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Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 24 décembre 1740
A Groningue ce 24 Decembre 1740.
Quoi que je vous aie écrit au long, Mon cher Monsieur, vers le commencement d’Octobre,
& qu’ainsi je n’aie rien à vous dire, n’aiant reçû depuis aucune de vos Lettres, quoi
que je vous eusse prié de nouveau de n’attendre pour cela aucune occasion; il faut que je
vous écrive encore aujourdhui, pour mettre sous vôtre couvert l’incluse, afin que vous
la remettiez en main propre à Mr Smith. Vous savez sans doute la raison, pourquoi il
m’a prié de vous l’adresser. Car il me dit que vous êtes parfaitement instruit des
raisons qui l’ont obligé à rompre la société avec son Beau frére; ce qui lui donne
occasion de me demander la préférence pour la Traduction de Cumberland. Vous verrez ce
que je lui réponds là-dessus, & sur un autre article, qui suppose néanmoins un cas qui, à
ce qu’il me semble, n’aura pas lieu. Je lui apprends, que je viens de finir cette Traduction
mais qu’il y a encore de l’ouvrage dans pour la derniére revision, & pour les Notes, que j’ai laissées
à faire sur les derniers Chapitres, afin d’achever plûtôt la version sans interruption. Il sera
sans doute de son intérêt de garder pour lui ce que je lui apprends, & de laisser croire qu'il
2 mots biffure que l’Ouvrage n’est pas encore si avancé. Sa Lettre étoit destinée à
accompagner un paquet, qui n’a pû partir la semaine passée, & qu’il comptoit de m’envoier
celle-ci, mais je ne l’ai point reçû. Je ne sai s’il vous aura demandé, comme je le lui
avois dit, l’exemplaire du Recueil de Piéces de Clarcke & Leibnitz, dont vous me parliez dans
vôtre derniére Lettre, comme devant peut-être me l’envoier alors, mais qui sans doute ne
vous parvint pas à tems. Je lui avois aussi demandé l’Anti-Machiavel du Roi de
Prusse; ne pouvant pas prévoir que peu de jours après ma Lettre écrite j’en recevrois
un exemplaire par le batteau de La Haie, de la part de l’Editeur. Je l’aurois sans doute
reçû quelques semaines auparavant, sans la négligence de ceux qui en étoient chargez,
ou la lenteur du Batteau, qui ne vient pas ici réguliérement; car je trouvai dans le
Livre un petit billet, écrit apparemment de la main de l’Editeur, où il y avoit: De la
part de son très-humble & très-obéïssant serviteur, Voltaire. Ainsi il doit avoir envoié le
paquet avant son départ pour Berlin, d’où les Gazettes ne nous n' ont pas dit qu’il soit
revenu, comme elles avoient annoncé son voiage. Je crus bien d’abord, que je serois prévenu
pour l’Extrait de ce Livre. Je ne 2 mots biffure si Mr Smith aura inseré dans la partie
de Juvenal qui va paroît Mr Smith en a encore de moi de reste, je ne sai combien,
ni quels. Je fus obligé de retenir celui de Brunquelli Hist. Jur. & j’ai fait depuis celui de
l’Essai de Critique sur Rollin &c. Ainsi il ne tiendra plus à moi, que ces deux Extraits, que je
vous ai promis de donner, ne paroissent.
Mr Smith me dit, que vous vous portez bien. J’en suis ravi, & je souhaitte que
vôtre santé soit encore meilleure dans la nouvelle année où nous allons entrer. Ma
fille & mon Gendre font les mêmes voeux, & je suis & serai toûjours
Tout à vous
Barbeyrac
J’oubliais de vous dire (à l’égard des conventions qu’il
faudra faire en son tems pour le Cumberland) que j’avois
mis à part, parmi les Caiers de mon Ms. une de vos Lettres du 15. Avril 1727
dans laquelle vous me dites: que le moins que je doive demander est 10 florins la
feuille, en imprimant le Texte gros median, & les Notes Garamond. Je n’entens
point ces termes de l’art, & ne puis les comprendre qu’en voiant un Livre ainsi imprimé.
Pour le prix, je crois que vous aviez bien raison de dire le moins; & vous pouvez y
penser de nouveau. Il y a aussi à considerer la grandeur du format.