,
« Sur la complaisance / Maison d’enfants trouvés / Copies des mémoires », in Journal littéraire, Lausanne, 02 décembre 1781, p. 74-75
<74> Assemblée du 2 Decembre 1781, chez Mr
Levade, Président; presents, Mrs De Saussure
le juge, de Morrens, Verdeilh, Bridel, Gillies,
Secretan, Küttner, Verrey & Vernede. Invités
Mrs Hardy, de Coppen, de Brenles, & le Docteur
Levade de Vevey
Question
Qu’est-ce que la complaisance? Quelle
est son utilité, ou quels sont ses avantages?
Quels sont ses inconvénients?
Mr Vernede a lû un Discours sur la
complaisance. Il l’a définie en tant que
qualité louable, une sorte d’effort habituel
pour plaire, autant que l’innocence le
permet, aux personnes qui ont quelque
commerce avec nous.
Question sur la complaisance.La Complaisance est donc une condescendance
honnête, qui fait que nous plions notre
volonté pour la rendre conforme à la
volonté des autres ou, c’est un préférence
réfléchie & sage que nous accordons, non pas
par goût, ou uniquement par goût, mais
d’action, à la volonté des autres, à laquelle
nous faisons céder notre propre volonté;
& cela, non dans des choses qui sont des
devoirs, ou des obligations; ou des services
qui souvent deviennent obligatoires; mais
dans des Attentions, des déferences, des
prévenances, & des égards agréables à ceux
qui en sont les objets.
Telle étant la nature de la complaisance,
la faire connoitre, c’est la recommander,
en meme temps, & fournir des Motifs suffi=
sants à l’exercer.
Les justes bornes de la Complaisance
sont la raison & le devoir.
Un seul inconvénient qu’il y auroit
à exercer la complaisance, c’est cette
sorte de gêne que la complaisance
impose. Au reste elle n’est pas proprement
une gène facheuse pour les Gens d’une
volonté fléxible. Chez ceux d’une
volonté ferme, la 1 mot biffurereflexion ayant fait de
la complaisance une espece de devoir,
l’habitude & le goût en font ensuite,
insensiblement un plaisir.
S’il restoit encore quelque peines, atta=
chées à l’exercice de la Complaisance ne cederoient-elles
<74v> pas aux avantages qui en résultent?
La complaisance est payée de retour
par la complaisance, on plait; on
oblige; on se fait aimer.
Le défaut de complaisance est moins
à craindre, de la part de ceux qui savent
penser & sentir, que des excès de complai=
sance contre lesquels on seroit plus en
garde, si l’on réfléchissoit davantage
aux suites funestes qu’ils eurent tant de
fois.
Mr Levade a insisté sur la nécessité
de former, de très bonne heure, les Enfants
à la complaisance.
Les divers Membres se sont plus ou
moins étendus sur la complaisance. Il
résulte de ce qui a été dit, que l’on a
reconnu le principe de cette qualité dans
la bonté du cœur; qu’elle mérite par
conséquent d’être placée à la tête des
vertus douces, leniores virtutes; qu’elle
suppose même un certain ordre dans
l’esprit, & de plus une certaine force
dans l’ame, requise pour le sacrifice
fréquent de l’Amour-propre, & enfin
que la complaisance est une des
qualités les plus liantes, les plus agréables,
& les plus utiles dans la société.
Enfants-trouvésIl a été déclaré que tel membre
qui n’entreroit pas volontiers, dans le
projet d’établir une Maison d’Enfants-=
trouvés, étoit libre, comme de raison, de
n’y prendre aucune part.
Mr d'Eyverdun & Mr Levade ont
été priés de vouloir bien porter à Mr
Tscharner, notre nouveau Baillif, avec
les hommages de notre société, un
Catalogue de la Bibliotheque publique,
& une invitation respectueuse à Mr
le Baillif & à sa famille, de vouloir en
faire usage.
Mr Secretan a demandé, à cause
de ses nombreuses occupations, d’être
provisionnellement déchargé de son
emploi de Secretaire. Cela a fait d’autant plus de peine
<75> à la société, qu’il s’en acquitoit fort bien.
Mr Vernède s’est chargé des 4 Résomptions
du 9 Août, du 1er & du 25 de Novembre & du 2 de Dece.
Mr Secretan s’est démis du secretariat. Mr Vernede s’en est chargé pour un mois.Il a été résolu qu’à l’avenir, chaque
Membre seroit à son tour, Président &
Sécretaire, à la fois. Il vaudroit cependant
mieux qu’un seul fût chargé du secreta=
riat, du moins pendant un certain temps
de suite.
À cette occasion, les Membres sont de
nouveau invités à écrire, ou priés de
vouloir bien du moins donner des abrégés,
des Extraits, des Nottes de leurs Avis, afin
que les secretaires soyent soulagés, & que
les Résomptions soyent plus exactes & mieux
fournies. Elles ont quelque fois une
lacune considerable, provenant d’un
simple renvoi aux Discours écrits, sans
en prendre les définitions, le plan & les
idées principales. Cela seroit cependant
essentiel, pour conserver dans notre
Régistre, quelque chose de plus lié sur
chaque sujet. Il seroit aussi fort utile,
que les Résomptions fussent d’ordinaire
terminées par l’exposition des avis
différents, s’ils ont été opposés, ou par la
conciliation des Avis, si l’on a été à peu
près d’accord. Cela indiqueroit le
jugement porté par la Société sur la
question proposée, & répondroit à son
grand but, la recherche du vrai, dans ce
qui est du ressort de la Philosophie
spéculative & morale, des Belles-lettres, &
des Beaux-Arts.
Mr Vernede prend la liberté de
mettre le ci dessus sous les yeux de la
société, en lui offrant de se charger
provisionnellement du sécrétariat pour
quelques mois. L’offre de Mr Vernede
a été acceptée pour un mois, selon le
Reglement portant que chaque Membre sera
secretaire, à son tour, pendant un Mois.