Transcription

La Harpe, Frédéric-César de, Mémoires. Suite de la cinquième période, 1801-1802 (Cahier J), Lausanne, [1837]

Cahier J.

Continuation des Mémoires
de F. C. de la Harpe
depuis le mois de Juillet 1800
jusques à l'année...

Suite de la Ve Période

2d Sejour à St Petersbourg
d'Août 1801 au 7 May 1802
et retour à Paris en Juillet 1802

 

Lettres et Mémoires de ma Correspondance insérés ou indiqués
dans ce Cahier

Lettre du 22 Dec 1801. Sur la nomination d'un gd Chancelier

Lettre du 3 Janvier 1802. contenant des extraits du
Voyage de Pallas dans la Russie méridio=
nale et des améliorations conseillées par
lui.

Lettre du 31 Dec. 1801. Extraits des Voyages de la Pérouse
et de Vancouver fournissant des
Données sur les améliorations que
la Russie pourroit en retirer

2: Fragmens du Mémoire du 15 Janvier 1802. sur les rapports
politiques, militaires et comerciaux
de la Russie avec les autres Etats.

Fragment du 2d Mémoire du 20e Janvier 1802 sur le complément des
Rapports politiques et militaires etc.
de la Russie avec ses voisins, con=
cernant particuliérement ceux avec
la France.

Lettre du 7 Janvier 1802. sur mes affaires financiéres

Grand Mémoire du 7 Avril 1802 récapitulatif de nos Entretiens particuliers.

Lettre du 8 Avril 1802. annonçant mon prochain départ.
traitant des moyens de correspondance, ex=
primant le regret de n'avoir pu rappro=
cher la Fce et la Russie, demandant ce
qu'il doit faire en arrivant à Paris. et
anonçant sa résolution de vivre en campagnard

Lettre du 3 Janvier 1802. avertissement sur les bruits de menées
tendantes à abuser de la Philantropie de
l'Empereur. Mesures à prendre

Lettre du 24 Avril 1802 contenant 10 Observations diverses
sur quelques mesures préparatoires pour
le moment ou l'organisation ministérielle
paroitra, sur la responsabilité à exercer
envers les Employés, sur l'admission des
Employés supérieurs, sur l'expédition des
affaires, sur la réorganisations de la Police.
Sur l'in l'admission des habitans, dans
les bibliothêques et galeries de tableaux. 

Fragmens d'une 2d Lettre du 24 Avril 1802, renfermant des observations
diverses.

Lettre du 29e Avril 1802 contenant 4 observations principales sur la réponse
à faire à la représentation (Doklad du Sénat
due Juin 1801

<151> Toujours attentif aux bruits qui se répan=
doient sur les menées pratiquées par les
partis qui cherchoient à s'emparer des
grandes places, de celles surtout qui devoient
faciliter les moyens d'éxercer une influence
entravantes, sur les mesures projettées p
contre les vieux abus, je ne manquois pas
de les transmettre à l'Empereur, afin de le
mettre en garde. C'est ce que j'éxécutai le
22e Dec. 1801 de la manière suivante

 

Sire!

Le bruit court que vous allez rétablir la place
de Grand Chancelier.

Sans vouloir deviner votre Secret, je prens
la liberté d'adresser à V. M. I. mes réfléxions, dans
la supposition ci-dessus.

Un Grand Chancelier deviendroit un monarque
absolu dans son département.  Vous avez
Sire, pour celui ci, des homes qui méritent
vôtre confiance, avec lesquels vous pouvez dis=
cuter facilement les affaires; ne les mettez
pas aux prises avec un supérieur qui seroit de
trop, s'il n'est qu'un figurant, et qui s'il est
un être être réel, despotisera tout de suite à
leurs dépens, puis aux vôtres, et vous metra=
tra finalement dans sa dépendance.

Catherine IIde ne rétablit pas même la place
pour le Comte Panin, après la retraite
duquel elle demeura inoccupée; fut-elle
moins bien servie?

J'aurois même à présenter à V. M. I.
quelques observations rélativement à l'home
qu'on designe, et que j'ai connu par moi
même et par d'autres.

Il a certainement une grande expérience
des affaires, quoiqu'il ne soit pas un home
à hautes conceptions. Malheureusement
ses principes sont en tout, contraires aux
rèformes que vous méditez.

Placé à la tête d'un Département come
ministre il y éxerceroit un despotisme
qui ne seroit supportable que pour des
Etres nuls ou avilis. Ce n'est pas à son
âge qu'on change d'habitudes.

Mais que lorsque vous voudrez consul=
ter Votre Conseil, il pourra vous rendre
de très bons services, par ses objections et
sa critique.

Il est toujours bon de consulter les homes
d'opinions diverses, afin de connoitre par
eux, les inconvéniens qui aurroient
échappé à d'autres. Sous ce point de
vue l'home en question, vous sera très
prétieux.

En continuant, Sire, à le traiter
avec les égards dus à son mérite à son

<152> age, et à ses dignités, vous lui rendrez
ce qui lui appartient. Mais je ne
puis trop le répéter; qu'il apperçoive
bien clairement, par votre conduite en=
core plus que par vos paroles, que
vous êtes décidé à demeurer seul Empe=
reur; que si vous recherchez les lumiè=
res, et accueillez avec reconnoissance,
les bons Conseils, vous ne voulez décidé=
ment d'aucune tutêle. 

Un Conseil privé est un tamis qui
ne doit être mis en mouvement que
par vous, lorsque les objets à tamiser
y aurront été placés par vos ordres.

Moreau, Hoche, Joubert, Bonaparte
avoient votre age; Sire, lorsqu'ils ont
jetté les fondemens de leur réputation.

Nous vivons dans une période où
la jeunesse n'est plus indistinctement,
un caractêre d'infériorité: On peut
raisonner juste et agir sagement
sans avoir les cheveux gris.

Vous êtes, Sire, dans l'âge de la force,
et vous avez été à une école sévêre;
ainsi vous avez bien le droit de jouïr
vôtre sublime rôle avec une dignité
qui éloigne jeunes et vieux, d'habi=
tudes de familiarité, que ne compor=
tent plus les attributions de votre
place.

Les gens de bien se réjouïront, en
voyant que vous déjouez avec grace
et sans bruit, tous ceux qui s'étoient
proposé de vous empêcher d'être vous
même.

Ne vous écris-je point trop souvent?
Sire. J'attens de votre part la même
franchise que vous éxigez de moi. Mon
excuse est que si vous avez peu de
tems, une lettre est bientôt lue.

Agréez

 

La réponse ne se fit pas attendre.
Je reçus imédiatement le billet
suivant.

 

Je saisis, mon cher, le 1er moment
libre qui se présente, pour vous
remercier pour votre dernière lettre,
et pour vous dire, que vous ne pouvez
pas m'écrire assez souvent, que c'est
la plus grande marque d'amitié
que vous pouvez me donner, et que
vous ne faites par là qu'ajouter à
toute la reconnoissance que je vous
ai vouée pour la vie.

<153> Je ne conçois pas d'où a pu naitre le
bruit de la création d'un Chancelier;
jamais il n'en a été question et ja=
mais cela ne se fera.

Votre façon de juger l'individu s'ac=
corde parfaitement avec la mienne.
Le tems fera tomber ces bruits. Adieu
mon cher, je vous salue.

 

Les améliorations dont l'agriculture
russe étoit susceptible m'avoient frappé
en lisant le voyage fait par le célébre
Pallas dans la Russie méridionale,
dont la publication venoit de paroitre.
J'avois beaucoup connu ce grand natu=
raliste, dont les rélations sur la Sibérie
avoient fait connoitre, révélé repandu sur les cho=
ses et sur les homes, les connoissances les
plus instructives. IlOn pouvoit donc comp=
ter sur les observations d'un observateur
de ce mérite, et écouter avec fruit ses
conseils. Je résolus donc de les recueillir
avec soin, et je les transmis le 3 Jan=
vier 1801 à l'Empereur dans la
forme suivante.

 

1) facilité d'introduire ou de favoriser
la culture d'un grand nombre de végé=
taux utiles, arbres etc. etc. p. ex Le pin
maritime
qui fournit une terèbentine
abondante, pourroit être propagé le
long des côtes de la mer où il éxiste.
Le noyer et le chataigner qui beaucoup trop rares
sont et dans le même cas, le Sésame, la
Le Sésame, la garance si utile pour la
teinture, le murier et le Coton arbuste
qui prospêre deja dans les vallons méri=
dionaux près de Kislar, le Capriery réus=
siroient, de même que le Caprier.

2) La culture de la vigne devroit être encou=
ragée. Tout le midy de l'Empire, sur=
tout la partie renfer comprise entre
Poltava et Astrackan en est susceptible.

3) La Tauride renferme du Minerai ferru=
gineux.

4) Les pêcheries sont négligées. On pourroit
en tirer un parti imense, ayant le
sel à portée, et des débouchés.

5) Les Salines ne fournissent pas ce qu'on
devroit en retirer. La manipulation est
vicieuse.

6) Les forêts de la partie méridionale où
se trouvent les plus beaux arbres qui
pouvant servir à la construction des
vaisseaux, sont abandonnées à l'insou=
ciance rapace des Tatars-montagnards
et à la dent funeste des chêvres qui em=
pêchent les recrues. Nécessité d'arréter
cette destruction et de replanter.

<154> 7) encouragemens à donner à l'éduca=
tion des animaux domestiques.

a) fournir des étalons aux fraix de la
couronne.

b) améliorer les laines en faisant venir
des brebis et des béliers, soit d'Espagne,
soit de la Romélie, soit de la Hongrie.
La Tauride fourniroit, au bout de quel=
ques années, les plus belles laines. (On
l'a pratiqué en France avec succès, quoi=
que le climat soit moins favorable.)

c) améliorer la race des chêvres, en se pro=
curant des boucs et des chèvres d'Angou=
ri
en Natolie, et les distribuant aux
habitans de bonne volonté, des côtes
méridionales.

d) détruire les loups, ce qui peut être
facilement éxécuté en Tauride, en
accordant des primes, la Tauride étant
prèsque insulaire

8) Il seroit à propos de remplacer les Ta=
tars montagnards, race ignorante,
paresseuse, destructrice et mal disposée,
par d'autres habitans (arméniens, géor=
giens, grecs, moldaves)

Les 1ers devroient et pourroient être pla=
cés plus en arriêre.

9) Les meilleurs vallons du Midy ont
été distribués à de grands Seigneurs qui
n'en tirent aucun parti.

Le Gouvernement a le droit de mettre
un terme à ce scandale, en fixant une
époque à laquelle ces terreins devroient
être utilisés, ou revendus à d'autres. Ils
ne leur ont pas été concédés pour perpé=
tuer la barbarie.

10)  Les proprietés ont été rendues incer=
taines, depuis la conquête. On a per=
mis aux Indigênes de contester les rede=
vances aux quelles ils étoient tenus, par
les anciennes concessions.

Il seroit essentiel de ne point admet=
tre les Tatars au serment, à défaut
de documens, étant instruits à se par=
jurer des qu'il est question de contes=
ter avec les Infidèles. Les Documens
écrits
devroient seuls être admis.

Cet inconvénient est certainement
digne d'une attention sérieuse. Là, où
les proprietés sont incertaines, il n'y a
point d'améliorations à espérer. Cet
état de choses doit cesser.

11) Nécessité de 1 mot biffure placer à Kertch
la quarantaine pour les vaisseaux qui
se rendent dans la mer d'Azof et les ports
méridionaux de la Tauride.

12) Urgence de mettre la rade de Kertch
à l'abri, par une jettée, d'achever
les batimens destinés au Lazareth et
de réparer les citernes et les aqueducs.

Mr Pallas propose en se résumant
les moyens ci-dessus

a) d'encourager par tous les moyens
les cultures indiquées.

<155> b) favoriser la fabrication des étoffes en
laine, des cuirs et du Salpêtre

c) rassembler dans des jardins, les plantes
des pays chauds qui servent aux arts
et à la médecine

d) placer ailleurs le bureau des Douanes de
Perekop, qui est nuisible au comerce
et à l'industrie.

e) favoriser l'exportation des produits eu=
ropéens arrîvant par le Nord, moyen=
nant des droits de Transit, qu'ils paye=
roient pour passer en Natolie, où ils
aurroient un grand débit. 

f) créer une compagnie marchande, chargée
particuliérement de ces exportations de=
puis la Tauride .

 

Ces Conseils de Pallas ne passèrent point
inapperçus; soumis au contraire à un éxa=
men sérieux, ils furent appréciés, et des
mesures prises avec maturités, prouvèrent
que des Conseils donnés avec franchise,
par des homes instruits et bien pensans,
ne nl'étoient jamais en vain.

J'avois recueilli de mon côté plusieurs
Données

La lecture de quelques ouvrages m'avoit
procuré, des Données positives sur divers
sujets intéressans. Pensant qu'elles pou=
voient lui être utiles, je résolus de les ré=
unir dans ce 2 3 caractères biffure mémoire que je lui
j'offris 2 3 mots biffure à l'Empereur avec
mes voeux pour la nouvelle année. Il étoit
ainsi conçu

 

St Petersbourg

31 Dec. 1801

Sire

J'ai l'honeur à V. M. I. les observations suivantes.

I

Il éxiste, depuis 4 ans, un atlas du voyage de
La Pérouse, bien précieux pour la Russie, en
ce qu'il détermine le gisement de plusieurs
iles et havres de la mer orientale.

J'ai parcourru avec un égal intérêt la
relation en 3 gros volumes in 4° du Voyage
éxécuté depuis 1794 à 1796 par le Capitaine
anglois Vancouver, pour éxaminer et décrire
les côtes N. O. de l'Amérique septentrionale,
depuis le 30° jusques au 60° degré de latitude.
Le 3e Volume est plein de détails sur les
établissemens russes.

Des cartes soignées accompagnent cet ou=
vrage et font connoitre une multitude d'iles,
de détroits, de bayes et de havres, qui pour=
roient être un jour, d'une grande utilité
pour vos navigateurs.

Ces cartes sont momentanément entre mes main
mains; si V. M. I. desire les voir, je les ferai
porter chez Elle.

<156> En attendant, il me semble, Sire,
1°) qu'il seroit urgent de faire graver
sur une plus grande échelle, celles d'entre
les cartes de Lapeyrouse et de Vancouver
qui concernent les possessions russes, et
d'en expédier beaucoup d'éxemplaires à
Irkoutsk, pour les marchands et navi=
gateurs russes.

Les graveurs attachés au Dépôt des Car=
tes
, aurroient l'occasion d'éxercer leurs
talens, et de gagner quelque chose. 

2°) Il ne seroit pas moins utile de faire
traduire la partie nautique des journaux journaux
ouvrages ci-dessus, pour la joindre aux
cartes; ce seroit le travail d'un marin.

3) On pourroit, enfin, insérer dans les
Gazettes des extraits de la partie histo=
rique
et physique de ces mêmes jour=
naux, ou d'autres de la même espêce;
ce seroit l'affaire de l'Académie et des
Gazetiers. (1 mot biffure)

II

La connoissance que les journaux du voya=
ge de Vancouver
donne d'une partie des
établissemens russes, pourroit les com=
promettre un jour. Delà la nécessi=
té de les mettre au moins, à l'abri
d'un coup de main de la part de toute
puissance intêressée à interrompre
pour plusieurs années, le comerce russe
dans ces parages

Ce voyage trahit, en outre, les grands
projets de l'Angleterre, rélatifvement
au trafic des pelléteries.

La cession qui lui a été faitte d'Owhy=
hee
la métropole des iles Sandwich, par
le roi et les chefs, devenus aujourdui
les vassaux de la grande Brétagne, pro=
curera à celle ci l'étape qui lui
manquoit dans la mer pacifique,
pour arriver comodément jusqu'à
Nootka-Sound.

Owhyhee liera la côte occidentale de
l'Amérique avec l'ile Norfolk, Jak=
son's bay
, Benkoulen et le Bengale. 

Des progrès aussi admirablement
combinés, méritent bien de fixer l'at=
tention de la Russie, à laquelle le
Comerce des pelléteries procure les
moyens d'un trafic très avantageux
avec la Chine.

III

La culture du Navet, ou de la Carotte
(Betterave) à sucre, est suivie avec
succès dans les Etats prussiens.

