Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 09 septembre 1737

A Groningue ce 9 Sept 1737.

Vous verrez, Mon cher Monsieur, ce que je réponds à Mr Humbert. J’ai trouvé
par hazard une de vos Lettres du 30. Avril de 1731. écrite à l’occasion de l’envoi
de ce qui me restoit d’exemplaires, tant reliez que cousus, du Recueil de Discours.
Il paroît par là évidemment que Mr Humbert m’en donna 15 de chaque sorte.
Vous y faites l’enumération des reliez, 5. envoiez à Berlin à Mr Vernozobre; 1. pour
Mr Slicher, 1. pour Mr de Bynkershoek, & 1. pour Mr Turrettin; & vous dites
qu’on m’envoie les 7 restans; avec deux cousus, qui restent de 13. que vous
avez distribuez & envoiez, & vous marquez en détail à qui. Vous voiez donc, qu’il
n’y a aucun doute sur ce nombre d’exemplaires, ni par conséquent sur le nombre de
ceux que Mr H. doit me donner selon ses conventions avec vous, pour la
nouvelle Ed. du Tr. du Jeu. Il est si vrai, que j’en eus trente, qu’ils ne me
suffirent pas même pour les présens, & que je fus obligé d’en acheter 4. cousus,
comme il paroît aussi par le dernier compte que j’arrêtai moi-même en 1732.
à Amsterdam. Pour le petit Pufendorf, dont vous parlez, j’en ai eû aussi
certainement 15 Exempl. reliez, & 15 cousus; il m’en reste encore, & j’en fis
présent d’un l’année passée à Mr Chenevix. C’est de la 2. Edition du
Grotius Latin que j’ai eû seulement six exemplaires reliez; & Mr Waesberge
me doit donner cent florins, quoi qu’assûrément les additions n’égalent pas celles
de la n. Ed. du Tr. du Jeu, à tout compter.

Je recus par M. La Carriére les feuilles imprimées, jusqu’à Dd inclusivement.
Le mot Grec de la page 210. cit. 9. d’Eschine, où vous avez mis διεξειν, auroit
été bien, si vous aviez ajoûté un η: διεξηειν, comme il y a dans Eschine. C’est la
1. personne de l’Imparfait de διεξειμι, narro! Je ne sai comment j’ai écrit dans ma
Copie; car on ne m’en a point envoié avec ces derniéres feuilles. A l’égard du mot
Phociens, je suis bien aise que vous m’en parliez; car je l’avois oublié moi-même. Vous
avez changé contre mon intention cette maniére d’écrire, que j’ai toûjours suivie, quand
il s’agit de ceux de la Phocide, que les Latins nomment Phocenses; & que j’ai ainsi
distingué toûjours des Phocéens, Phoaeenses, qui étoient en Ionie. Quand je n’aurois
pas vû écrit Phociens dans quelques Auteurs Modernes, j’aurois moi-même inventé cette
distinction, qui est nécessaire pour savoir de qui il s’agit. Ainsi je vous prie d’avoir
soin que l’on conserve désormais mon écriture. J’ai déja, à l’occasion du prémier
endroit où je m’appercus de ce changement, mis un avertissement dans l’Errata. A
l’égard de Toureil, pour Tourreil, je n’y avois pas pris garde; & vous pouvez changer
cela dans l’occasion. Je ne puis rien dire d’un autre endroit, qui vous a embarrassé, que
je n’aie vû la feuille. Au reste, des fautes que j’ai pû conferer jusqu’ici avec le
Manuscrit, la plûpart ne sont point dans ma Copie.

