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« Assemblée LXXII. De l'autorité du mari sur la femme », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 05 décembre 1744, vol. 2, p. 372-382
LXXII Assemblée
Du 5e Xbre 1744. Présens Messieurs DeBochat Lieu=
tenant Bailllival, Polier Professeur, Seigneux Boursier, Seigneux
Juge, Baron DeCaussade, D’Apples Professeur, DuLignon, DeSaint
Germain Conseiller, De Tillisch, Clefker.
Messieurs Voici un abrégé des réflexions que vous fitesDiscours de Monsieur le Comte.
en examinant quelles qualités doivent avoir les femmes pour
contribuer au bonheur du mariage.
Le mariage, dites vous, est une société entre un homme
et une femme. Le but qu’on doit se proposer dans cette Société,
c’est de se procurer des secours et des avantages qui contribuent
à notre félicité, et de se rendre utile à la Société générale.
Moins il manque de choses à un homme, plus il est heureux,
et plus il est en état de remplir ses devoirs. On remplit des de=
voirs envers la société, ou pour soi même, ou en élevant des
enfans, de manière qu’ils puissent lui être utiles à leur tour.
Un homme ne pourra parvenir à ces différents buts, à
moins qu’il ne soit aidé dans ses travaux, qu’il ne soit se=
couru dans ses besoins et dans ses maladies: il faut encore
qu’il n’éprouve pas des contradictions dans ses desseins, qu’il
soit soulagé et recréé dans les peines qu’il est obligé de
prendre. Sans cela il ne sauroit être heureux, et il ne
pourroit remplir bien ses devoirs.
Tel étant le but d’un homme raisonnable, il n’est pas
difficile de déterminer quelles qualités il doit rechercher dans
une femme.
1° De la piété et de la vertu, c'est-à-dire, une dispo=
sition constante à remplir ses devoirs. Par là, elle s’attire=
ra l’estime, l’amitié & la confiance de son mari. Il est bien
/p. 373/ agréable de vivre avec une personne pour qui l’on a ces
sentimens.
2° Il faut qu’elle ait du bon sens & de la Prudence pour
aider son mari par ses conseils, et pour exécuter ce qui est
de son ressort.
3° Il n’est pas moins utile qu’elle ait de l’enjouement
ou au moins de la gaieté, pour éloigner par sa conversati=
on l’idée des peines inséparables de la vie.
4° Il est encor nécessaire qu’elle ait de la douceur & de
la complaisance pour ne s’aigrir point lorsque son mari
tombe dans quelque faute, ou qu’il manque en quelque
chose à son égard, & pour ne se roidir pas contre son mari,
lorsqu’il a des sentimens contraires au siens.
5° Enfin il est à souhaitter qu’elle n’ait rien de rebu=
tant dans la figure, & qu’elle ait de la santé pour préve=
nir les dégouts.
La naissance et la richesse ne sont des qualités néces=
saires pour une femme que dans quelques circonstances
particulières, & on n’en doit faire aucun cas, si elles ne
sont à la suite de celles qu’on a indiquées.
Monsieur Le Professeur Polier a proposé de traitterQuestion proposée par Mr le Professeur Polier, De l’origine, des Droits & des bornes de l’autorité du mari sur la femme ?
cette question, De l’origine des Droits & des Bornes
de l’autorité maritale. Cette question peut être regardée
comme une suite de la précédente ou l’on a recherché quelles
qualités on devoit rechercher dans une femme ?
Le plan que l’on doit suivre pour examiner cette Question,
a-t-il ajouté, est clair; il faut 1° définir ce qu’on entend par
l’autorité ou la supériorité d’un mari sur la femme, 2°
rechercher l’origine de cette autorité; 3° en indiquer les
Droits; 4° enfin en marquer exactement les bornes.
On ne peut rechercher les sources de l’autorité du mariSentiment de Mr le Boursier Seigneux.
que dans la nature, dans l’institution divine ou humaine.
C’est le sentiment de Monsieur le Boursier Seigneux que je
raporte. La Nature ne nous fournit pas de grandes lumiè=
res sur cet article; cependant je ne saurois m’empécher de con=
danner en passant Mr Puffendorf, qui refutant Hornius, dit
qu’il n’y a aucun principe de cette autorité dans la nature.
Car 1° l’excellence de la nature d’un Etre lui donne de la su=
périorité. Nous en avons un exemple bien marqué dans les
Anges: leur nature est beaucoup plus excellente et parfaite
/p. 376/ que celle des hommes; mais aussi on conviendra sans peine que
cette excellence leur donne une supériorité par dessus la nature hu=
maine.