Des expériences repétées en grand, at=
testent que le sucre qu'on en extrait
est d'excellente qualité et revient à
peu près au même prix que celui de la cane.

<157> L'administration prussienne a fait pu=
blier tous les procédés rélatifs à la culture
et à la fabrication

L'Institut de France a fait répéter les expé=
riences, dont les résultats ont été à peu
près les mêmes, et s'il n'encourage pas cette
nouvelle culture, c'est que la France possédant
des Colonies à sucre n'a pas besoin de s'y
livrer en Europe.

La Russie est dans une position diffé=
rente. La culture du Navet à sucre peut
y être introduitte sans nuire à d'autres cul=
tures. Combien de terreins incultes dont
le sol conviendroit sans doute à ce navet,
qui diffêre peutêtre bien peu du navet de
Finlande
, dont le principe sucré est si
abondant!

On pourroit se procurer à Berlin, les
Semences et les instructions, puis on dis=
tribueroit les premières à certaines condi=
tions, et l'on feroit imprimer et répan=
dre celles ci. La main d'oeuvre étant
à meilleur marché en Russie, il y aur=
roit plus d'avantages qu'ailleurs, à en=
treprendre cette culture que le Gouverne=
ment pourroit encourager par des primes
Primes bien entendues, jusqu'à ce qu'elle
se soutint par elle même.

Ce seroit déja un grand avantage pour
vos états, Sire, de les affranchir de la
dépendance où les retient, le besoin du
sucre

IV

Plusieurs provinces manquent de bois.

Le midy de la Russie en est particuliére=
ment dépourvu; il faut mettre un terme
à cette calamité.

Semer et planter doivent être tracés en
grandes lettres d'un bout de la Russie à
l'autre.

La Sibérie ne fournit pas seulement
plusieurs espêces d'arbres et arbustes
qu'on naturaliseroit avec avantage
dans vos provinces méridionales.

Les autres parties du monde pourroient
leur en fournir également, et accroitre
d'une maniére aussi utile qu'agréable,
leurs richesses végétales.

La France, l'Allemagne et surtout
l'Angleterre comencent à s'en bien trouver;
pourquoi la Russie qui a tant de terreins
vierges, demeureroit-elle en arriére?

L'Angleterre peut déja fournir en abon=
dance, des graines et des rejettons. Mais,
il vaudroit la peine d'envoyer en Amé=
rique un ou deux Botanistes instruits,
chargés de recueillir et envoyer en Europe
des Semences de tous les arbres et arbustes
utiles susceptibles d'être naturalisés dans

<158> le midy de la Russie. Le Prési=
dent Jefferson les seconderoit certai=
nement sur une invitation de votre
part. 

Dans l'intervalle on prendroit des
mesures pour préparer les terreins
destinés à recevoir ces semences.

Le succès payeroit largement les
fraix de ces voyages.

Je puis attester à V. M. I. les succès
de pareilles entreprises en France. Ils
ne sont pas même à comparer à ceux
qu'on a obtenus en Angleterre, où
chaque année voit s'accroitre les
richesses du Sol, en ce genre.

Soutenez, Sire, votre administra=
tion forestière, qu'on voudroit étouffer
sous le poids des paperasses. Elle a
contr'elle tous ceux qui se sont ap=
proprié les forêts de l'Etat.

Telle est la corruption que quicon=
que crie au voleur!, risque d'être
étouffé.

On vous a fait avancer , il y a quel=
ques mois le même fonctionaire,
qui devoit être renvoyé pour cause
de mauvaise conduite. Examinez
le fait, Sire, et punissez ceux qui
vous trompent.

V.

Les admirables travaux du Comte de
Rumford
pour économiser le com=
bustible, simplifier l'administra=
tion des établissemens publics, et
faire disparoitre la mendicité, mé=
ritent l'attention de V. M. I.

Il seroit digne de Vous, Sire, d'invi=
ter cet home respectable à faire une
course de quelques mois en Russie,
pour éxaminer l'administration
économique de vos établissemens
publics. Vous pourriez en parcou=
rir plusieurs avec lui, et faire
éxécuter tout de suite, sous sa direc=
tion, les améliorations reconnues
nécessaires, pour servir de modêles à
d'autres. La philantrope Rumford
est digne de s'entretenir avec un
Empereur-citoyen. Il est Géné=
ral au service de l'Electeur de
Bavière.

Je ne connois ce digne home, que par
ses oeuvres; mais c'est assez pour
avoir la conviction intime que ses
conseils et ses directions mettroient
bien vïte V. M. I. en état de voir clair
dans la partie d économique de l'ad=
ministration des établissemens publics,
qu'on assure être compliquée et vicieuse.

<159> Rumford a fait ses preuves en ce genre:
Sa réputation est faitte.

VI.

Les Gazettes pourroient, sous la main du
Gouvernement, devenir un puissant moyen
d'instruction, surtout pour l'Intérieur où
elles remplacent souvent les Bibliothêques.

Des homes de lettres pourroient être
chargés de ce travail, sous la surveillance
du Département de l'instruction publique.
En attendant l'organisation définitive de
celui ci, l'Académie des Sciences, ou la
Société économique devroient surveiller le
travail, et inviter les Savans et homes de
lettres de la nation à seconder leurs ef=
forts par des envois d'extraits d'ouvrages
utiles. Ainsi seroient propagées quel=
ques notions saines, sur la Géographie,
l'histoire naturelle, la Statistique,
l'économie politique, l'agriculture (
la Science forestiére, les plantations etc. etc.)
les arts, le comerce; et la Russie ne
demeureroit plus étrangère aux décou=
vertes faittes depuis 10 ans. Le
Gouvernement lui même pourroit,
sans paroitre sonder l'opinion publique,
la préparer, et provoquer des discussions
qui l'éclaireroient tout le premier.

VII.

On se plaint dans vos provinces alle=
mandes, des entraves mises à l'im=
portation des livres, qu'on n'y permet
que par mer, ainsi pendant 5
mois seulement; ce qui prive les nom=
breux amateurs de la littérature, de
toute participation aux découvertes travaux
récens, à moins de faire la contrebande.

Si le Département de l'Instruction
publique étoit organisé, il propose=
roit sans doute, de telles modifica=
tions à la Censure, que le Gouverne=
ment et les citoyens seroient également
contens.

En attendant il semble que, même
dans son état actuël, la Censure pour=
roit s'éxercer aussi parfaitement sur
les livres arrivant par la voye de
terre qu'on aurroit désignée
, que sur
ceux qui arrivent par mer.

Je demanderois volontiers à ceux
<160> qui chérissent l'ignorance, ce que la
Russie gagne à ignorer ce que les
autres savent? Ces homes ne se dou=
tent pas que les connoissances doublent
les moyens des peuples qui les honorent;
que c'est une puissance redoutable que
la puissance des Sciences et des arts.

On dit encore que le Censeur actuël
de Riga, pour les ouvrages théologi=
ques et de dévotion, est un éclésiasti=
que russe qui sçait très peu d'allemand.
Cette Censure ne seroit-elle pas mieux
entre les mains du Consistoire général?
Si le fait est vrai, le ridicule retom=
beroit sur le gouvernement.

Je ne terminerai point cette longue
épitre, sans vous prier, Sire, d'agréer
mes voeux pour tout ce qui vous intêresse.
Puisse le jour de demain se renouvel=
ler souvent pour vous, et puisse
chaque Ere pareille être caractêri=
sée par quelques pas de plus vers le
grand objet de vos desirs!

Vivez longtems, pour assurer le
sort de votre patrie, que la destinée
a placée dans vos mains, et pour faire
le bonheur de ceux qui vous entourrent!
Qu'elle jouïssance ravissante, lors=
qu'au 1er Janvier de chaque anée,
vous pourrez vous dire: Tels et tels
abus ont été réformés; 40 millions
d'homes, mes semblables, ont fait
tant et tant de pas vers le bonheur
!

Puisse cette perspective vous sou=
tenir, au milieu des peines, et vous
donner de nouvelles forces!

Agréez, Sire, l'assurance de mon res=
pect et de mon inviolable dévouement.

De V. M. I. Le t. h. et t. ob. Steur

La Harpe

 

Les renseignemens contenus dans cette
lettre furent transmis à ceux qui
devoient les vérifier, et les mesures
prises en conséquence, firent un peu
plus tard justice des abus, qui fu=
rent remplacés par des améliora=
tions réelles.

Dans le même tems, j'avois entre=
pris, sur les rélations industrielles,
comerciales, politiques et militai=
res de la Russie, un grand travail
dont je rendois de tems en tems
<161> compte à l'Empereur, dans nos
conférences du soir, afin de m'éclai=
rer 1 2 mots biffure sur les faits qu'il pouvoit me
fournir et surtout afin d'entendre les des observations que
lui fournissoit, la judiciaire calme
et pure qui le distinguoit si éminem=
ment.

Je pus enfin lui adresser le 15 Jan=
vier 1802 un premier memoire, dont je
transcrirai la 1ère page qui en expose
le but et la distribution.

 

Le grand but de votre rêgne, disois Sire,
est de faire succéder aux abus, un ordre
de choses qui procure à la nation, la
jouïssance de tous les avantages que
sa position lui promet, et au Gouver=
nement les ressources qui lui manquent.

Mais pour s'occuper utilement de ces
2 objets, il faut 2 choses, tranquilli=
té au dedans
, sureté au dehors

L'une et l'autre dépendent essentiel=
lement de la marche du Gouvernement
dans la partie administrative et sur=
tout du Systême politique qu'il aura
aurra adopté.

C'est à l'éxamen de cette dernière ques=
tion qu'est destiné ce mémoire.

Pour procéder avec ordre je passerai
dabord en revue les puissances voisi=
nes attenantes à la Russie, sous le
point de vue de leurs intérêts politi=
ques et comerciaux, puis celles dont
le territoire ne touche pas au sien.
Je rechercherai ensuite lesquelles
de ces puissances pourroient devenir en=
nemies de la Russie, et leurs ressour=
ces fédératives dans ces diverses supposi=
tions. Les résultats éclaireront son choix
sur du Systême qu'elle doit suivre.

 

Dans la 1ère Série, des puissances Etats dont, le
territoire, étoient est attenant à la Russie, se
trouvoient plus chapitres

9 Chapitres furent consacrés à 1 mot biffure la 1ère
Série, des Etats ou puissances dont les terri=
toires étoient attenans à celui de la Rus=
sie, et 8 à une seconde série composée
des Etats ou puissances dont les territoires
en étoient séparés.

Dans l'impossibilité d'insérer dans cet
écrit un mémoire aussi étendu, je me
bornerai à en transcrire une partie du
en ce qui concerne chapitre dans lequel je place la Russie en face de la France, pour qu'on
voye coment voye coment je procédois
pour rapprocher les gouvernemens des
2 pays. 

 

Les rapports politiques de cette puissance
(la France) avec la Russie ne paroissent
avoir été à aucune époque, ce qu'ils

<162> aurroient du être; prèsque toujours
ils furent les produits de la passion

L'éloignement de leurs territoires
respectifs, n'est pas tel néenmoins quelles
puissent agir, sans se soucier l'une
de l'autre.

Si la Russie est la puissantce prépon=
dérante dans le Nord de l'Europe,
la France jouïte tout aussi incontesta=
blement le même role dans le midy, et
la destinée a voulu, il semble que la
paix ou la guerre, dans cette partie du
monde, dépendissent absolument, de leur
amitié, ou de leur opposition. 

La position de la France est telle aujour=
dui, qu'il n'est aucun de ses voisins qui
ôse se permettre des velléïtés hostiles à
son égard. Une nouvelle Coalition ne
seroit pour elle qu'une occasion de voler à de nouvelles
conquêtes. Malheur à celui qui seroit
le plus à portée de ses coups.

L'Espagne est hors d'état d'entreprendre
quelque chose contr'elle; que gâgneroit-=
elle dailleurs à une rupture, dans son
état de foiblesse?

Trop heureuse d'être séparée du Géant
par les Pyrenées, elle n'ira pas le provo=
quer, pour l'amour de puissances dont
les secours seroient tardifs.

Elle n'aime sans doute pas les François,
mais elle se rappélera longtems les
procédés impolïtiques de la Coalition
envers elle. Elle n'ignore pas que les
Anglois sont intêressez à opprimer son
industrie, et voudroient lui enlever ses
riches colonies.

L'Italie est pour longtems ouverte
à la France. Les Etats que celle ci
y a fondé, sont forcés, pour leur propre
sureté, à demeurer dans ses intérêts.
Maitresse du Piémont et du Vallais, elle
est à portée de les deffendre, ou de les
punïr, à tout instant

Le Pape ne peut plus se faire illusion
sur son éxistence précaire, qu'il ne
doit qu'auxcune recomandations de la
Russie et à l'intérêt momentané du
Gouvernement françois

Naples et la Sicile aurroient pu
offrir quelque chance de résistance,
si les excès don le Gouvernement napoli=
tain s'est souillé, ne l'eussent pas rendu,
à tel point, un objet d'horreur pour
ses sujets et pour le reste de l'Italie,
qu'il est complettement neutralisé.
A peine il peut se soutenir par lui
même, aujourdui que l'on impose
silence à ceux qui aurroient à lui deman=
der compte de ses oeuvres; que deviendroit
-il,
<163> au moment où le signal d'agir
leur seroit donné?

Réorgan1 2 caractères biffureiser avec sagesse son adminis=
tration, et s'efforcer de faire oublier ses
erreurs, à force de modération et de justïce,
voilà la seule politique qui puisse sauver
ce Gouvernement; toute autre le condui=
roit à sa perte.

La seule Autriche peut opposer aux
François une barriére en Italie.

Ce n'est même plus que par ce point que
ces 2 puissances peuvent désormais, s'attein=
dre.

La Cisalpine est condamnée à devenir
leur champ de bataille; mais la posses=
sion du Piémont par les et du Vallais
par les François doivent, à moins de
néglïgences impardonables, leur procurer
des succès assurés, et la portion de la terre
ferme
vénitienne possédée par l'Autriche
est destinée probablement à accroitre
un jour le territoire de la Cisalpine.

On ne répétera pas ici, ce qui a été
dit ailleurs rélativement à l'Helvétie,
qui paye l'inexpérience et la honteuse
foiblesse de ses Gouvernans actuëls.

Rélativement à l'Empire d'Allemagne,
la France ne peut avoir en vue que 2
objets: le 1er de faciliter son dépêcement
ultérieur, en affoiblissant toujours plus
sa Constitution: le 2d de renforcer celle
ci, de telle sorte que les princes allemands
ayent les moyens de se soustraire à l'in=
fluence de l'Autriche et de la Prusse.

Le 1er de ces objets seroit d'une politique
étroite et erronée. Le 2d est digne d'un
Gouvernement qui envisage les choses sous
leur véritable point de vue.

En effet, il convient aussi peu à la France
qu'à la Russie, de voir la Prusse et l'Autriche
accroitre leurs forces et leurs ressources, de
toutes celles de leurs partisans parmi les
princes de l'Empire. Les intêrèts de ces
2 puissances prépondérantes, sont absolu=
ment identiques à cet égard; elles doivent
tendre de concert à fortifier les membres
principaux de cette Confédération, et à
resserrer les liens qui les unissent.

On a vu plus haut, que la position de
l'Autriche en Italie, la tient nécessaire=
ment en échec, de la part de la France.
Ces puissances en viendront certainement
à une rupture, et celle ci ne peut demeu=
rer indifférente à la Russie.

Quant à la Prusse, elle ne peut guêres se
trouver en opposition avec la France, qu'au=
tant que celle ci voudroit l'empêcher
d'éxercer une trop grande influence dans
l'Empire, ou de s'aggrandir à ses dépens
mais, constament ménacée par l'Autriche
il n'est pas probable qu'elle laisse trop écla=
ter sa mauvaise humeur.

<164> S'il convient à la France que cette
puissance conserve sa station actuelle,
il ne lui convient pas qu'elle s'aggrandis=
se davantage, et à cet égard encore, les
intérêts de la Russie coincident avec
les siens.

L'ennemi le plus redoutable pour la France,
et le seul peutre qui mérite ce nom,
est l'Angleterre, qui en veut tout à la
fois, à son industrie et à sa puissance
territoriale
, et dont les subsides vont
lui chercher partout des ennemis, sur
le continent.

