de Saconai à Berne
en Suisse
Par Pontarlier