Il en est de même parmi les hommes; ils aquièrent une superio=
rité les uns au dessus des autres par l’étendue de leurs connaissan=
ces, par la grandeur de leur génie, par la diversité de leur talens, par
des talens distingué, par leur fermeté, leur courage, leur capacité en
quelque chose que ce soit. Cette supériorité est reconnue de tous les
hommes, c’est même la seule qui ne soit point contestée. Qu’on ote
à un Prince sa puissance, & les forces qu’il a en main pour re=
primer les contredisans, quelle supériorité lui restera-t-il? qui vou=
dra se soumettre à lui? Si seulement on lui attribue quelque
vice, ce ne sera plus avec plaisir, mais avec repugnance, et par
force qu’on reconnoitra sa supériorité. Cette supériorité n’est
donc pas dans la nature. Il n’en sera pas de même d’un Démosthe=
ne, d’un Phidias, d’un Boileau, d’un Pope, & d’autres grands hom=
mes qui par leurs rares talens, & par la grandeur du génie se sont
aquis l’admiration de tous les hommes.
De ces vertus dont nous venons de parler nait la supériori=
té d’excellence, de la supériorité nait l’autorité. Qui refuseroit
de reconnoitre celle d’un Prince Eugène, du grand Condé, d’un
Hannibal, d’un Scipion? Mais les femmes manquent-elles de ces
talens? Il semble que non. Plusieurs d’entr’elles ont possédé les
plus grandes vertus & les plus grands talens. On a vu des fem=
mes gouverner des Etats avec beaucoup de distinction & avec beau=
coup de gloire. Mais ces exemples ne suffisent pas, il sont trop
peu fréquens, & d’ailleurs il ne suffit pas d’avoir ces qualités, il
faut encor avoir une aptitude à agir & à produire ces talens.
On peut donc poser ces principes. Il y a des qualités essenti=
elles à l’autorité, que les femmes n’ont pas, ou qu’elles n’ont
que rarement. Ce sont la fermeté d’esprit et de corps: les fem=
mes ont de la délicatesse, de la foiblesse, de la legereté, de la ti=
midité : De là nait la mollesse & le luxe. Les hommes aiant
donc ces qualités plus éminemment et plus généralement, c’est
à eux à commander. S’il y avait donc une société ou il
n’y eût point de convention là dessus, les Femmes devroient
même dans ce cas là accorder aux Hommes le droit de com=
mander.
Une seconde source de l’autorité des maris, c’est la conventi=
on; c’est sur ce pié là que se font & que se sont toujours fait
/p. 377/ les mariages dans tous les païs connus; & c’est cette convention au=
torisée par une pratique constante qui rend cette sujettion des
femmes moins onéreuse; car en formant la convention, chacun
règle ce qu’il doit faire.
La Société du mariage a pour but le bonheur commun
des deux contractans; il faut donc que l’autorité ne soit pas
illimitée & sans bornes, elle pourroit dégénérér en tirannie; mais
d’un autre côté il faut qu’il n’y ait qu’une autorité, & qu’un
seul qui commande, sans quoi la confusion & le desordre s’in=
troduiroient aisément dans cette Société. Si la nature de cette
Société ne donne pas une autorité illimitée au mari, l’insti=
tution divine ne la lui donne pas non plus.
Mais quelles seront donc les bornes de cette autorité &
jusqu’où s’étendra-t-elle ? Ces bornes seront réglées par tout
ce qui est nécessaire pour rendre cette Société heureuse. Tout
ce qui ne sera pas nécessaire pour arriver à ce but, & tout
ce qui s’en écartera sera une pure tirannie. On ne trouvera
rien ni dans l’Ecriture Sainte, ni dans les Loix de la Société
qui appuie cette autorité illimitée.
Je ne pense pas, a dit Monsieur le Professeur D’Apples,Sentiment de Mr le Professeur D’Apples.
que l’excellence de la nature donne de la supériorité à un Etre
sur un autre dont la nature est moins parfaite. Je crois que
les deux sexes sont égaux & qu’il n’y a de différence que celle
qui vient de la différente éducation qu’on leur donne. Le ma=
riage se fait par une convention & un contrat exprès des par=
ties: Dès là la femme devient pars familia, membre de la fa=
mille dans laquelle elle est entrée. La supériorité du mari
sur la femme vient donc d’une convention.