La guerre qui vient de finir a fort
accru l'antique haine natïonale, qui
a gâgné en France, jusqu'aux dernières
classes. Entre deux peuples pareils,
les traités de paix ne sont que des trêves,
pour se préparer à de nouvelles hos=
tilités.

L'Angleterre sçait que la France
seule est un obstacle à l'établissement
du Monopole qu'elle imposeroit vo=
lontiers, partout où abordent ses
vaisseaux.

L'industrie des François et leur Com=
merce
; voila ce qu'elle ne leur par=
donne pas; leur prépondérance sur
Continent n'est pour elle, qu'en 2de
ligne; aussi, c'est contre leur industrie,
que sont dirigés tous ses efforts, et
sans la crainte de compromettre l'Elec=
torat de Hanovre, qui scait le Sort
qu'aurroit éprouvé le reste de la Marine
et des colonies françoises? Celles ci
une fois conquises et la marine fran=
coise complettement détruite, quelle
puissance pourroit conserver ses colo=
nies, ou naviguer sans la permission
de l'Angleterre devenue la grande
manufacture
et le Courtier exclusif
du globe? Quelle nation soutien=
droit sa concurrence dans les marchés,
ou ôseroit tenir la balance égale en=
tre les marchands anglois et ceux des
autres nations?
Les Anglois sont si éloignés de
désavouer cette prétention, que leurs
ministres en sont convenus en plein
parlement, et grace à leur loqua=
cité, l'Europe sçait positivement
aujourdui le sort que lui préparent
les manufacteriers et les marchands
de l'Angleterre.

La Russie seule échapperoit-elle
<165> à ce despotisme? Celui des peuples
marchands et navigateurs fut tou=
jours insupportable.

Il ne peut lui convenir qu'un peuple
unique possêde tout le comerce du
monde
. Il ne peut lui convenir que
les Anglois excluent de ses marchés,
les autres peuples et y fassent la loy;
ses plus chers intérêts lui comandent
au contraire de faire cause comune
avec ceux qui deffendent les droits
de tous.

La forme du gouvernement n'est
d'aucune considération en pareil
cas.

Sans doute il seroit à desirer que
celle de la France fut décidément
consolidée; mais, en attendant il éxis=
te dans ces contrées un gouvernement
très énergique, ayant des moyens
proportionés à sa position, et dans
la Politique duquel on peut assuré=
ment prendre autant de confiance
que dans celle de tout autre, indé=
pendament même de la vie de
Bonaparte.

Le Chef de ce gouvernement n'est
point sans doute, à l'abri des foiblesses,
et de l'erreur: on peut même lui
adresser plus d'un reproche, mais à
plusieurs égards, sa réputation
est décidément établie, et il paroit
que la paix lui fournira les moyens
de terminer glorieusement son entre=
prise, en consolidant par de bones
institutions, ce qui a été obtenu
par la force des armes. 

La France désormais débarrassée des
entraves qui s'oppôsoient aux dé=
veloppemens de l'industrie et de
l'activité de ses citoyens, doit faire
des pas rapides vers une prospérité
toujours croissante.

Etre en bonne intelligence, ou en
opposition avec elle n'est donc point
chose indifférente.

Cette puissance et la Russie jouent
un trop grand rôle pour n'être
pas fréquement exposées à se
rencontrer.

Sont-elles d'accord? Nul ne
peut leur résister.

Sont-elles divisées? Des calami=
tés sans nombre s'ensuivront. La

<166> paix de l'Europe est dans leurs
mains. Elles peuvent, en s'aidant
mutuellement, porter au plus haut
degré la prospérité de leurs sujets
respectifs. Elles peuvent favoriser
partout les progrès de la civilisa=
tion et des lumières, et forcer l'igno=
rance, la superstition et les préju=
gés, à rentrer dans leurs cavernes.
Elles peuvent diriger l'établissement
d'une sage liberté, et assurer par
des institutions protectrices de celle
ci, l'éxistence de tous les états euro=
péens. 40 millions de Russes et
30 millions de François, qui ont
appris à s'estimer, appuyant les
mesures arrêtées entre leurs Gouver=
nemens respectifs amêneroient les
autres puissances à suivre leur
éxemple; or c'est ce quelles vou=
droient prévenir, afin de pouvoir
pêcher en eau trouble, espoir qu'un
concert bien établi entre la Russie
et la France feroit évanouïr.

Eh! qu'on ne pense pas que de
pareils résultats soyent chimêriques!
Ils dépendent de la liaison de 2
homes intêressés au plus haut degré
à agir d'accord, et à se soutenir
mutuellement, de 2 homes qui
peuvent se rapprocher et s'entendre,
et auxquels il sera facile après cela,
de fixer d'arrêter les bases d'un Systême poli=
tiques
applicable à leur situation
mutuelle.

L'essentiel seroit donc d'opérer
un rapprochement, avant que des
tiers intéressés à brouiller, ou pour
dominer, ou pour se rendre nécessai=
res, portasses l'un ou l'autre, ou
tous les deux, à des démarches publi=
ques qu'il faudroit soutenir, lors=
m
ême que leur inconvenance se=
roit reconnue.

 

Ce premier travail fut accompa=
gné d'un 2d qui fut présenté le
20e Janvier suivant, et dans lequel
je passois en revue, ceux des Etats
européens q de la part desquels
la Russie, pouvoit avoir à crain=
dre des hostilités, quelle devoit
être toujours prette à repousser.

 

Les Gouvernemens voisins, disois-je
dans le preambule de ce 2d mémoire,
tâcheront sans doute de se rendre
agréables à l'Empereur de Russie,

<167> mais ils n'oublieront pas sa prépondé=
rance; et come celle ci est très inquié=
tante pour eux, ils ne laisseront pas
échaper l'occasion de la diminuer.

Leurs protestations contraires ne doivent
point être prises trop à la lettre, et ne dis=
pensent pas le Chef de la nation russe
d'une surveillance très active.

S'il ne lui convient pas de s'agrandir,
il lui convient encore moins de le per=
mettre à ses voisins. L'ambition est
tout ainsi injuste dans le foible que
dans le fort; elle est même plus rapace
dans le 1er, dont elle aiguise les desirs
au lieu de les satisfaire.

Réformer les abus, tout en respectant les
droits sacrés de la propriété, utiliser
les ressources imenses de la propriété
Russie; procurer à ses habitans une
mesure de liberté civile suffisante pour
les préserver de l'arbitraire, et substi=
tuer au Despotisme, un gouvernement
vigoureux qui garantisse à la fois, les
droits du Chef de l'Etat, et ceux des
Gouvernés: voilà, Sire, les grands tra=
vaux impôsés à V. M. I. Eux seuls
doivent constituer le principal but de
votre administration. La politique
étrangère ne peut être placée qu'en
2de ligne, et purement come moyen
d'atteindre ce grand et noble but
.

Cette politique doit seulement procu=
rer à V. M. I, la tranquillité aude=
hors, et les moyens de neutraliser
la malveillance des Gouvernemens
qui voudroient l'entraver, parce
qu'ils prévoyent ce qu'une adminis=
tration mieux entendue procureroit
à la Russie. Cette malveillance
peut être dirigée, ou contre l'industrie
ou contre la puissance territoriale de
celle ci.

 

Après avoir éxaminé aussi sincêre=
ment que je le pouvois, à cette époque
ce que la Russie pouvoit avoir à es=
pérer d ou à redouter de la part
des Etats que j'avois passé en revue,
je terminois je terminois en ajou=
tant aux observations de mon 1er
Mémoire, relativement à la France,
les observations qu'on va lire et qui
en étoient le complément.

 

Si l'Angleterre, disois-je, est
la puissance prépondérante sur mer,

<168> la France est assurément la puissante
prépondérante sur le Continent, pour
tout le Midy de l'Europe. Sa position
la met même en état de faire sentir
son action du Midy au Nord, tant come
puissance continentale, que come puissan=
ce maritime; et de la dérive sa prodi=
gieuse importance.

La Russie et la France sont surtout
appelées à se rencontrer sur le Conti=
nent, puisque c'est là que toutes deux
sont prépondérantes. Se flatter que
ces fréquens rencontres de 2 géans
également forts, également ambitieux,
également entreprenans, ne produiront
pas de chocs, seroit connoitre bien peu
les passions, celles surtout des Gouver=
nemens.

La Russie et la France ne peuvent
demeurer, l'une à l'égard, dans un
état d'indifférence, sans perdre de la
considération qui leur appartient.
Si Elles se laissent ne peuvent se laisser impunément influencer, ou di=
riger par des puissances secondaires,
intéressées à se couvrir de leur Egide,
pour se rendre fortes à leurs dépens. 
Etre amies ou ennemies, telles sont
les 2 alternatives qui leur restent; il
n'en éxiste pas une 3ème.

La France devenue l'ennemie de la
Russie ne peut agir efficacément
contrelle, ni par la mer blanche,
ni par la Baltique, ni du côté de
l'Océan oriental, parcequ'il est à
supposer que l'Angleterre y mettroit
obstacle; mais, en combinant ses
forces maritimes de la Méditerranée
avec celles des Terres, elle pourroit opé=
rer une forte diversion vers la
Mer noire.

Séparée de la Russie par les terri=
toires d'autres puissances, elle n'est
pas moins à portée, d'agir fortement
contre la première, par l'intermédiai=
re de celles ci.

L'Empire germanique, la Prusse,
l'Autriche et la Turquie peuvent, tour

<169> à tour, ses bras ou ses instrumens, sans
qu'il soit possible de l'empêcher, la
position de la France étant telle, que
tandisque sa marine réunie à celle des
Bataves, (forcés encore longtems d'obéïr
à ses impulsions), tiendra en échec une
grande partie de la flotte angloise, elle
peut occuper elle même, ou faire occu=
per par d'autres, l'Electorat de Hanovre,
forcer l'Empire germanique à demeurer
spectateur passif, menacer l'Autriche
par la Bavière, l'Helvétie et l'Italie,
décider la Prusse par la crainte ou l'espé=
rance, retenir l'Italie dans la soumission,
et en imposer assez à l'Espagne pour la
dégouter de velléïtés opposées à ses intérêts.

Si tel est donc le Pouvoir de la France
résultant de sa seule position locale;
avec qu'elle force n'agiroit-elle pas,
étant liguée avec d'autres puissances
qui seroient réduites à lui abandonner
la direction suprême de leurs moyens?

D'accord avec l'Autriche et la Suède,
l'Empire et la Prusse devroient se réduire
à un rôle passif.

La Russie ne réagiroit pas moins éner=
giquement contre les alliés de la France
qui seroient à sa portée. D'horribles
ravages en seroient les suites de part
et d'autre, sans produire de résultats
majeurs et ou permanens qui pussent les
compenser. Les 2 puissances principa=
les s'affoibliroient au contraire mutuelle=
ment, au gré de celles qui leur portent
envie, et ce ne seroit, qu'après une
longue et triste expérience qu'elles 1 mot biffure
seroient désabusées.

La France et la Russie sont-elles
en bonne intelligence? Les effets les
plus heureux doivent s'ensuivre.

1° Les 2 puissances seront dabord à l'abri
des hostilités de leurs plus près voisins;
car qui ôseroit se liguer contre l'une,
lorsqu'on seroit assuré d'être puni
à l'instant par l'autre?

2° Assurée de la paix, chacune d'elles
pourra s'occuper sans distraction à
perfectioner son administration inté=
rieure; et le perfectionement de celle
ci devant accroitre la prospérité
et par là même, les forces de chacune,
les 2 gouvernemens seront également in=
têressez à se prêter réciproquement
leurs moyens propres.

<170> 3°) La consolidation d'un Systême ami=
cal entre la Russie et la France, forcera
les autres puissances à adopter une
politique différente. La Prusse devra
sans doute, se contenter de ce qu'elle
possède, et laisser reposer en paix les
reste vénérables du Corps germanique.
L'Autriche sera contrainte à renoncer
de bonne foy à tous les pays dont
l'énumération se trouve en tête des
proclamations de Charles V.

Le Turc se trouvera heureux d'éxister
encore.

L'Angleterre reconoissant que son or
ne peut plus remettre aux prises, la
France avec la Russie, pour élever sa
prospérité à leurs dépens, sera forcée
de respecter l'industrie, le comerce et le
pavillon des autres peuples.

4°) Les Chefs des 2 Gouvernemens étant
finalement parvenus à s'entendre,
pourront influer par leur éxemple et
par leurs Conseils, sur l'administration
de leurs voisïns, qui sentiront la
convenance de les imiter.

On peut surtout l'espérer de la part
du Gouvernement prussien, dès qu'il
aurra bien reconnu, qu'il ne peut
éviter de faire cause comune avec
les 2 grandes puissances continentales.

Enfin les Bataves également intéres=
sez à voir s'établir ces liaisons, n'hé=
siterons pas à mettre aussi leur poids
dans la balance.

Les Chefs de ces gouvernemens pour=
ront protéger les sciences et les arts,
faire jouïr les peuples de la mesure
de liberté à laquelle ils ont droit
et élever ainsi l'édifice de la félici=
té générale, sur des fondemens dura=
bles.

Parcourrons les objections qu'on peut
opposer.

La France est un pays encore en
révolution
.

La république angloise sous le long
Parlement
et sous Cromwell étoit aus=
si en révolution; ne trouvat-elle
pas des amis, même parmi les rois?
Nous somes enfin arrivés à une
époque où l'on ne considêre plus
come des pestiférés, les peuples qui
sont assez malheureux pour n'avoir
pu se débarrasser d'abus crians, sans

<171> gagner la fiévre révolutionaire.
L'expérience qu'on a faitte n'a pas
été perdue. Les Gouvernans d'aujour=
dhui admettent des principes, dont ils
ne se doutoient guêres, il y a 12 ans, et
les Gouvernés ont appris que les éxagéra=
tions ne produisoient jamais rien de
bon.

Il éxïste donc partout où la révo=
lution françoise a percé, une tendance
marquée vers la réforme des abus.
Heureux les peuples dont le Gouvernement
s'en occupe avec sagesse maturité et
persévérance!

Quant aux François, ils ont réprimé
la licence chez eux, et empêché la marche
de la révolution chez d'autres peuples.

La France est ambitieuse et enva=
hissante
.

Celà est vrai, malheureusement
très vrai; mais n'est-ce pas à la
Coalition qu'en seroit la faute?

Pourquoi dailleurs la France méri=
teroit-elle plus ce reproche, que la
Russie, la Prusse et l'Autriche démem=
brant la Pologne; plus que l'Angleterre
conquerrant l'Indostan, prenant les
iles de Ceylan et de la Trinité, éxerçant
le monopole du Comerce, et déclarant
que l'empire des mers lui appartient?

La France ne peut s'agrandir aux
dépens de la Russie. Il est douteux même
si celle ci pourroit prévenir par la force,
les effets ultérieurs de son ambition;
mais elle le pourroit très probable=
ment, par un accord sincêre avec
elle. 

Sous ce point de vue, la Russie et la
France devroient faire mutuellement
des voeux, pour que leur territoire eut
toute l'extension que requiert le
développement de l'industrie de leurs
habitans respectifs.

En politique, il vaut mieux être l'ami
du Puissant, que de s'en montrer l'en=
nemi, lorsqu'il n'est pas possible de
restreindre sa puissance.

Le Gouvernement actuël de la France
n'est pas stable
.

Burke prédit, il y a 10 ans, la
désagu disparition de la France, et il
a éxisté des cartes sur lesquelles on
l'avoit omise.

<172> Quelque puisse être la forme du Gouver=
nement dans ce grand pays, son esprit
et sa politique ne périront pas.

Aussi longtems que les motifs qui ont
fait adopter come avantageux, un Sys=
tême politique, demeurent les mêmes,
on peut considérer ce Systême come
inébranlable.

La France n'a manqué, ni à la
Prusse, ni à l'Espagne, ni aux princes
qui traitèrent de bonne foi avec elle.

La conquête de l'Egypte fut la suite
de la conquête équivoque du Divan; et
les brouilleries momentanées avec les
Etats-Unis furent suscitées par
l'Angleterre.

Les intérêts de la France considérée
come puissance prépondérante sont
toujours les mêmes rélativement à la
Russie, qu'elle soit gouvernée par un
Dictateur, par un roi, par des Consuls,
ou par un Comité de Salut public; or
ces intérêts seuls dirigent la conduite
politique des Gouvernans. 

