Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Lausanne, 20 janvier 1713

A Lausanne ce 20 Janvier 1713.

Je vous suis bien obligé, Monsieur, de la part que vous prenez à la perte que
j’ai faite de mon fils. Quoi que je n’eusse pas formé de grands projets sur cet
enfant, par l’expérience fréquente que j’ai faite combien peu on peut compter sur
ces petites Créatures avant qu’elles aient passé bien des périls auxquels elles sont exposées
jusqu’à un certain âge; cette perte n’a pas laissé de m’être fort sensible; d’autant
plus que jamais Enfant n’a semblé promettre une santé plus vigoureuse. Dieu veuille
vous conserver celui que vous avez, & qui est à peu près de même âge. J’apprens avec
douleur que vous venez d’avoir une nouvelle attaque d’oppression. Dieu veuille
vous rétablir entiérement. Je me trouve un peu mieux, depuis quelques jours.

J’ai reçû depuis quelques jours des nouvelles de Hollande. Le I. Tome de Tillotson
sera bientôt achevé d’imprimer; & j’espére que vous agréerez la liberté que j’ai pris de
vous le dédier, comme ne pouvant choisir de nom plus propre à orner le commencement
du Recueil des Sermons de ce grand Théologien. Les Journalistes de Paris ont parlé
civilement de vos Harangues; l’Extrait en sera dans le mois de Janvier de l’édition de
Hollande. Les Lettres de Mr de Joncourt sur le Jeu, s’impriment fort lentement,
parce que le Libraire, qui en a entrepris l’impression, manque de papier & d’argent. L’Auteur
a communiqué à Mr La Placette ce qu’il dit contre lui au sujet des Jeux de Hazard,
& Mr La Placette lui a fourni des réponses, qui ne le satisfont point. Il pourroit bien
être qu’ils s’embarrasseront l’un l’autre en raisonnant sur des principes plus ou moins
outrez. Mr de Joncourt avoit aussi 1 mot biffure prié Mr de la Motte de lui chercher
un Libraire pour d’autres Dissertations ou Lettres Critiques, qui feroient un grand in 12o
sur des matiéres de Religion: comme, le sujet du VII. Ch. des Romains; les soupirs des
Créatures; l’Anathême de St Paul; le Brigand converti; le Sceptre de Juda; la Foi, Hebr.
XI. les Enchantemens & les Enchanteurs; le Péché contre le St Esprit; &c. mais on n’a
point trouvé de Libraire qui voulut se charger de cet Ouvrage, quoi que l’Auteur voulût
le donner gratis. On rimprime les Menagiana & Sorberiana; & peut-être
rimprimera-t’on bien tôt les Patres Apostolicï. Mr Basnage a ajoûté deux Tomes
à la République des Hebreux, qui parut il y a quelques années. On imprime un Livre
de Mr Martin, sur la Religion naturelle. Mr Coste, à qui l’Auteur en lût une
bonne partie, pendant qu’il étoit à Utrecht, le trouve pitoïable, L’Horace de
Bentley va être achevé d’imprimer à Amsterdam. Le Dict. des Antiquitez Grèques
& Romaines
de Pitiscus, en 2. voll. in folio, est achevé, à la Préface près. C’est
un bon Ouvrage, dont j’ai vû il y a longtems les deux prémiéres feuilles. On en est
au 2. volume de l’Hist. du Concile de Constance, de Mr LEnfant.

On me demande des nouvelles de la conduite de Mr Saurin, dont le voiage qu’il
fit à Genéve il y a quelque tems, & d’où il vint ici, mais incognito. On dit qu’il fit
<1v> bien des impertinences: qu’il fut au Sermon, où il dormit depuis un bout jusqu’à l’autre:
qu’il se vanta d’avoir été chez Mr Pictet, d’avoir disputé avec lui, de l’avoir terrassé, &
de ne s’être fait connoître à lui, que quand il fut sur la porte du logis pour sortir; & que
cependant Mr Pictet protesta qu’il ne l’avoit point vû du tout. On me parle aussi
d’une lettre qu’il vous écrivit, & d’une vive réponse que vous lui fites. Il y auroit-=
il pas moien de voir ces deux lettres, si vous en avez gardé copie? Je vous en serois
obligé. J’ai lû il n’y a pas long tems le factum de cet honnête, où il montre
beaucoup d’habileté à déguiser la vérité sur le sujet de sa retraite de ce païs, & de
son changt de Religion; car pour l’affaire des Couplets, il y a apparence qu’il en
est innocent, & que les soupçons tombent plus naturellement sur Rousseau. Au reste,
qui est ce Professeur de Genéve, dont il veut parler, qui le ména, dit-il, jusqu’au
Pélagianisme?

Je suis, Monsieur, avec mes sentimens ordinaires,

Vôtre très-humble & très-=
obéïssant serviteur

Barbeyrac


Enveloppe

A Monsieur
Monsieur Turrettin, Pasteur & Professeur
Théologie & en Hist. Ecclésiastique
A Genéve


Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Lausanne, 20 janvier 1713, cote BGE Ms. fr. 484, ff. 135-136. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/864/, version du 10.02.2024.
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