Je crois d’ailleurs que cette supériorité du mari ne lui
donne point une autorité proprement ainsi nommée; qu’el=
le ne consiste qu’en ce que le mari peut considérer ce qu’il
y a d’avantageux dans les diverses affaires de la vie que l’on
a à traitter, soit pour lui même, soit pour sa femme, soit
pour ses enfants; mais je crois aussi que la femme a aussi
son avis à proposer. L’Ecriture en parlant de la création de la
femme, dit qu’elle fût donnée comme une aide à l’homme: ce
que l’Ecriture en dit dans la suite doit être regardée comme une
punition ajoutée à la condition de la femme, c’est ce que l’Auteur
sacré veut exprimer, quand il dit que les devoirs de la femme se
raporteront à son mari. Le Christianisme a regardé la Société du
/p. 378/ mariage comme formée; la supposant, il prescrit de se rendre des
devoirs réciproques, de s’aimer, il prescrit encor comme un des princi=
paux devoirs la soumission de la femme à l’égard de son mari,
c. à dire, la déférence, la fidélité. Je crois au reste que ce que
l’Evangile dit de cette soumission ne doit pas être pris à la let=
tre & à la rigueur.
L’autorité que les Loix Civiles donnent au mari varie sui=
vant les païs, et suivant la volonté summi imperantis.
J’appelle (je raporte l’opinion de Monsieur le LieutenantSentiment de Mr Le Lieutenant Baillival de Bochat.
Baillival DeBochat,) j’appelle supériorité non l’excellence de la
nature, ni les talens distingués, ni la capacité, ni le mérite,
mais le droit de géner la liberté, la volonté de la femme, et
de la famille, dont le mari est mari, et maitre, qui oblige
l’inférieur à se soumettre, sans quoi il viole les droits de la
justice.
Il faut rechercher à présent si la nature donne ce droit
à l’un des sexes par dessus l’autre. Je ne trouve rien ni dans
l’un, ni dans l’autre qui donne droit à l’un de géner l’autre.
Or là ou il n’y a aucun droit de l’un sur l’autre il y a égalité; car
l’égalité consiste dans le pouvoir de diriger ses actions comme il
plait à l’agent, indépendamment de tout autre, sans manquer ce=
pendant aux Loix générales.
Examinons encor la nature de la rélation qu’on contracte
dans le mariage, je dis qu’elle ne demande pas non plus que le
mari ait la supériorité sur la femme. Cette rélation consiste à
s’entr’aider l’un l’autre dans les besoins réciproques: or cette
rélation ne decide point que l’homme doive être supérieur à la
femme. Si les circonstances particulières de quelque action deman=
dent qu’elle soit dirigée par l’un des deux, ou par le mari en par=
ticulier, ce sera un engagement in casu. La nature de l’engage=
ment les laisse dans un plein droit de contracter comme bon leur
semble. Si donc la femme est inférieure au mari, cela vient d’une
peine & par conséquent de la volonté d’un Supérieur.
Il s’agit de savoir si la volonté du Supérieur décide que
tout soit soumis à la volonté d’un seul. Or pour maintenir l’u=
nion & la paix, pour le bien de cette Société, il faut lorsqu’il
s’agira de décider, ou que l’une des deux volontés plie, ou qu’elles
concourent. Moins il y a de volontés, plus les affaires s’expédient
ainsi on peut s’assurer que le Créateur qui a voulu que les
hommes s’unissent par le mariage, a voulu aussi qu’il n’y eut
/p. 379/ qu’une volonté qui la dirigeât cette Société: mais cela ne donne au=
cun droit à l’un plutot qu’à l’autre.
Dans l’état de nature les hommes par leurs forces ont pres=
crit cette inégalité. La Révélation a donné à l’homme la supé=
riorité.
Cette supériorité doit s’étendre sur tout ce qui intéresse la
femme rélativement à son mari, & la famille dont il est le chef
ainsi la femme viole son devoir si elle y manque. Toutes les Loix
civiles supposent cette inégalité qui est reconnue chez bien des peu=
ples. Mais la Révélation est le seul principe de Droit, exceptés les
conventions qui établissent cette subordination.
Par rapport aux enfans la nature indique ce qu’il faut
penser de leur état. Le fils est censé par toutes les Nations ap=
partenir plus au père qu’à la mère; Par conséquent le Père
y a un degré d’autorité plus que la femme. Nous parlons de
droit rigoureux. L’Évangile n’a rien ajouté à cette supériorité,
il l’a confirmée à cause des Loix romaines.