Sans doute la mort inopinée de
Bonaparte pourroit amener de nou=
velles modifications dans le Gouver=
nement établi; mais cet évênement
interromproit seulement les liaisons
personelles qui pourroient éxister, un
jour, entre lui, l'Empereur de Russie,
et les chefs de quelques autres nations,
liaisons favorables au progrès des lumières,
et à la liberté; il laisseroit subsis=
ter intactes, les liaisons éxistantes
entre les 2 puissances et leurs gouver=
nemens quelconques. 

Il seroit à souhaiter que l'ordre
actuël fut consolidé, de manière à
ne plus dépendre de l'éxistence d'un
seul home, et Bonaparte n'aurroit
point rempli sa tâche, s'il ne s'effor=
çoit pas de lui procurer cette stabilité.
J'aime à croire qu'il s'en occupe, et
que des affaires plus urgentes, telles que
la conclusion de la paix, etc. etc. ont

<173> en ont seules détourné son attention.

Rassuré du côté de la Russie, il pourroit
suivre à ce travail avec plus de tranquil=
lité, et cette puissance elle même trou=
veroit son compte à le soutenir dans
cette noble entreprise.

Ce voeu ne peut être suspect dans la
bouche d'un Helvétien, qui certes à beau=
coup à se plaindre du 1er Consul.

Mais les considérations particulières dis=
paroissent devant la perspective que
présenteroit l'union des 2 plus puissans
et plus braves peuples de l'Europe, ayant
à leur tête 2 homes à idées libérales,
qui étant une fois d'accord sur les princi=
pes, et se soutenant soutenant mutuel=
lement, influeroient puissament sur
leur siècle, et deviendroient les protec=
teurs des lumiéres et d'une sage
liberté.

 

Les 2 fragmens de ces Mémoires attestent
que j'avois travaillé, sérieusement à rap=
procher les 2 puissances, et que je m'en étois
acquité de manière à n'avoir point à en
rougir. L'Empereur prit confiance dans
mes argumens, et souvent dans nos entre=
tiens du soir, il y revint 2 3 mots biffure
avec un intérêt qui me prouva qu'il s'oc=
cupoit
s'occupoit avec maturité d'une réso=
lution définitive, dont je parlerai dans
la suite.

Ces travaux divers absorboient tout mon
tems: j'avois renonce aux societés du grand
monde, où l'on m'aurroit harcelé de
questions et de demandes, et me bornois
à paroitre de tems en tems aux assemblées
de la Cour. Le Gd Constantin 1 mot biffure
1 2 mots biffure me traitoit toujours avec ami=
tié, mais entrainé par des militaires
qui avoient besoin de sa protection, il
redoutoit mla rencontre et d'un home q
dont la regard même présence lui en imposoit, et
qui provoqué par lui à s'expliquer, le faisoit tou=
jours avec une franchïse qui pénétroit
jusqu'à son coeur. Doué de sentimens éle=
vés, d'esprit et d'amabilité, il étoit né avec
des dispositions à la colère, qui l'entrainèrent
souvent à comettre des fautes graves, et
sur lesquelles il prononçoit, tout le premier
un Jugement sévêre, qui ne l'empêchoit pas
d'en comettre de nouvelles. Heureusement il
adoroit son frère, dont la raison calme,
faisoit en imposoit à ses passions. Il avoit eu
le malheur d'avoir un Gouverneur que ses
vivacités effrayoient; il aurroit eu besoin
<174> d'un Mentor courageux, capable, au
moment même, de prendre les résolutions
convenables nécessaires, pour les faire cesser; il en
convenoit lui même, avec bonne foy; car
il avoit une ame honête, et un coeur
généreux.

Les freres cadets de l'Empereur étoient trop
jeunes encore, pour paroitre dans le monde;
j'eus l'honeur de leur être présente; 14 ans
plus tard, je les accompagnai dans Paris
pour voir les 1 mot biffure Etablissemens consa=
crés aux Sciences, et en 1819 j le Gd D. Michel
vint me prendre à Lausanne pour faire avec
lui le Voyage d'Italie. Ces princes avoient
pour Instituteur fs un Vaudois, Mr Dupujet que j'avois
recomandé présenté durant mon premier
séjour, et qui se montra digne de sa place.
Un autre Vaudois aussi recomandé par moi
à la même époque, Mr de Sybourg, remplis=
soit avec le même succès les fonctions d'Instituteur fs auprès
de LL. AA. II. Mes les Grandes Duchesses, prin=
cesses aussi distinguées par leur beau ca=
ractêre,
les graces de leurs personnes, et
leur esprit, que par leur beau caractêres
qui avoient pour Gouvernantes Mlles Villamof,
Monod et Mazelet, placées jadis pamoi, dont
les 2 derniéres mes compatriotes, avoient été
appelées du Canton de Vaud. Audessus de ces 3
Dames, qui étoient dignes de l'attachement
que leurs Elêves leur conservèrent, étoit placée
Made la Générale de Liewen, feme éminement
respectable, par sa fermeté et par un noble
caractêre.

J'eus beaucoup de plaisir à me retrouver
au milieu de cette colonie vaudoise, qui
avoit mérité l'estime et la confiance de leurs
supérieurs. Dans un mauvais moment,
Mrs Dupujet et de Sybourg,
L'Empereur Paul
ayant dans l'un de ces mauvais momens dont
profitoient les méchans qui approchoient de
sa personne accueilli, l'accusation de Jacobi=
nisme
dirigée contre Mrs Dupujet et de
Sybourg
les éxila les éxila tous deux en Sibé=
rie, l'un à Omsk, l'autre à Orenbourg,
en les recomandant toutefois aux autorités
locales de les bien traiter, mais leur ino=
cence ayant été reconnue, ils venoient
d'être rappelés, et nous nous réjouïmes
ensemble de ce retour à la justice.

L'impératrice douairière, Maria Feodo=
rovna, mon ancienne protectrice, avoit
été, après mon départ, assiégée par
les ennemis que j'avois laissé en arriére,
et qui profitérent de ma participa=
tion à la révolution de Suisse, et
du rôle que j'y avois joué, come membre
du Directoire, pour me noircir à ses
yeux, des ensorte que ce fut avec peine
qu'elle me vit reparoitre. Ma 1 mot biffure
1 mot biffure conduite, au milieu de la Cour,
ne tarda pas cependant à faire naitre
dans son esprit, des doutes sur les calomnies dont j'avois
<175> été l'objet, et je réussis à re à recouvrer
la place que j'avois jadis occupée dans son
estime. L'Empereur qui la vénéroit profon=
dément, et qui connoissoit sa vertus philan=
tropie n'avoit pas cru pouvoir confier à une per=
sonne plus
la direction de plusieurs 1 mot biffure
sans établissemens destinés au soulagement
de l'humanité souffrante, à une personne
plus capable et mieux pénétrée des les devoirs
devoirs qu'éxigeoitnt cette direction. Son
activité étoit infatigable; et come elle
connoissoit tous les travaux de son séxe,
et étoit amie de l'ordre, on ne pouvoit lui
en imposer. C'étoit un éxemple touchant
que celui de cette grande princesse, allant
réguliérement visiter, tantôt la maison
d'éducation des jeunes filles, où elle éxaminoit examinant
attentivement leurs travaux avec soin, tantot un hopi=
tal
l'hospice de la maternité, et tantôt
la maison des enfants trouvés. Elle me
fit l'honeur de me conduire dans tous ceux
de ces établissemens, où elle pouvoit me
donner les explications convenables, et
je ne sortis d'aucun d'eux, sans rendre à
celle qui les animoit de son esprit la justice qui lui
étoit due à tant de titres. Je ne puis
taire
Un fait dont je fus le tém qui ve=
noit de se passer dans la maison des enfans
trouvés, mérite de trouver sa place ici. L'Impéra=
trice venoit d'y faire son entrée, lorsque
suivant la coutume, on lui présenta un
de ces infortunés qui avoitnt été déposé
pendant la nuit. Ce Il étoit dégoutant, et
la physionomie de ceux qui le présentérent
montroit un tel dédain, qui devoit influ
de mauvaise augure pour sa conservation.
L'Impératrice qui s'en apperçut, ordonna
d'apporter un vase plein d'eau chaude avec
des linges, puis s'emparant de cette créa=
ture dégoutante, elle la lava, la la nettoya, l'entourra et l'enveloppa
de linges chaudsconvenables, et la remit aux gens
de service, avec en leur adressant avec dou=
ceur contre ces mots: voilà coment on s'y prend.
Me trouvant quelques années après, dans un
Sallon de Paris, où l'on se pemettoit des propos
piquans contre cette princesse et contre les
Russes, je me permis d'interrompre les con=
teurs, en racontant le fait, sans dire à qui
il appartenait. Plusieurs dames étoient
présentes; elles applaudirent avec acclama=
tion, en demandant à qui il le nom de
la personne. Eh bien, repris-je, cette per=
sonne est la veuve d'un Empereur et la
mère d'un autre; c'est une feme 2 mot biffure dont l'esprit
est
que son esprit cultivé, n'a point em=
pêché d'apprendre tous les ouvrages de son
séxe, et de diriger qui dirige avec ordre les établissemens consa=
crés à l'humanité souffrante. L'effet
de ces paroles fut magique.

<176> Aussitôt après son avênement, l'Empereur
avoit ordonné qu'on me payoit la portion
de ma pension supprimée sous le rêgne pré=
cédent, et que et que mon nom fut rétabli sur la
liste des Chevaliers de St Wladmimir.

Après avoi m'être occupé des affaires générales
on me permettra de parler un moment de
mes intérêts personels. l'Empereur Paul avoit
ordonné que mon nom fut biffé sur la liste
des Chevaliers de St Wladimir. Son succes=
seur l'y fit rétablir, mais come je le pré=
vins, quil ne m'étoit point possible, de porter
de décorations étrangères, il j il 2 caractères biffure je passai
l'hyver à St Petersbourg, sans celle ci.

Il avoit ordonné de plus que la pension qui
m'avoit été accordée par son ayeule me fut ré=
guliérement payée, mais il desiroit me té=
moigner personellement sa reconnoissance,
et m'invita à lui com faire part de l'état
de mes finances. Je m'en acquitai de la manié=
re suivante, que je crois devoir rapporter
pour convaincre qu'elle servir d'éxemple à
ceux qui cernent les puissances de la terre.

 

St Petersbourg 7e Janvier 1802.

Sire

V. M. I. a bien voulu m'inviter à l'entre=
tenir de mes affaires domestiques, j'en
ai été vivement touché, et je viens répondre
avec franchise à Son honorable confiance,
en lui faisant f connoitre des faits qu'elle
ignore

Je vins en Russie invité de la part de l'Im=
pératripêratrice Catherine II, par l'entremi=
se du Baron de Grim.

J'entrai au service avec un appointement
de 1500 R . Je devois être défrayé; il n'en
fut rien.

Forcé par la détresse à le rappeler, ce fut
dabord en vain. On me fit offrir enfin
500 R, par l'un de vos valets de chambre,
mais je les refusai, curieux d'éprouver à
quoi on pouvoit être réduit en faisant
son devoir.

Il m'est resté de ma détresse d'alors,
un monument assez curieux. 

L'Impératice étant, enfin instruite de
mes besoins, daigna m'accorder une augmen=
tation anuelle de 1200 R.  et à l'occa=
sion de mon mariage, il me fut payé par
vos 2 Cassettes 2000 R.

A l'époque de vos fiançailles, tous ceux
qui vous entouroient reçurent des graces. Les
traducteurs et les copistes de mes nombreux
mémoires et de mes rapports furent avan=
cés etc. etc. seul je fus excepté.

On avoit cru que je quitterois de suite.
Ma tranquillité ayant dérouté les Intêres=
sez, ils me firent ordonner par Mr
Strekalof, au nom de l'Impératrice, de
demander mon Congé. J'obéïs, par une
lettre adressée au Comte Soltykof, mais
destinée pour S. M. I. 

<177> Mr Strekalof m'avoit pressé de faire con=
noitre la récompense que je desirois.Telle

Voici ma réponse que j'ai retenu par coeur:
J'arrivai pauvre à la cour; les bienfaïts de
S. M. I m'y ont procuré une éxistence
à honorable. Si je dois en partïr pauvre,
ce sera sans doute avec un coeur froissé, mais
avec le sentiment dune conscience irréprocha=
ble. L'Impératrice est juste, et je ne fus ja=
mais un Mercenaire.

Catherine II me fit appeler, et m'accorda
en Juin 1793, à Tsarskoé-sélo, une audien=
ce de 2 heures, qui fit alors beaucoup de
bruit.

Les versions qu'on en répandit, m'exposérent
au ressentiment des Puissans de la terre,
qui m'imputérent d'avoir osé lui conseiller
déconseiller de joindre ses troupes à celles
de la Coalition.

Peu de mois après, le 22 7bre, cette grande
princesse m'accorda, ainsi qu'à vos Cavaliers
un don de 10000 R., et la pension de 2000 R
dont je jouïs.

Le 19e Octobre de la même année eut lieu
l'audience privée dont j'ai eu l'honeur de
rendre compte à V. M. I. 

En Décembre 1794, enfin, le Comte Soltykof
m'annonça que votre éducation étant ter=
minée, l'Impératrice desiroit mon éloigne=
ment, et m'accordoit un Don de 10000 R
pour les soins que j'avois donné à Mgr votre
frère.

Mais, y at-il donc quelque chose de
nouveau à ma charge
, demandai-je. Telle
est la Volonté de l'Impératrice, fut la réponse.
Ne pourrois-je aumoins demeurer jusqu'au
printems, pour achever ce qui est comencé? Il
faudra voir.

Heureusement j'étois tenace. Décidé à con=
tinuer mes leçons, tant qu'on ne me le deffendroit
pas expressément, je ne tins compte, ni de
l'humeur qu'on me témoignoit, ni des contre=
tems qu'on faisoit naitre pour me désoler, ni
du ridicule qu'on déversoit sur ma persévérance,
ni de la suppression de mes appointemens qui
eut lieu en parties 4 mois avant la cessation
réelle de mes travaux.

Sire, vous avez un coeur fait pour le sentir;
ce n'est pas pour de l'or qu'on s'expose à tout
cela. Le Libéralisme de vos principes,
vos intentions philantropiques pour votre
peuple, la constance de vos sentimens à mon
égard, les témoignages touchans de votre amitié,
et de votre confiance, m'ont largement bien
largement dédomagé de ces jours d'amertume
et d'abandon. J'aime à vous le répéter, Sire:
votre coeur a payé sa dette: Vous ne me devez
plus rien.

Je reprens le fil de mon histoire financière.

<178> Il fallut m'expliquer un peu sérieusement avec
mon chef, sur mes intérêts. Les résultats furent
un Congé de Colonel, 1000 ducats pour fraix de
voyage qui m'étoient dus, et une pension de 925 R
pour les soins donnés à Mgr le Gd D. Constantin. Une
année après celle ci fut échangée contre une Some
de 10000 R

Telle est, Sire mon histoire financière. J'ai cru
que vous m'en pardonneriez les détails, qui vous
feront connoitre les épreuves aux quelles l'home
honnête, est trop souvent exposé, en ne s'occu=
pant que de sa tâche.

J'en viens à mon Bilan que V. M. I voudra
bien me permettre de lui présenter, un peu en
détail.

Les uns disent que je me fais pauvre; les
autres que je suis très riche. Hors de la Suisse
enfin, on a répandu que j'avois fortune
étant Directeur, tandis qu'en Suisse même, ce
reproche est le seul que mes ennemis m'ayent
épargné.

Il seroit superflu, aureste de refuter ce bruit,
auprès de V. M. I, mais j'ai l'honeur de
l'assurer qu'il m'en a couté plus de 5000 R
du mien, pour faire face aux depenses de
mon poste, dont les appointemens n'étoient
certes pas dignes d'envie. 

J'ai reçu pour mes soins auprès de V.M. I. 10000 R

pour ceux donnés à Mgr vôtre frère 10,000

en extinction de ma pension de 925 R 10000

Some totale 30,000

avec cette Some et celle provenante de la
Vente de mes meubles et de ma Bibliothêque ache=
tée pour V. M. I. j'acquis Genthod qui me
couta 110,000 L de France.