J’ai été fort surpris, aussi bien que vous, de ce que Mr de la Ch. m’a enlevé
l’Extrait du Livre de Mr de Bynck. qui m’appartenoit par plus d’une raison. Je soupçonne
<1v> fort, que c’est un tour de Mr Chion, qui a voulu faire sa cour à l’Auteur. Je me
souviens, qu’en 1728. que je fus à La Haie, il me parla une fois comme si on avoit été
surpris, & comme si Mr de B. n’eût pas vû de bon oeil, que j’eusse pris la liberté de témoi=
gner n’être pas toûjours du sentiment de cet Auteur, dans les Notes de ma Traduction du
Juge Comp. des Ambassadeurs. Il aura vû, dans la Bibl. Raisonnée, qu’en donnant l’Extrait
de ses Observ. Jur. Civil. j’avois fait quelque critique, quoi que d'une maniére fort honnête,
& assaisonnée d'ailleurs de beaucoup d'éloges. Il aura craint, que je n’en usasse de même, dans
l’Extrait des Quaest. Jur. Publici, & ainsi il aura 1 mot biffure engagé Mr de la Ch. à me
prévenir, pour faire d’une pierre deux coups. J’avois pourtant résolu pour le coup de demeurer
simple historien; quoi qu’il ne manque pas de choses dans ce Livre, où je n’approuve point les
idées de l’Auteur. Au reste, je ne sai sur quoi on se fonde, de dire qu’il y a quelque
chose qui regarde le cas de l’affaire de Mr de la Ch. Il faudra bien des machines, pour
l’en tirer. Tout ce qui regarde les affaires Ecclésiastiques, consiste en 2. Chapitres. Dans l’un
l’Auteur montre, que le Calvinisme du Synode de Dordrecht, n’a été autorisé par un consentement
unanime de toutes les Provinces, qu’en 1651. & que néanmoins chaque Province ne s’est
point ôtée par là absolument le droit d’agir à cet égard comme elle jugeroit à propos. Dans
l’autre, il défend, contre les Ecclésiastiques brouillons, l’Ordonnance des Etats de Hollande, en
1663. par laquelle il prescrivirent la forme & l’ordre des Priéres qu’on fait en chaire pour
les Etats & les Magistrats.

Mr Rossal m’a apporté une Lettre de Mr d’Orville, où il répond honnêtement
à la mienne. Voici ce qu’il me dit, sur ce que je souhaittois qu’il ne fût plus engagé dans
des quérelles littéraires. Sic autem velim de me existimes, uti mitissimus in hanc
arenam descendi, sic libentissimo animo ex eadem, quod in perpetuum liceat, exiisse

&c. Il me dit, que vous avez été le voir de ma part (de quoi vous ne me parlez pas)
& que vous lui avez dit, qu’il auroit au prémier jour de nouvelles marques de mon
honnêteté envers lui. Ainsi j’espére que vous lui envoierez, si vous ne l’avez déja fait,
l’exemplaire de mon Livre, qui lui est destiné. J’espére aussi que Mr Humbert se mettra
à la raison, & qu’il m’envoiera le reste des exemplaires, cousus ou reliez, qui doivent me
revenir selon nos conventions. Vous étes autant intéressé, que moi, à ce qu’il tienne sa
parole; & je suis bien fâché que vous aiyez ainsi du chagrin à mon occasion. Il
me semble, qu’en vôtre considération seule, on auroit dû agir autrement.

Je vous écris en envoiant la caisse des Céremonies &c de Mr Lastrop. Vous ne
m’aviez rien répondu là-dessus, & j’en écrivis à Mr Smith, qui m’a dit que je n’avois
qu’à envoier le Livre.

Ma fille se remet, graces à Dieu, mais cela ne peut être que lentement,
vû l’état fâcheux où elle s’est trouvée, & qui m’a tenu pendant quelque tems dans de
grandes inquiétudes. La petite, qui reste, se porte assez bien jusqu’ici. Je fais toûjours
des voeux pour vôtre santé, & suis, mon cher Monsieur

Tout à vous

Barbeyrac

J’oubliois de dire, que Mr Rossal m’a apporté les Mois
Avril Mai, Juin, Juilet, Août, des Observationes Miscellan. de la
part de Mr Dorville, qui lui en envoia deux exemplaires, l’un
pour lui, l’autre pour moi.

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 09 septembre 1737, cote BPF Ms 295/77. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/815/, version du 19.07.2016.
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