Il y a deux questions à examiner sur cette matière, aSentimens de Mr le Conseiller De St Germain
dit Monsieur le Conseiller De St Germain; l’une de fait, & l’autre de
droit. Est-il d’un usage plus universel que la volonté de l’homme
prévale sur celle de la femme. C’est une question qui est difficile
a decider. En fait les Loix civiles & humaines nous la donnent.
Examinons en l’origine de cette supériorité. Supposons que deux
personnes encor jeunes & dans un âge ou elles n’ont point encor pu
s’instruire des usage recens; supposons, dis-je, que ces personnes sont
portées dans une ile deserte; elles grandissent & viennent enfin à
s’unir par le mariage, elles s’apercevront bientôt dans cette société
qu’il faut de l’union entr’elles, & que dans bien des cas ou les senti=
mens sont partagés, il faut que l’une cède à l’autre; mais qui cede=
ra ? le plus faible des deux; le fort l’emportera. Ou si l’un des
deux s’aperçoit que l’autre ait les vues plus étendues, le juge=
ment plus sain, en un mot plus de capacité, ou plus de force
de corps que lui, il se soumettra sans peine, avec plaisir aux dé=
cisions de celui dont les lumières sont aux depens des siennes. En un
mot cette subordination des circonstances de force, de santé, d’activi=
té, de paresse, d’orgueil, ou de capacité dans lesquelles ils se trou=
veront l’un et l’autre; ainsi la nature ne décide point à quel
des deux sexes l’autorité doit appartenir.
Je definirai la Supériorité, dont il est aujourd’hui question,Sentiment de Monsieur le Juge Seigneux.
a dit Monsieur le Juge Seigneux, comme Monsieur DeBochat,
/p. 380/ et je crois qu’elle ne se trouve que dans le Droit naturel &
non dans la force, & dans la distribution inégale des ouvrages
pénibles, ni dans l’inégalité des talens; Tout cela ne vient que
de l’éducation. Cette supériorité ne vient que des circonstances:
si elle donnait un droit; les femmes l’auroient souvent, puis qu’on
en voit qui l’emportent en talens sur leurs maris; il en est mê=
me plusieurs qui se distingueroient entre les plus grands génies.
Si la supériorité des maris vient donc de cette cause, les fem=
mes ont droit de protester contre les Lois civiles qui ont
été faites par les hommes, et qui la donnent aux hommes.
L’Évangile ne donne pas même cette supériorité aux
hommes. On pourroit traduire ces paroles de St Paul, qui
dit que les femmes doivent être soumises à leurs maris d’une
manière plus radoucie. Jesus Christ et ses Apôtres ont suivi
l’usage établi en parlant du mariage; mais ils ont borné l’au=
torité des maris: ils ont dit que les deux mariés n’étoient
qu’un, qu’il fallait par conséquent concourir l’un avec l’autre
dans les mesures qu’on a à prendre. Le Droit naturel
donc, l’Ecriture sainte, les Loix civiles n’établissent point cette
supériorité et n’en découvrent point les fondemens. L’usage
cependant l’établit, et les femmes s’y conforment sans rè=
pugnance.
Monsieur le Baron DeCaussade n’a rien voulu ajouter.Mr le Baron DeCaussade. Sentiment de Mr DuLignon.
Monsieur DuLignon a dit qu’il ne voulait point re=
chercher l’origine de cette supériorité, mais qu’il s’en tenoit
là dessus à ce que prescrit le formulaire du mariage.
Je crois à dit le Professeur Polier, que surSentiment de Mr le Professeur Polier.
cette Question il faut commencer par établir le fait, ce sera
déja un préjugé avantageux. Il faut donc examiner ce qui
se fait dans toutes les nations, & ce qui s’est fait dans tous les
tems; par là on reconnoitra que les Hommes ont de la Supéri=
orité. L’Histoire sacrée l’établit aussi. Nous en voions des
exemples dans Lemech, Noé & les autres Patriarches. Parmi
le peuple Juif tout le tems qu’il fut gouverné par Dieu lui mê=
me, les femmes ont toujours vécu dans la subordination, & cela
n’a pas changé dès lors. Il en étoit de même parmi les Payens
chez les Perses comme on peut le voir dans le Livre d’Esther, chez
les Egyptiens, les Grecs, les Gaulois, & les Romains, en un mot chez
toutes les nations connues.