Je le revendis environ 112000 L, et pour reti=
rer cet argent du comerce j'achetai pour
72,000 L une proprieté dans le Calvados, dont
je payai comptant 24000 L

Ayant découvert à tems la friponnerie de
mes vendeurs, j'eus à essuyer de leur part
un procès fort désagréable que je perdis; et
j'allois être forcé à leur payer les 48000 L res=
tants lorsque je fus appelé au Directoire.

Grace à l'intervention du Directeur Merlin
qui les amena à s'arranger, la Vente fut en=
fin anullée et l'on me restitua les 24000 L
payés, mais il m'en avoit deja couté 8 ou
10,000 L  

La promtitude de mon départ pour la
Suisse, m'avoit forcé à confier mes fonds
à des banquiers. Allarmé par les faillites,
j'ordonai d'acheter, à tout prix, des terres. Il
me restoit alors environ 87,000 L 

<179> Aulieu de choisir une ferme de rapport, la
vanité françoise séduite par ma dignité,
préféra une jolie campagne, n'ayant que 33
arpens (environ 9 Dissetines), dont la moitié en
champs, et le reste en maison, potagers, bois
promenades et parc.

Cette aquisition me coûte d'achat, les droits
compris 60000, et avec ce que j'ai du y mettre
en réparations, meubles, instrumens aratoires
etc. etc. environ 70200 L (24000 R)

Son revenu actuël, y compris mon loyer,
ne s'élêve pas au 2 p % de cette some, et mes
travaux agricoles le porteront difficilement
plus haut, parce qu'il y a trop peu de terreïn.
Le plus sage assurément seroit celui de la
revendre; mais, nous tenons à cette retrai=
te, où nous avons trouvé un azyle après
tânt de traverses, et il nous paroitroit bien
dur d'y renoncer. Je dis, nous, parce=
qu'elle fut acquise en comunauté avec ma
feme, à une époque où regardant come
perdu, ce que nous possédions dans ce pays,
il étoit de mon devoir d'assurer les débris
de ma fortune à celle qui en avoit partagé
courageusement toutes les chances.

Mon père a laissé environ 24000 R. dont
ma mère jouït. Après son décès il en sera
fait 3 parts, et il me seroit bien agréable
d'abandonner la jouïssance de la mienne.

Ma campagne du Plessis-piquet, et un
Capital d'environ 5000 R. voilà, Sire, en
quoi consiste mon aAvoir personnel; ainsi
je ne suis pas pauvre, puisqu'en vendant
cette campagne et achetant une ferme,
dans les provinces, j'aurois l'indépendance
d'un Cultivateur. 

La dot de ma feme étoit de 10000 R; et c'est
des intéréts de cette some, ainsi que de mon
petit Capital que nous avons vécu durant
l'interruption des comunications avec la
Russie.

Après la mort de son père arrivée en
1800, ma feme a reçu successivement
50,000 R, dont nous n'avons pu disposer
avant 1801. Elle posséde donc 60000 R qui
vont être placés en fonds de terre.  Sa
mère jouït du surplus de la Succession.

Le père a laissé une belle fortune loyale=
ment acquise, et 12 enfans dont 10 sont établis.
Ma feme doit me survivre, mais si j'avois
le malheur de la perdre, son Bien propre
et la moitié de ma campagne reviendroient
de droit à sa famille, puisque nous
n'avons pas d'enfans.

Notre revenu estimé au 4 p % taux
moyen dans nos contrées sera donc come
suit

<180> a) Int. de mes 5000 R 200 R 600 L de Fr

b) Int. des 60000 R de ma feme 2400 7200

c) ma pension de 2000 R 2000 6000

Some totale dans laquelle
est simplement omis le
Loyer de ma campagne 4600 R 13800 L 

Nul doute qu'avec ce Revenu nous ne pûs=
sions bien vivre, si nous étions en Suisse.
En habitant toute l'année à la campagne
come nous l'avons fait, nous le pourrions
encore à cette proximité de Paris

A force d'économie, et en nous interdi=
sant sévêrement ce qui étoit audelà du
nécessaire, nous y avons au moins réussi
jusqu'à présent, sans être pour cela plus
malheureux.

A la tête de mes ouvriers et la bêche
ou la serpe à la main, je conservois ma
bonne humeur, avec un coeur content;
et ma feme devenue fermiére, ne mur=
muroit pas contre sa nouvelle condition.

J'avouerai cependant à V. M. I., qu'il
nous est arrivé quelques fois de desirer,
que nos moyens nous permissent de com=
muniquer avec la capitale, durant les
tristes soirées d'hyver, et d'y avoir un petit
appartement, satisfaction à laquelle il
faudroit renoncer avec nos revenus actuëls.

Sire! En repassant tous vos besoins,
tout ce qu'on vous demande chaque
jour, tout ce qui vous reste à faïre, il
me semble que vous n'êtes guêres plus
riche que moi
.

Si cependant vous croyez que l'état de
vos finances vous permette d'améliorer
les miennes sans manquer aux sages
maximes d'économie qui vous guident,
et sans que cela tire à conséquence, je
recevrai avec un coeur reconoissant les
Dons de votre amitié, un peu d'aisance
étant de prix à mon âge, après tant de
privations.

Dans tous les cas, Sire, j'oserois vous
prier de vouloir au moins, m'assurer par
les moyens qui sont en votre pouvoir, ce
qui m'est accordé sur votre Trésorerie, afin
que les derniéres de ma vie soyent éxem=
tes de ces soucis qu'on supporte avec
peine dans un âge avancé, lorsque les
ïnfirmités comencent. 

Mon intention, Sire, avoit été de vous
demander cette derniére grace, avant mon
départ, conoissant votre bon coeur; mais
V. M. I m'a prévenu, et c'est une nouvelle
grace que j'ai à lui rendre et que nul
n'apprécie mieux que moi. Agréez, Sire, l'as=
surance de mon respect et de mon inviolable
dévouement.

D. V. M. I.

Le t. h. et t. obt serviteur

F. C. de la Harpe.

 

<181> Les détails dans lesquels j'étois entrés ne
pouvoient être confiés qu'à un coeur tel
que celui d'Alexandre, qui apprenoit pour
la premiere fois tout ce qu'avoit du éprou=
ver l'home dont le dévouement impertur=
bable avoit mérité son amitié. Il aura
Décidé à réparer le passé il m'offrit, ou
une pension de 3000 R, ou une arente de la
même valeur en Courlande, où j'avois des
parens et des amis, en m'invitant à lui faire
connoitre mon choix,. cCelui ci ayant porté
sur la pension, il eut la genéreuse attention
de stipuler la préserver des variations
du change, en fixant le taux de celui au=
quelle elle me seroit payée, et non content
de cela, et le 5e May 1802 il ordonna par
un ordre du 5e May 1802, adressé au Minis=
tre du Cabinet, que la moitié de cette nou=
velle pension fut reversible aux mêmes
conditions, en faveur de ma feme, et pour
daigna me 1 2 mots biffure transmettre la copie de
cet ordre, écrite tracée de sa main. Cet excellent
prince avoit compris les besoins de mon
coeur, 1 mot biffure en réparant le passé; com=
ment ma reconnoissance ne se seroit-elle
pas accrue?

Dès le mois de Mars, je m'étois appercu
que les soins que je m'étois donné pour
1 mot biffure par ma conduite reservée, et
prudente
pour ne point me mettre en
évidence, n'avoient pu me soustraire
à l'activité de la malveillance, qui
interprétoit à sa manière, ma cor=
respondance privée avec l'Empereur, et surtout
les vis entretiens hebdomaires qu'il
dont il m'honoroit dans ma demeure.

Je crus convenable d'en faire part à ce
prince, par une lettre du 8 Mars 1802 et de lui faire sentir la néces=
sité de mon éloignement. Son amitié
3 4 mots biffure combattit dabord
se refusa longtems à croire qu'il pouvoit
y avoir de graves inconvéniens à cette
intimité, entre un Etranger 2-3 mots biffure
un Empereur de Russie projettant des
reformes salutaires pour son peuple,
et un étranger connu pour depuis long=
tems pour pour par une tendance ana=
logue
pour avoir des principes analogues.
La manière sage dont le nouveau Gouver=
nement avoit débuté, avoit eu des ré=
sultats favorables, mais ceux qui re=
doutoient l'abolition des abus qu'ils
avoient exploité jusqu'alors sans contrôle
frémissoient d'en voir arriver le moment terme
et ne sachant à qui s'en prendre ouverte=
ment <182>1 mot biffure, désignoient sourdement
l'étranger come celui qui suggèroit
2-3 mots biffure ces projets., fin de la ligne biffure
1 ligne biffure
Leur
audace alla au point de répandre le bruit
qu'un manifeste alloit publier se préparoit pour l'affran=
chissement de paysans
, 2 3 mots biffure idée qui, ne
pouvoit avoir été suggérée que par ce
dangereux étranger je faisois conaitre 1 mot biffure le mensonge
dont les 2 3 mots biffure pressentoit des 1 mot biffure
danger je fis connoitre 2 3 mots biffure

Je fis connoitre ces menées 2 3 mots biffure à l'Empereur dans une lettre du
2e May qui lui annoncoit mon prochain
départ, en lui faisant sentir l'urgence
de remonter à la source, afin d'obvier
aux conséquences qu'elles 1 2 mots biffure pouvoient produire;
ce qui n'a pas empêché, qu'après mon dé=
part on ne m'ait accusé d'avoir proposé
3-4 mots biffure cet affranchissement dans un mémoire, dont qu'on
1 2 mot biffure s'est bien gardé de citer.

Avant de quiter la Russie, il me parois=
soit essentiel, de réunir récapituler par
1 2 mot biffure écrit, les matières dont qui avoient
été discutées dans notre ma correspondance
écritte, et dans nos Entretiens privés hebdoma=
daires. J'entrepris donc ce travail que
je crois nécessaire de transcrire, malgré
son étendue, 3 4 mots biffure bien au
fait du Conseil que je pour que le lecteur
connoisse, surtout s'il est russe, de quelle
nature
l'espêce des Conseils que je donnai
à l'Empereur depuis le mois d'Aout 1801
jusques en May 1802; et que justice soit
rendue au cit. vaudois qui eut le courage de les émettre

 

St Petersbourg 7e Avril
1802

Sire!

Avant de m'éloigner de V. M. I. je ne puis
résister au desir de lui présenter un
Somaire de nos conversations; ce sera
la péroraison du précheur.

1.

Continuez à écouter avec bonté, les repré=
sentations; mais, après avoir pesé mure=
ment le pour et le contre, décidez tout seul.
La loy de votre pays vous y autorise. Elle
vous en fait même un devoir, et ce seroit
l'objet d'un juste reproche, si vous y
manquiez. Nul n'a le droit de vous
sonder, de chercher à deviner votre
sercret.

2.

Tenez d'une main ferme, les rênes du
Gouvernement. Tracez au chefs de
vos départemens ministériels, leurs
devoirs, sans excepter personne.

Le moindre relâchement à cet égard,
vous mettrait dans leur dépendance, ou
pour mieux dire, dans celle de leurs bureaux.

En vous faisant rendre compte, de
tems en tems, de leurs travaux, en
leur demandant des Etats de situation
raisonnés
de leur Ministêre ou Départe=
ment, vous les mettrez dans la nécessité
de s'en occuper sérieusement. Par là

<183> vous acquerrez la mesure de leur
capacité, vous aurrez des Données
sur les affaires confiées à leurs soins,
en un mot, vous verrez clair, dans les
vôtres.

Réduisez les questions à leurs termes les
plus simples. Votre excellente Judiciaire
et votre tête froide vous mettent en état
de connoitre promtement le noeud de cha=
que affaire. Rappelez y constament
tous ceux avec lesquels vous traitez d'ob=
jets sérieux. Coupez court aux divaga=
tions par des questions precises et par
des réponses laconiques. Rien n'impôse
davantage que cette habitude d'écarter
vite les accessoires pour aller droit au
fait: elle met surtout mal à l'aise les
ignorans et les fripons qui ne craignent
rien tant que d'être mis à nud.

Je vous en conjure, Sire: que la
ligne qui doit séparer l'Empereur de ses
ministres soit fortement tracée, et
montre d'une part, le Chef suprême
de l'Etat voulant le Bien à tout prix, et
de l'autre, les homes appelés par lui
à éxécuter ses ordres. Ce que je vous
conseille, Sire, je l'ai éprouvé. 

L'Empereur peut avoir le masque de la
jeunesse, sans être moins pour celà d'un
age mur, et il sera très respecté lors=
qu'on scaurra qu'il est dangereux de
vouloir lui en faire accroire.

III

Lorsque vous paroissez au milieu de vos
Courtisans et en public, il est essentiel,
Sire, que votre maniére d'être fasse
reconnoitre, tout de suite, le Chef de
l'Etat. Alexandre peutre un par=
ticulier aimable dans son intérieur,
toujours pourtant sans dépasser cer=
taines bornes; mais, partout où le
Chef de l'Etat apparoit, il doit revêtir
la dignité de sa place, que je distingue
bien aureste de cette étiquette minutieuse
qu'on recomanda si longtems à vos pa=
reils, come le Somaire de l'art de rêgner,
afin de les tenir en cage et sous Clef.

Vous avez rejetté, Sire, ce que cette
étiquette avoit d'incomode, et pour vous
et pour les autres; tout le reste appar=
tient à votre place, et vous ne pouvez en
affranchir, ni vous même, ni votre peuple.
Vous rêgnez dans un pays, où l'on n'a
connu jusqu'ici, que les 2 extrêmes, une
licence effrênée de peu d'instans, et une Ser=
vitude déplorable pendant des siécles.

<184> Des homes qui, à quelques exceptions
près, n'ont pas d'idée de ce qu'on ap=
pelle la vraye dignité, sont très
disposés à interprêter mal, les
égards que leur témoignent des Su=
périeurs; ils les regardent come des
Symptomes de foiblesse dont ils sont
toujours prêts à abuser.

J'ai entendu avec indignation
critiquer votre noble maniére d'être,
par des Grands accoutumés à traiter
leurs infér subalternes avec insolence,
et par ces subalternes mêmes, dont
les ames sont profondément avilies;
et, telle est cependant l'aisance avec
laquelle on passe de cette bassesse à
la licence, que l'assassinat d'un Em=
pereur de Russie fut constament la
chose la plus facile.

Je connois, Sire, votre voeu de
faire germer dans les ames, d'autres
sentimens, mais il ne peut être
accompli qu'à force de persévérance
et de tems, et seulement par la généra=
tion qui s'élêve, et que vous voulez
instruire.

Jusqu'alors tenez chacun en respect
sans souffrir qu'aucun s'en écarte,
quelque distingué ou puissant, qu'il
soit; celà importe pour assurer
la réussite de vos réformes.

IV.

Astreignez à la poncutalité, ceux
qui ont un travail rêglé avec vous.
Ne passez jamais sur une omission
de leur part, sans en demander la
cause, et n'admettez pas avec trop
de facilité les excuses qu'on débitera.
Un bon père de famille tient la
main à ce que chaque chose se fasse
en son tems et de la maniére dont il
l'ordonne. Cette régularité et cet or=
dre ont la plus grande influence sur la
marche des affaires.

Extirpez, Sire, par votre éxem=
ple, cette funeste coutume si enracinée en
Russie, de faire périr d'inanition et d'enui,
dans les antichambres, coutume qui fait
le désespoir de tout home de mérite, qui
apprécie la perte du tems.

Que chacun soit éxact à remplir ses
devoirs, et que l'oisiveté et le bailler
dans un appartement pendant plu=
sieurs heures de suite, cessent désor=
mais dans la composition du mérite
qui a droit aux récompenses.

<185> V.

Votre intention, Sire, est de faciliter à
la Vérité les moyens d'arriver jusqu'à
Vous. Vous etes digne d'entendre son
langage sévêre, vous, qui ne rêgnez
que pour civiliser et affranchir votre
peuple . Mais, il faut tracer for=
tement les routes qu'elle doit suivre;
car déja plusieurs fois elle a été tra=
versée dans sa marche, et les avenues de
votre trône ont été 1 mot biffure occupée à l'im=
proviste, par la fouberie et le men=
songe.

On a abusé, je le crois sans peine, du
droit de Pétition. Quelque grand néen=
moins qu'ait été l'abus, le droit lui=
même demeure sacré: c'est le droit de
l'Infortune
, et c'est à lui que correspond
le 1er des devoirs de l'Empereur.
Mais, s'il est incontestable que tout
Pétitionaire doive être entendu, il ne
l'est pas moins aussi, que ses forces seules
n'y suffiroient pas, et qu'il doit appeler
celles d'autrui à son secours.

Un département spécial est chargé
de ce travail sous la direction d'un
home bien digne de votre confiance, Sire;
mais toutes les petitions ne passent pas
par son canal.  On vous en adresse
par la poste, et souvent aussi les pétitionaires
de là classe inférieure, vous les présentent en
pleine rue.

Sans doute les premières vous parvienent,
quoique sous les rêgnes précédens, elles
tombassent fréquement dans le puits de l'oubli,
ou fussent intercep interceptées par ceux qui
s'étoient coalisés contre tout home assez hardi
pour s'adresser au Souverain sans avoir leur
attache. 

<186> Quant aux dernières, vous ordonnez
aux officiers de votre suite de les
prendre pour vous être remises.

Celà ne paroissant pas suffisant,
voici quelques idées sur les moyens
possibles d'y suppléer.

a) Les pétitions parvenues sous votre
couvert, ou sous celui de vos Aides
de camp, ou Secretaires, ainsi que
celles qui vous seroient présentées
par les pétitonaires en persone, de=
vroient être enrêgistrées imédia=
tement dans un Livre destiné par=
ticuliérement à cet usage, dépô=
sé dans votre cabinet.

Les colonnes tracées sur chaque page
indiqueroient

1° la date de chaque pétition

2° la date de la réception

3° le nom du Pétitionaire et son adresse

4° un précis de l'objet de la pétiton.

5° l'énumération des piéces accom=
pagnant celle ci.

6° le renvoi ordonné par V. M. I.
soit au gd maitre des Requêtes, soit
à tout autre Ministre pour pré=
senter un rapport, dans un tems
donné.

7° une derniére colonne enfin, ren=
fermeroit la décision définitive
et ne seroit remplie qu'à l'épo=
que où celle ci aurroit lieu.

L'un des Secretaires de V. M. I, ou l'un
de ses aides de Camp ou Chambellans de
Service, tiendra le Régistre à jour,
enverroit de suite les pétititons aux
personnes chargées d'en faire rapport,
et expédieroit aux pétitionaires, dès
le lendemain, des Extraits signés,
portant la résolution prise imé=
diatement par V. M. I.

Ce travail occuperoit vos aides de
camp et vos Chambellans d'une ma=
nière utile, qui les honoreroit beau=
coup, surtout s'ils étoient astreints
à s'acquiter avec le sérieux et la
dignité convenables de cette noble
partie de leurs fonctions, et si le
Livre étoit mis, chaque semaine,
sous vos yeux, pour faire connoi=
tre, tout de suite, les diligens et les
fautifs.

b) Quant aux petititons aux petitions qui vous
sont présentées imédiatement, en
rue, ou ailleurs, non seulement elles
doivent vous être remises, tout de suite,

<187> par ceux que vous chargez de les pren=
dre. Il faudroit surtout interdire les
voyes de fait qu'on se permet, dit-on, sou=
vent à votre insçû, contre ceux qui les
présentent.

On m'assure que ces infortunés étoient
quelques fois maltraités.

A plusieurs reprises je me suis mêlé dans la
foule, pour m'en assurer, sans l'avoir vu;
et néenmoins cela m'a été assuré de si
bonne part, que je ne puis guêres douter
que la chose n'ait eu lieu.

De pareils pétitionaires sont certaine=
ment incomodes, et ont grand tort de ne
pas s'adresser aux personnes chargées im=
médiatement de ce travail par V. M. I.,
mais l'home du peuple prèsque toujours
repoussé par les Grands, se défie d'eux, et
ne croit pas aux exceptions.

Souvent aussi il ne reste pas d'autre
ressources à l'opprimé, contre de puis=
sans oppresseurs. Sire! Laissez encore
cette porte ouverte: prenez de vos mains
les pétitions du pauvre.

Je vous ai vu, de la foule où j'étois,
passer en rougissant devant ces péti=
tionaires à genoux. Cette attitude vous
mettoit mal à l'aise, mais en prenant
vous même vos leurs papiers, et leur ordon=
nant de se lever, celà eut produit un
meilleur effet. Un Empereur prenant
lui même, les pétitions de la main de
l'home couvert de haillons, est plus
grand qu'au milieu de sa Cour, plus
puissant qu'entourré de ses armées.
Tel fut ce Trajan dont le buste déco=
reroit si bien votre Cabinet, et dont
les infortunés plaçoient l'image parmi
celles des dieux domestiques, longtems
après sa mort. 

Cette noble habitude a plus imorta=
lisé Fréderic II que toutes les victoi=
res; c'est celle quon cite sans cesse d'un
bout de ses Etats à l'autre.

En traçant ces lignes je vois encore la
fenêtre du Chateau de Potsdam, depuis
laquelle, le Vieux (
der alte Mann)
come on le désigne avec l'accent profondé=
ment exprimé du respect, observoit, à

<188> 5 heures du soir les pétitionaires, et
le maronnier d'Inde sous lequel ils
se plaçoient, pour lui montrer leurs
pétitions auxquelles il répondoit
tout de suite, ou au plus tard, le
lendemain.

Sire! Il ne peut vous avoir échap=
pé, coment le peuple vous suit,
de quel oeil il vous contemplre. Un
sentiment confus dit à ces homes
simples, qu'enfin le protecteur du
peuple est sur le trône: voilà pour=
quoi ils s'approchent de lui avec
confiance.

VI.

C'est ici le lieu de rappeler le Réper=
toire des homes à employer
dont j'ai
eu l'honeur de parler à V. M. I. et
dont je crois qu'elle peut tirer un bon
parti. 

VII

Un moyen non moins sur d'acquérir
des Données qui vous fassent connoitre
la vérité, c'est de rapprocher de vô=
tre personne, les individus recom=
mandables pour leur mérite, quel=
que soit leur grade.

C'est dêja une excellente maxime
d'inviter à votre table, les homes
de marque que vous jugez dignes
de cet honeur.

Ce qui ne seroit pas moins à pro=
pos, seroit d'adresser toujours quel=
ques mots, aux Individus qui vous
sont présentés, surtout s'ils vienent
des provinces intérieures, et si, d'a=
près les renseignemens que vous avez,
ils sont en état de satisfaire à vos
questions.

Cette attention de votre part, vous
gâgnera leurs coeurs; ils s'en retour=
neront satisfaits et raconteront
chez eux, que l'Empereur desire
s'instruire de ce qui les interesse.

On m'a dit que quelques uns avoient
été attristés de votre silence.

Cela peut bien être ennuyeux et fati=
gant, mais c'est un moyen d'appren=
dre ce qui se passe en dehors de
l'enceinte de votre palais.

VIII.

Appelez Sire, auprès de vous, un
home instruit et probe que vous

<189> employerez à rédiger des extraits
succints de tout ce qui paroit
d'intêressant dans la Littérature
et les Arts utiles, de tout ce qui tient
aux perfectionemens de toute espêce,
tant en administration, qu'en Econo=
mie politique.

Ces Extraits étant destinés à faire
connoitre les homes et leurs oeuvres vous
seront très utiles.

La personne chargée de ce travail
auprès de vous, devroit l'être aussi
de la correspondance avec les per=
sonnes qui sont chargées ailleurs
de faire connoitre à V. M. I, la
Littérature et les découvertes étran=
gères.

Pour ne pas créer des places nouvel=
les, on pourroit peutre confier ces
fonctions au Département de l'Ins=
truction publique, qui en retireroit
tout le premier, un grand avantage.
On ne peut trop multiplier avec l'é=
tranger, des rélations qui sont des=
tinées à accroitre la masse des
connoissances, à approprier celles
ci aux besoins urgens de votre Empire,
et à faire conoitre les bons ouvrages
ainisi que les homes utiles.

Puisque j'en suis à cette matière,
je dirai qu'il me paroit être d'une
haute importance de s'occuper de la
rédaction de feuilles publiques, qui
offrent outre les nouvelles pratiques
politiques que le Gouverneur juge
nécessaire de faire circuler.

1°) des notices sur les bons ouvrages indi=
gênes et étrangers.

2°) des notices éxactes sur les Arts, les
métiers, l'agriculture, le comerce, la
Geographie, la navigation etc. etc.

3°) des descriptions abrêgées des pr diver=
ses provinces de la Russie, et des pays
voisins, tant sous le point de vue sta=
tistique, qu'à d'autres égards

On pourroit encore employer ces
feuilles à pressentir ou à préparer
l'opinion publique, en y faisant
insérer des dissertations sur rélatives
aux abus éxistans, et aux moyens de
les faire cesser doucement, et sans nuire
aux droits d'autrui.

Ainsi se répandroient quelques
<190> connoissances positives dans les
provinces, où les Gazettes constituent
trop souvent l'unique bibliothêque
des habitans, et après quelques anées,
il en naitroit un desir général de
s'instruire, que le Département de
l'Instruction publique seroit à por=
tée de seconder puissament, en même
tems qu'il en conserveroit la direc=
tion.

Les heureux effets de mesures analo=
gues ont été éprouvés dans d'autres
pays.

Les nombreuses feuilles publiques de
l'Allemagne pénêtrent jusques dans les
hameaux les plus reculés, où l'ins=
truction et, l'industrie et la moralité
se tienent par la main.

Il en est de même en Hollande, en
Angleterre et dans l'Amérique-Unie.
On comence à en éprouver les bons effets
en France, et nous avions obtenu
quelques succès en Helvétie.

Propagez, Sire, les connoissan=
ces utiles, les vrayes lumières, en
indiquant ce qu'on fait ailleurs,
en stimulant l'amour propre de
votre peuple, en tournant son acti=
vité vers des occupations qui l'éclai=
rent et le rendent meilleur.

IX

Vos agens diplomatiques dans les pays
étrangers et vos Consuls peuvent
aussi être façonnés par Vous, en
instrumens d'instruction.

Exigez d'eux, désormais, des rapports
spéciaux, séparés et distincts, réla=
tifs, les uns à la Politique, les autres,
à la partie économique et même
littéraire des pays où ils se trouvent.

Les rapports de cette dernière espêce
doivent porter

1) sur la marche de l'administration dans
le pays quils habitent, et sur les amé=
liorations qu'elle éprouve.

2) sur l'état du pays rélativement
à son l'agriculture, à ses arts, à
ses manufactures, à son comerce,
à ses comunications intérieures et
extérieures.

3) sur les découvertes et les progrès
dans les Sciences et les arts réla=
tivement
<191> à la civilisation 

Ces derniers rapports que j'appel=
lerai économico-politiques, ne doivent
jamais être omis.

Parvenus au Ministêre des affaires
étrangères
et mis sous les yeux de V. M. I
il se ils seront consignés dans un Dépôt
particulier pour être consultés au b
au besoin, et comuniqués au Ministre
de l'Instruction publique et aux autres
ministres ou Chefs de Départemens qu'ils
pourront concerner.

Les recherches auxquelles ces rapports
donneront lieu, dans chaque mission,
occuperont utilement les Employés qui,
à défaut, d'occupations sérieuses, du
donnent dans les écarts, et ne rappor=
tent très souvent des pays où ils ont
séjourné, que beaucoup de suffisance
et de vices. Ces recherches les forceront
à s'instruire, et vous aurrez dans
quelques années, une pépiniére de
sujets plus instruits que ceux d'au=
jourdhui.

<192> Je rappèle ici à V. M. I. ce que j'ai
eu l'honeur de lui dire précédement
au sujet des Consulats.

En appelant à ces places des homes
du Tiers-état, auprès desquels on pla=
ceroit des fils de négocians russes opu=
lens, on réussiroit peutre à dissiper
les préjugés de ces derniers, qui s'accou=
tumeroient à entretenir des réla=
tions directes avec les grandes places
de comerce de l'Etranger. Insensi=
blement les vrais principes du Comerce
s'inculqueroient dans les têtes, et l'on
verroit enfin des Comptoirs russes
s'établir avec succès dans d'autres pays,
où, grace à de grands capitaux, ils
feroient des affaires considérables,
recueilléroient des Données utiles à
la Russie, et mutliplieroient les points
de correspondance entre celle ci, et
les autres pays comerçans.

Les avantages qui en résulteroient,
sont si palpables, et l'urgence me
paroit telle que je ne puis assez in=
sister sur ce point aurprès de V. M. I.,
tant il me paroit important de
soustraire votre industrie et vôtre
comerce à l'influence des puissances
intêressées au maintien des ténèbres
en Russie.

Un autre moyen d'accroitre la
masse des conoissances nationales, seroit
d'envoyer dans les académies ou dans les
Etablissemens étrangers d'éducation des jeu=
nes gens, tant de la noblesse que du Tiers-état
pour y étudier la Jurisprudence, l'Econo=
mie politique, les Sciences éxactes et la
Pédagogie.

Ces jeunes gens devroient être placés
sous l'inspection imédiate des agens di=
plomatiques russes auxquels ils ren=
droient compte de leur conduite et
de leurs progrès; et ce compte seroit
envoyé par eux au Département de
l'Instruction publique qui demeureroit
chargé de l'ad Direction suprême.

Pierre 1er en éprouva jadis les bons
effets, quoique les élêves de son tems,
fussent trop abandonnés à eux mêmes.
En les plaçant sous l'inspection et la
direction cidessus, les inconvéniens se=
roient évités, et V. M. I. aurroit pro=
bablement, dans quelques années, l'avan=
tage d'avoir plusieurs bons instrumens
nationaux
, de plus

<193> cette mesure entrainera sans doute
quelque dépense, mais qu'est-ce donc
que celle ci, comparée avec les fraixts
que V. M. I. aurra la douce jouïssance
de recueillir?

X

L'élévation du Tiers-état me paroit
Sire devoir être, l'un des principaux
thêmes de votre rêgne.

Catherine IIde le tira de la bassesse; c'est
à vous qu'il appartient de lui procu=
rer une éxistence sure, honorable, qui
le mette en état de vous aider, à son tour
Tel est aussi votre but, Sire; et ce=
pendant il sera bien difficile de
l'atteindre, tant que la gothique et
absurde institution des rangs subsistera.

C'est cette institution désastreuse
qui a privé la Russie des avantages
dont jouïssent les autres peuples, et
qui la retient dans leur dépendance.
C'est elle qui prive le Tiers-état des
homes doués d'activité, de talent et de
génie, qui pourroient le protêger. C'est
elle qui avilit les ames, en forçant à
ramper, dans l'âge où le coeur et les
sentimens se forment. C'est elle qui
chasse loin des campagnes, tous les
propriétaires opulens qui seroient
tentés de s'occuper d'agriculture et
de la civilisation des cultivateurs. C'est
elle qui proclame, en Russie, que le
génie, le talent, les conoissances, le
mérite en un mot, ne sont rien, ne
méritent rien, pas même des égards.

Que les homes qui occupent les places
soyent classés; celà se conçoit et peut
contribuer au maintien de la subor=
dination, et à prévenir les disputes de
vanité. Rien ne s'oppose encore à
ce que ceux qui ont bien servi l'Etat,
conservent les distinctions attachées
àux la place qu'ils occupoient.

Mais identifier tellement l'home
et le rang, qu'ils soyent inséparables,
voilà certes une grande erreur, dont
les suites sont déplorables, puisque la
considération se mesurant d'après
cette échelle, il n'est aucun individu
pouvant aspirer à cette considération, qui n'a=
bandonne tout pour courir après elle

Il me semble pourtant qu'on ne nuiroit,
ni aux prérogatives de la noblesse, ni aux

<194> prétentions des gens en place, ni aux
principes de la monarchie, en met=
tant fin à un abus aussi notoire.
Il suffiroit de déclarer:

1) que tous ceux qui ont des rangs con=
tinueront à jouïr des honeurs et
des prééminences qui leur sont attachés.

2) que désormais les rangs seront
exclusivement attachés à la possession
effective des charges ou offices, dont
ils déterminent simplement la préé=
minence, aux yeux du public.

3) qu'il n'est point nécessaire d'avoir
un rang, pour jouïr de la plénitude
des droits appartenans aux diverses
classes des sujets de l'Empire.