Ce n’est donc pas par usurpation que les hommes ont cette
/p. 381/ supériorité, ce n’est pas non plus un effet de leurs forces, dont
ils sont pour l’ordinaire mieux partagés que les femmes. Nous ne
voions nulle part qu’ils aient employé la violence pour l’obtenir. Ou
faut il donc rechercher l’origine de cet établissement. Je la trouve
dans l’institution du mariage. Quand Dieu créa la femme, l’Au=
teur sacré dit qu’il fit une aide à l’homme, qu’il la forma sem=
blable à lui, ou pour être comme devant lui, pour observer ses
ordres. D’ailleurs la femme tire son origine de l’homme et non pas
l’homme de la femme, elle a été formée pour lui, et non l’homme
pour la femme. Ajouter à cela que cette sujettion a été imposée
à la femme comme une punition après sa chute.
Les conventions ne donnent pas ce droit, elles ne pourroient
être que particulières, mais les Lois civiles qui sont fondées sur l’inst=
titution primitive. Cette supériorité n’est acquise aux maris, ni par
usurpation, ni par prescription; les femmes ne se sont jamais
soulevées contre cet usage.
Pour ce qui regarde les bornes de cette autorité, on a dit
qu’elle s’étendoit autant que le demandoit le bien & l’avantage
de cette Société particulière. Il faut donc que la volonté de
l’un plie à la volonté de celui en faveur de qui est la préven=
tion dans toutes les choses ou il s’agit d’agir de concert, & dans cel=
les mêmes qui ne doivent et ne peuvent être exécutées que par
l’une des parties, mais qui doivent se raporter à un but et à
un plan général.
On peut cependant y apporter des exceptions. Un mari 1°
ne peut pas user de son autorité en toutes choses; il ne doit
l’emploier que dans l’éducation de ses enfans, et dans les cho=
ses qui regardent sa femme, entant qu’elle est liée avec lui,
qui sont du but du mariage, & en vue desquelles il a contracté
cette Société. 2° un mari ne doit pas exercer son Droit
avec rigueur, & avec violence; mais il doit par sa douceur, par
sa complaisance & par ses bonnes manières s’attirer l’estime de
sa femme, gagner son affection, & l’engager par là à se ra=
porter à son mari, à suivre ses décisions, ses vues, & ses plans.
Enfin un mari doit proposer à sa Femme ses desseins, en déli=
bérer avec elle, écouter ses avis, les suivre autant que cela poura
s’acorder avec ses vues, lui exposer avec douceur ses sentimens
lorsqu’ils s’écarteront des siens, et ne rien négliger de ce qui sera
propre a conserver l’union que la Raison & la Religion lui re=
commandent.
/p. 382/ On est convenu ensuite de traitter samedi prochain cetteQuestion qu’on traitera dans l’assemblée suivante
Question, et Monsieur le Conseiller DeSaint Germain s’est chargé
d’en dire son sentiment le prémier. De l’influence du com=
merce des femmes par rapport au cœur et à l’esprit, des
moiens de rendre ce commerce le plus avantageux qu’il
est possible, & de prévenir les dangers & les inconvéniens
qu’il peut entrainer avec lui.
Comme j’avais égaré le plan que Monsieur le LieutenantVoir la page 365.
Baillival DeBochat avoit donné pour traitter la Question de
la Société précédente, j’y en ai substitué un de ma façon; mais
puisque le mien est différent de celui de l’auteur comme je l’ai
remarqué après l’avoir retrouvé, je le placerai ici.
Nous nous proposons d’examiner quelles Qualités doiventPlan de Mr le Lieutenant Baillival de Bochat.
avoir les Femmes, pour qu’elles contribuent autant qu’elles peuvent
y contribuer, au bonheur du Mariage.
1° Il faut définir le Mariage. Etablir par la Définition
ce qui doit faire le Bonheur de cette Société.
2° Montrer que plus les Fins qu’on doit s’y proposer ap=
procheront d’être remplies par la Femme, plus la Société
doit être heureuse.
3° Ces Fins ne peuvent être remplies d’une manière
propre à contribuer au Bonheur de la Société, si la Femme
ne possède pas des Qualités de Corps, de Cœur, et d’Esprit; sans
lesquelles il n’y a pas lieu d’espérer naturellement qu’elle y
contribue.
4° Enumeration de ces Qualités. Démonstration des influ=
ences que chacune doit avoir sur le Bonheur de la Société.