4) que les loix qui dispensent de
l'observation de certaines formalités
légales, quand il s'agit de citoyens
privés de rangs
 , sont abrogées. 
Le Considérant d'une déclaration pa=
reille, seroit facile.

L'Oukase rélatif au droit d'aquérir
des propriétés, à dêja été un grand pas,
en faveur du Tiers-état, et produiroit
des résultats majeurs, si les mesures
suivantes, ou d'autres analogues,
étoient un jour adoptées. En voici la
série.

a) La condition des habitans des villes
(Citadins, Bourgeois), devroit être rap=
prochée, par de bonnes loix, de celle
des habitans de la même classe, en
Prusse, en Allemagne et en Suêde,
parce que ces villes devenant des foyers
d'activité, d'industrie et de civilisation,
offriroient un jour, des points d'appui
au gouvernement, pour agir sur le
peuple des campagnes.

Completter, perfectioner et fixer dé=
finitivement leur organisation muni=
cipale
devient donc une mesure
indispensable. 

b) Les habitans des terres de la couronne
doivent être ramenés graduellement à la

<195> condition de la même espêce dans
les Etats prussiens.

Sans prononcer le mot d'affranchis=
sement
, on pourroit convertir, en
redevances fixes, déterminées par
des formages héréditaires (
Erb-päckte)
les services qu'ils doivent rendre,
introduire parmi eux une adminis=
tration analogue à celle qui est
introduitte dans les provinces prus=
siennes de Silésie et de Poméranie,
et dans celles qui proviennent du
partage de la Pologne.

Le manque de Données m'interdit
les détails. Il me paroit seulement,
qu'en faisant des essais sur des points
éloignés les uns de autres, par l'en=
tremise de personnes intelligentes
et discrettes, on parviendroit enfin,
à déterminer la marche convenable
pour étendre doucement la mesure;
et celle ci seroit f surtout favorisée
par les écoles populaires, si on
les organisoit par tout où les loca=
lités et les circonstances le permettront. 

c) La vente des terres terreins vagues apparte=
nans à la couronne
, partout où cette
vente ne gênera pas le service public,
fournira de nouvelles ressources,
pourvû qu'on astreigne les acheteurs,
à y établir durant une période
déterminée, des colons libres, soit
indigênes, soit étrangers; pour=
vû qu'on arrête les bases d'une Char=
te de colonisation, telle que les Ache=
teurs conservant une lattitude suf=
fisante pour leurs établissemens,
soyent conduits par la force des
choses, à marcher vers le but que
le gouvernement se propose lui me=
même. 

J'ai expliqué à V. M. I. coment on
s'y prenoit dans l'Amerique unie pour
fonder ces colonies. Le voyage du Duc
de la Rochefoucault-Liancour renfer=
me là dessus, des Données infiniment
intéressantes, et qui pourroient devenir
bien utiles, si elles étoient publiées à
la suite des Gazettes.

Trop souvent on est arrêté par
des difficultés imaginaires

L'administration prussiene rélative
aux Colonies fondées depuis le Gd Electeur

<196> jusqu'à nos jours, mériteroit 1 mot biffure
d'être étudie, surtout pendant les
20 dernières anées. Elle intêresse
d'autant plus la Russie, que très
probablement, plusieurs de ses procé=
dés seroient applicables à celle ci,
et pourroient être développés dans
leurs détails par des Prussiens qu'on
appelleroit à cet effet en Russie, ou
qu'on consulteroit chez eux.

Vos agens diplomatiques en Prusse,
surtout les Consuls stationés à  Königs=
berg et à Dantzig sont à portée,
Sire, d'obtenir tous les renseignemens
désirables, et à leur défaut, d'autres
s'en acquiteroient.

Tout le midy de la Russie pourroit
ainsi, être peuplé, cultivé, fertili=
sé par des colons, dont on feroit
un jour, des homes libres qui culti=
veroient les arts utiles et s'adon=
neroient au comerce imense que
cette portion précieuse de votre
Empire est appelée à faire avec
l'Europe et l'Asie par la mer cas=
pienne, la Georgie et la mer noire.
Je ne sçaurrois donc trop le répé=
ter, Sire: avisez aux moyens de
coloniser le Midy; et lorsque votre
Département de l'Intérieur sera
bien établi, n'oubliez pas la Section
ou le Bureau des Colonies, et indiquez
lui les sources où il doit puiser.

XI

A la colonisation du Midy, tient
le perfectionement de l'agriculture
dans ces contrées , et un meil=
leur aménagement des forêts, dont
elles sont presque entiérement dé=
pourvues.

On ne peut guêres proposer, dans
ce 1er moment d'établir des jardins
botaniques, dans les 3 zones de Votre
Empire, afin de répandre la culture
des végétaux indigênes, plantes, ar=
bustes, grands arbres, fournis par
la flore russe.

Quoique très utiles, s'ils étoient con=
fiés à des homes intelligens dont les
travaux seroient dirigés vers l'uti=
lité générale, ces établissemens cou=
teroient peutre trop, pour le moment

<197> présent.

Mais, dans l'intervalle, les botanistes qui
ont parcourru la Russie, pourroient au=
moins désigner les arbres, les arbustes et
les plantes qu'on devroit réunir sur tels ou
tels points des 3 zônes.

On pourroit dailleurs encourager dès à
présent la culture des arbres fruitiers, et
son perfectionement par l'introduction des
espêces étrangères, car la Russie manque de
bons fruits, et il ne tiendroit cependant qu'à
elle de propager tellement cette culture,
que l'Empire pût être approvisioné en abon=
dance de cette nourriture agréable et salu=
bre.

On pourroit surtout s'occuper des moyens
de naturaliser dans les provinces méridio=
nales, les belles varietés d'arbustes, ar=
bres fruitiers et forestiers, que le reste
de l'Europe, le Nord de la Chine, le
Caucase et principalement l'Amérique septentrionale
fournissent en grand nombre.

Tandisque des botanistes intelligens
parcourroient l'Europe, la Sibérie et
l'Amérique septentrionale, pour recueillir
des graines et même de jeunes plants,
on prépareroit les terreins destinés à les
recevoir.

Si le succès de ces opératïons a été
constaté en Angleterre, en France, en
Hollande, pourquoi la Russie qui a
plusieurs climats et tous les sols, feroit-=
elle exception? On a acclimaté dans
ces divers pays prèsque toutes les espêces
de Chênes, de freines, de peupliers, de saules,
d'érables, de noyers, de pins, de cédres etc. etc.
Ces trésors s'augmentent chaque année,
par de nouveaux envois, et chaque saison
les voit distribués sur de nouveaux points. 
Ce fut ainsi que les beaux fruits de l'Asie
mineure furent jadis propagés en Europe.
Je ne passe point devant les chênes 1 mot biffure
semés par l'ordre de Pierre 1er sans bénir
sa mémoire.  Les âges futurs béniront
Alexandre 1er pour avoir repeuplé les
forêts, tracé de grandes routes et des canaux
navigables, ouvert des comunications com=
merciales de toute espêce.

Un Bureau d'Agriculture dépendant du
Ministêre de l'Intérieur, et en attendant
l'organisation de ce Ministêre, la Société
économique
pourroit éxercer la surveillan=
ce sur cette partie intéressante, et se
concerter avec le Département dêja

<198> éxistant des forêts. 

Le même Bureau d'Agriculture recueil=
liroit aussi des renseignemens sur les cultu=
res diverses dont seroient susceptibles les
provinces méridionales, rélativement aux
localités, et prendroit des mesures pour les
introduire. Enfin il se concerteroit avec
les départemens de la comunication des
eaux et du Comerce
sur les moyens de secon=
der l'avancement de l'agriculture, par
des comunications nouvelles à ouvrir, tant
par eau, que par terre.

XII

La classification des travaux de l'Admi=
nistration, à l'aide de Ministêres distincts,
dont vous pressentez, Sire, les grands avan=
tages, va vous procurer le moyen de
mettre le doigt sur les playes de l'Etat,
et de substituer aux palliatifs, des
remêdes radicaux. Par elle vous
tiendrez vraiment les fils de l'Administra=
tion que vous devez absolument avoir
en mains, pour faire marcher les réfor=
mes conformément à vos vues patrïotiques.
Vous aurrez la vue claire de l'Ensemble
et de ses grandes parties; de manière
à n'être plus dans le cas de devoir pren=
dre des mesures partielles. Vous sçaur=
rez à qui vous en prendre adresser,
lorsqu'il y aurra du relachement, ou des
erreurs comises. Vous pourrez éxiger
de vos Ministres des Etats de situation
de leurs Départemens, et peser ces pre=
miers dépositaires de votre autorité,
dans les balances de votre Judiciaire.

Cette classification des travaux admi=
nistratifs accoutumera enfin les Em=
ployés à l'ordre, à l'éxactitude, à une
marche conforme aux principes. Ils
acquerront des idées nettes de chaque
branche de l'administration; et l'on
aurra le droit d'éxiger qu'ils se per=
fectionent par des études analogues,
une fois que le mérite et non le rang
sera décidément un titre pour arri=
ver aux places.

<199> Cette nouvelle organisation de
l'Administration a pour adversaires,
les gens à préjugés qui ne voyent
rien de plus parfait que ce qui éxiste;
ceux qui profitent du Cahos dans lequel
tout se trouve; ceux qui craignent
de n'être placés que selon leurs oeuvres
méritoires; ceux qui s'étoient proposé
de vous tenir sous tutêle, de neutrali=
ser vos tableaux, en les entravant sous
main par l'entremise des subalternes;
tous ceux enfin, qui avoient formé
le projet impie de vous cerner de toutes
parts. 

Je les ai vus jadis, garder en vrais
Cerbéres, les avenues du trône de votre
auguste ayeule, dont l'esprit et le
tact supérieur leur jouèrent quelques
fois d'assez bons tours. Divisés
entr'eux pour faire la curée de l'Empire,
on les trouvoit toujours unis pour
écarter et punir quiconque approchoit
l'enceinte de trop près.

Votre fermeté a jusqu'ici dejoué leurs
complots; mais ils sont trop profondé=
ment corrompus pour y avoir renon=
cé; et comptez, Sire, qu'il ne tiendra
pas à eux d'entraver votre marche,
en faisant naitre des incidens de
toute espêce et à tout propos, et trai=
nant les affaires conformément à
l'adage qui gagne du tems, gagne tout.
Il est facheux qu'on vous ait engagé
dans le tems, à les rappeler. Mais,
Sire! demeurez au moins sur vos
gardes: rappelez vous leur conduite
sous Catherine IIde, et après les avoir
consulté lorsque vous le jugerez nécessaire,
ne souffrez pas qu'ils aillent plus loin;
tenez les en respect. Ce n'est pas à vous
Sire, à baisser modestement les yeux
devant eux; car vous voulez fortement le
Bien qu'ils ne voulurent jamais, qu'ils
ne sçurent jamais faire.

L'organisation dont il s'agit, sera
au contraire approuvée par tous les amis
de l'ordre, par tous ceux qui aiment
leur Souverain et leur patrie, par
tous ceux qui ont des titres fondés, pour
servir l'un et l'autre, par tous ceux enfin
qui espêreront être placés à la tête du
Ministêre nouveau Ministêre
.

Les travaux indispensables pour mettre
en train cette organisation étant

<200> terminés, armez vous de fermeté, Sire!
pour le moment de l'éxécution; vous
en aurrez besoin; et surtout, que
nulle considération étrangère, de
quelque espêce qu'elle soit , ne vous
engage à placer à la tête des nouveaux
Départemens ministériels, des homes
foibles foibles, présomptueux, d'une
moralité et de principes équivoques.

Recueillez par tous les moyens, des ren=
seignemens sur les individus qui peu=
vent être dignes d'une aussi grande
confiance, demandez, consultez.
Mais, decidez, seul, tout seul, sans
que personne intervienne, sans que
personne puisse deviner votre secret
; et
puissent ces premiers choix, dont dé=
pendra le succès de la mesure elle
même, porter sur des homes à grandes
vues, attachés à leur patrie, et à vous,
ayant des conoissances avec le desir de les
augmenter, actifs, persévérans, amis de
l'ordre, énergiques, et sachant rendre
au mérite modeste ce qui lui appartient!
Sire! ce sont des homes de cette espêce
trempe qu'il vous faut; des homes foibles
détruiroient votre ouvrage. 

Pressez, Sire! l'éxécution de cette grande me=
sure. Ce n'est qu'après l'avoir vue mise en
pratique: ce n'est qu'après avoir appris le
choix de vos nouveaux ministres, que j'ôse=
rai me 1 mot biffure livrer à l'espérance de voir se
réaliser enfin le Bien que le bon génie de la
Russie a destiné à 40 millions d'homes, en Vous
plaçant là où vous êtes.  Ce but, Sire

<201> doit sans cesse être présent à votre
pensée; en approcher est le thême de
votre rêgne. J'en ai pour garans
vos sentimens depuis l'âge de 11
ans, vos lettres, celle surtout du 9e
May 1801, dans laquelle vous m'é=
criviez Je ne me suis chargé de ce
poste, que pour pouvoir être utile
à mon pays, et le préserver dans
l'avenir, de nouveaux malheurs
. J'en
ai pour garans enfin, tout ce que
j'ai vu depuis mon arrivée à St Pe=
tersbourg
, tout ce que j'ai entendu
de vous même.

XIII

Si l'organisation mentionée est la
pierre angulaire de l'Edifice, l'Instruc=
tion
en est assurément l'une des prin=
cipales colonnes.

Je ne répéterai point ici, ce que j'ai
eu déja l'honeur de mettre sous les
yeux de V. M. I qui connoit la pro=
fondeur de la paye et veut à tout prix
sa guérison. Je dirai seulement qu'il
est urgent de mettre la main à l'oeu=
vre, l'organisation d'un Département
de l'Instruction publique pouvant avoir
lieu dès à présent, parce qu'il s'agit,
non d'un triage préliminaire plein de
de difficultés, come pour les autres dé=
partemens, mais d'une création toute
nouvelle qui n'a rien de comun avec
d'autres!

Je prens la liberté de joindre ici les
Instructions pour les Conseils d'éduca=
tion
créés en Helvétie de notre tems.
Elles sont de notre ministre Stapfer
et pourroient être comuniquées au
Département lorsqu'il éxistera. Il
ne faut dédaigner l'expérience de
personne 

XIV

La rédaction des Codes de loix et la
réforme de l'ordre judiciaire sont des
objets si importans que je ne puis
m'abstenir d'y revenir encore, quoi=
que je sois instruit des mesures
prises par V. M. I. à cet égard.

La Prusse est le seul pays où l'on
aît travaillé sur ces matières avec
maturité et bon sens.

Le dernier Code prussien peut servir
de modêle, tant pour la Méthode,
que pour la clarté et le Style.

<202> S'il étoit donc possible d'emprunter
l'assistance de quelques uns de ses
collaborateurs, il ne faudroit pas
hésiter. Des homes pareils qui, à
la théorie joignent l'expérience, ne
sont pas comuns, et valent bien mieux
pour la pratique, et l'éxécution, que
les jurisconsultes spéculatifs, quoique
les Conseils et surtout la critique de
ces derniers soyent toujours très uti=
les.

Mais, si vous faites entrer des Ju=
risconsultes dans la Comission char=
gée de ce travail, en les subordonant
à de grands seigneurs qui n'ont, ni
leurs lumières, ni leur expérience,
et qui n'ont jamais pu les acquérir,
vous n'aurrez rien fait. 

Ces grands seigneurs en impôse=
ront aux vrais faiseurs par leur
jargon et leurs demi-lumières en=
cyclopédiques; ils influenceront
leurs opinions et retarderont leurs
travaux. 

Il m'est impossible, Sire, de croire
que ceux qui ont contracté la funeste
habtiude de ne voir dans les loix et
dans les tribunaux, que des instru=
mens propres à favoriser leurs
intérêts privés, desirent sincêrement
la cessation d'un ordre de choses dont
ils se sont trouvé si bien. A de
tels homes, il faut le Cahos et les tri=
bunaux actuëls. Mais, tout ce qui
n'est pas grand, réclame avec force,
la fin de ces abus, et l'attend de V. M. I.

Quel est le propriétaire noble, ou
roturier qui puisse désormais être
mécontent de sa condition, si sa
proprieté, son honeur et sa vie, sont
protêgés par des loix conues de tous
et par des tribunaux organises et
composés de manière à promettre
une justice éclairée et promte, s'il
peut jouïr de ces avantages, sans
être obligé de courir après des
rangs qui le protêgent? 

Les progrès de l'agriculture et de
l'industrie, le crédit public et la
moralité des citoyens, la civilisation

<203> en un mot, dépendent essentiellement
de la certitude d'une bonne justice dis=
tributive.

Beaucoup de citoyens vivroient de
préférence au sein de leurs domaines,
les faisant valoir eux mêmes, et servant
la patrie en augmentant ses productions.
Beaucoup d'autres se livreroient à l'Etude,
ou cultiveroient les arts dans les villes de
province, s'ils n'étoient pas forcés de
courir après les places, pour obtenir des
rangs
; si, en demeurant simples ci=
toyens ils n'étoient pas expôsés sans
deffense à la voracité de l'odre judiciaire.

Assurément le 1er Code russe sera
encore très imparfait; mais, dans cet
état même, il sera dêja le plus grand
des bienfaits, surtout si la jurisprudence
des
Oukases, cette mine productive pour
la chicane, est abrogée au même ins=
tant.  Alors, Sire, la loy pou=
vant être connue de tous, et les séances
des tribunaux pouvant être rendues
publiques, il éxistera un Contrôle
judiciaire
que le Public éxercera indé=
pendament de Votre Ministêre de la
Justice. Alors aussi vous pourrez
ordonner à vos 2 Ministres de la Justice
et de l'Instruction publique de se con=
certer pour que la Jurisprudence soit
enseignée dans les Lycées, les Gymnases
et les Académies; et vous déclarerez
que depuis une certaine époque, tout
prétendant à une place judiciaire sera tenu
de présenter l'attestation qu'il a étudié la
Jurisprudence et subi des éxamens. 

<204> Ainsi se formera une Classe d'homes
instruits, versés dans le maniement
des affaires, capables de les expêdier
promtement, qui vous permettra de
diminuer le nombre des Juges, mais
à condition de payer mieux ceux qui
seront conservés, afin que pouvant
vivre honorablement, ils n'ayent
plus de prétexte pour se laisser cor=
rompre.

La création du Ministêre de la Justice,
et la réforme de l'ordre judiciaire,
vous dispenseront, Sire, des pênibles
fonctions de Juge d'appel suprême,
que vous devez encore éxercer pendant
quelques années, pour le plus grand
Bien de tous, mais dont les princi=
pes interdisent néenmoins, l'éxercice
au Pouvoir Exécutif suprême.

XV

La réorganisation des Départemens
de l'Administration générale, la mise
en activité du Département de l'Ins=
truction publique, la rédaction
du Code de loix, la réforme de l'ordre
judiciaire, la colonisation du Midy,
l'ouverture de nouvelles comuni=
cations dans l'intérieur de l'Empi=
re, la protection de l'Industrie et
du comerce, et surtout la restaura=
tion du Tiers-état
: voilà Sire, les
grands objets dont vous êtes occu=
pé dans ce moment, ou que vous
avez en vue. Si vous daignez
m'en croire, vous n'aspirerez point
à aller audelà, nonseulement à
présent, mais encore pendant plusieurs
années. Le grand but que vous
vous proposez ne peut être atteint,
qu'après avoir obtenu les résultats
ci dessus, qui sont les bases de l'édifice. 

Lorsque vous aurrez formé d'autres
homes et beaucoup d'instrumens
nationaux
: lorsque vos peuples
jouïront de la liberté civile et
scaurront l'apprécier; alors vous
pourrez faire quelques pas de plus,
éclairé par votre expérience pro=
pre, et par celle des autres peuples;
alors vous pourrez donner à la

<205> Russie, une Charte politique appro=
priée à ses circonstances particulières,
qui accorde au Gouvernement, toute
la latitude de pouvoirs dont il a
besoin pour agir surement et prom=
tement à 11000 Werstes, et mettre la
liberté publique à l'abri des attein=
tes de l'Arbitraire.  Mais s'occu=
per aujourdui d'une pareille Charte
seroit abandonner la réalité pour
courir après une chimêre dangereuse
. 

Votre destinée vous appéle, Sire!
à corriger les erreurs comises par
Pierre le grand et par ses successeurs.
Elle vous appéle à rebâtir en granite
l'Edifice qui fut élevé sur le sable.
Elle vous appéle, à éclairer le peuple,
à former un Tiers-état qui balance
l'influence jusqu'ici exclusive de la
noblesse; à améliorer doucement
le sort des cultivateurs, et à en
faire des citoyens, sans attenter aux
droits de proprieté
; à former des Employés
instruits; à abroger l'absurde insti=
tution des rangs; à garantir la
liberté publique par la promulga=
tion d'un code de loix, par la réforme
de l'ordre judiciaire, par la réor=
ganisation de l'Administration géné=
rale par conformément à des principes
qui accélêrent sa marche. Elle
vous appéle à encourager l'Agricul=
ture et les arts utiles, à peupler le
midy de votre Empire, à multiplier
les comunications et les moyens de
correspondance entre vos provinces, à
activer le Comerce intérieur et à
créer le comerce avec l'Asie. Ah!
puissiez vous réaliser toutes ces choses!
Vous aurrez deja plus fait pour vo=
tre Empire, que tous vos prédécesseurs
ensemble, depuis sa fondation.

XVI

J'ai parlé des comunications comer=
ciales
auxquelles V. M. I attache avec
raison la plus grande importance.
Plus elles seront multipliées dans l'In=
térieur, et plus aussi la civilisation se
répendra, menant à sa suite, les arts,

<206> les conoissances, le comerce, l'aisance,
la félicité publique 

Par la diversité de ses climats, par
son étendue, sa position et ses com=
munications intérieures, la Russie
me paroit appelée à protéger principa=
lement son comerce intérieur qui pro=
curera à ses habitans des jouïssances de
toute espêce, sources de nouveaux dé=
veloppemens d'industrie.

Le comerce extérieur comparé avec le
premier ne sera certainement, un
jour, que très accessoire, à l'excep=
tion toutefois de celui qui aurra
lieu avec la Turquie, la Perse, la
Boukarie, l'Inde et la Chine, comer=
ce qu'on peut même considérer come l'une
des branches principales du Comerce
intérieur
, que nul ne pourra vous
ravir.

Par sa position géographique, par
la diversité de ses Climats et de son
Sol, et par la facilité des comunica=
tions intérieures, la Russie m'a tou=
jours paru devoir jouïr, à l'égard
de l'Europe, le rôle que joue la Chine
à l'égard des nations de l'Asie. L'a=
nalogie est même si frappante qu'elle
doit avoir été fréquement saisie.

Elle en différera par une plus grande
hospitalité, qui la portera à faci=
liter et multiplier les échanges et
les comunications de toute espêce, avec
les autres peuples.

C'est en avançant vers ce but, que
vous éxaminerez, Sire, s'il convient
à la Russie, d'avoir sur la Baltique
et sur la mer noire, une flotte de
pesans et incomodes vaisseaux de
ligne, ou, s'il ne seroit pas préfé=
rable de remplacer ceux ci par des
flotilles de frégattes, Corvettes, cha=
loupes canonières et bateaux plats. 

J'ai entendu souvent traiter ces
questions, et il m'a toujours paru
que l'opinion de ceux qui regardoient
les flotilles come très suffisantes pour
protêger les côtes et le cabotage, l'em=
portoit de beaucoup sur l'opinion

<207> opposée.

Il vaudra la peine, Sire, de soumettre,
dans la suite, ces 2 opinions, à un éxa=
men impartial, de peser, en un mot,
les raisons de part et d'autre, non pas
avec les balances de la vanité, mais
avec celles des vraïes convenances pour
la Russie.

J'en dirai autant des 2 opinions
éxistantes sur la Deffensive de vos
nouvelles frontières.

L'une est favorable est au Systême
des places fortes; l'autre ne veut
que des Citadelles placées en arriêre,
et croit qu'il suffit d'avoir d'excellen=
tes cartes des contrées qui peuvent
devenir le théatre de la guerre, d'en
bien connoitre les localités, et d'avoir
désigné à l'avance, soit les points
d'attaque, soit les lignes de deffense. 

Il n'appartient pas à un profane
d'aller plus loin; mais, ces opinions
sont dignes de toute l'attention de
V. M. I. et je lui conseille de les
faire discuter en sa présence, par
leurs partisans respectifs. Elle y
trouvera tout à la fois, du plaisir
et de l'instruction, et ce sera dailleurs
un bon moyen pour apprécier et
conoitre les homes qui discuteront
devant Elle, et dont le zêle redou=
blera par un pareil encouragement.

Il n'est pas moins important de
faire lever avec soin, des cartes topo=
graphiques de vos provinces. Celle
du Gouvernement de Wladimir que
j'ai vue dans votre Bibliothêque, est
dêja très intêressante, mais ses points
ne sont pas déterminés astronomiquement,
et il lui manque d'indiquer les pentes
du terrein, le cours des eaux, les bois,
les marais, les terres cultivées, et les
routes diverses. 

Le Département de la Méjevaya (de
l'Arpentage) pourroit dabord, en fournis=
sant aux Ingénieurs, ce qu'il possêde
dêja  faciliter beaucoup leurs opé=
rations. Ce qui ne les faciliteroit pas
moins, seroit d'assurer aux officiers
chargés de ces travaux, une part propor=
tionée aux profits résultans de la
vente de ces cartes, après quelles aurront été
approuvées et gravées. Cette part pourroit

<208> consister dans le Don plus ou
moins grand d'un certain nombre
d'épreuves, et pour les Cartes qui
ne seroient pas vendables, on
accorderoit des primes d'encourage=
ment. 

V. M. I. conoit trop bien, les
avantages résultans de ces travaux
pour qu'il soit nécessaire de les
développer. Elle sçait qu'ils aur=
ront une influence imédiate et très
prononcée sur les progrès de la civi=
lisation et des vrayes lumières,
ainsi que sur la colonisation du
Midy de son Empire.

XVII

Une mesure adoptée généralement
en Prusse et dans d'autres pays, pour
mettre le gouvernement en état d'ac=
quérir des Données sur les progrès
de la population et sur les causes
qui l'accélêrent ou la retardent,
consiste dans la confection et la
publication anuelle de tableaux des
mariages et naissances, des maladies
et de la mortalité. Mr Kraft
qui a publié dès l'année 1782 un
Mémoire intéressant à ce sujet,
dans les Comentaires de St Petersbourg,
s'occupe maintenant d'un travail
plus étendu et plus complet, qu'il
espêre avoir l'honeur de présenter
bientôt à V. M. I.

Le Dept de l'Intérieur devra dé=
sormais être chargé de ce travail,
et sans doute il priera Mr Kraft
de diriger ses premiers pas.

XVIII

L'ignorance de votre Clergé infé=
rieur, et la crapule dans laquelle
il vit, doivent nécessairement avoir
un terme, si vous voulez éclairer vô=
tre peuple.

Ces Lévites ne seront point à crain=
dre pour votre autorité, en deve=
nant meilleurs. Vous pourrez même
employer très utilement, eux et 1 mot biffure
leurs enfants, pour fonder des écoles
dans les écoles, et les convertir insen=
siblement en instituteurs de mo=
rale

<209> L'admirable tolérance de toutes les
Sectes, établie par vos prédécesseurs,
les place toutes sous la main du
Gouvernement, qui a le droit que
nul ne lui contestera, de les faire
coopérer avec lui, à l'avancement
des lumières, et à l'amélioration de
leurs semblables. Il sera seule=
ment nécessaire de recueillir des
faits. par l'entremise des prêtres
et des anciens (
Starosti), afin de ne
prendre que des mesures qui repôsent
sur ce qui éxiste dêja, ou sur ce qui
peut éxister.

XIX

La réorganisation des Départemens de
l'Administration générale, influera
sur votre Conseil.

Il me semble dabord qu'il doit
consister, dans les Ministres ou Chefs
de vos départemens.

Je croirois ensuite à propos, de n'y
appeler dans la suite, que des homes
vraiment capables de vous aider de
leurs bons avis, des homes qui joignent
aux idées libérales, et à la conoissan=
ce des affaires, des vues étendues, le
desire du Bien, 1 mot biffure une probité reconue
et beaucoup de dévouement pour votre
personne.

Il me semble encore Sire, qu'il seroit
digne de vous d'y appeler, suivant les
circonstances, les homes de mérite que
vous aurrez reconnu pour tels, quel=
que soit leur rang, et même des
homes du Tiers-état
, lorsqu'il s'agi=
ra des intérêts de celui ci. 

Enfin, Sire, il est bien important
d'introduire l'ordre dans les délibéra=
tions de ce Conseil, et de l'astreindre
à suivre une marche bien déterminée.
Peutre celle ci répugnera à plusieurs
plusieurs; mais ce n'est point là une
raison suffisante, et il me seroit impossi=
ble de conseiller à V. M. I de céder sur ce

<210> point, si l'utilité de la mesure lui
paroit dailleurs bien démontrée.

C'est aux membres de son Conseil à don=
ner l'éxemple de la Subordination,
du bon ordre, et de l'obéïssance. Nul
d'entr'eux n'a le droit de se formaliser
de ce qu'on lui prescrive une rêgle à
suivre. Ne souffrez pas Sire, qu'il
y aît à cet égard des réfractaires. Point
de foiblesse dans cette occasion, je vous
en conjure. Que tous sachent qu'il ne
vous faut pas des tuteurs agissant à leur
guise, mais des homes qui s'occupent avec
méthode, activité, intelligence et fidélité,
des recherches dont vous les chargez, et
dont ils demeurent responsables envers
vous seul.

Comandez avec calme, après avoir
écouté avec bonté, mais point de capi=
tulation sur l'obéïssance.

Avec vos principes, votre ardent desir
du Bien et l'expérience que vous avez
dêja acquise, vous pourriez vous faire
écouter avec le plus grand intérêt, si
quand vous seriez un simple citoyen;
y at-il beaucoup de vos Homes
d'Etat, dont on puisse en dire autant?
Cela ne signifie pourtant pas qu'il
ne vous reste plus rien à apprendre;
Vous savez le contraire, et dans votre
station, c'est une science rare.

Lors donc que vous astreignez vos
Conseillers à travailler avec ordre, vous
prouvez précisément à tous, que vous
voulez connoitre la vérité, et profiter
des lumières d'autrui, pour augmenter
les votres; et certes, il n'est aucun
coeur honnête qui n'approuve la
sévérité avec laquelle vous poursui=
vrez l'éxécution d'une pareille mesu=
re.

XX

Etranger à la Politique, depuis que
j'ai cessé d'être Gouvernant, il ne me
convient paseu d'en parler.

Les memoires que j'ai eu l'honeur de
présenter à V. M. I lui aurront
fait connoitre ma manière de voir
à cet égard.

Je pense que, tout en mettant votre
Militaire sur un pied respectable,
que tout en maintenant la sévérité
de la discipline V. M. I. doit adopter
un Systême pacifique, et résister
à toutes les sollicitations qui

<211> pourroient lui être adressées, pour
l'en faire sortir.

Il n'est point vrai que la Russie doive
perdre sa considération, en renonçant
au rôle d'agresseur. De longues et
couteuses guerres lui ont procuré d'ex=
cellentes frontières, de vastes et fer=
tiles territoires. Le moment est venu
d'en tirer parti. C'est en tournant
tous ses efforts de ce coté, qu'elle donera
à sa puissance, la solidité et l'Aplomb
qui lui manquent, quelle développera,
en un mot, tous ses moyens.

L'Autriche, la Prusse et l'Angleterre
ont assurément des vues très opposées. 
Celle ci ne veut pas que la Russie se
soustraye à l'influence de son génie
mercantile, et les 2 premières sont intê=
ressées à ce que le Géant qui les touche,
aît toujours assez d'embarras chez lui
pour ne pas s'occuper de leurs affaires,
pour ne pas contrarier le développement
de leurs vues ambitieuses. Mais, toutes
suiv deux suivent, pour leur propre comp=
te, d'autres maximes: toutes deux s'oc=
cupent avec urgence, des moyens d'a=
malgamer avec leurs anciens domaines,
ceux qu'elles ont nouvellement acquis; et
elles ont pour instrumens, abondance
d'homes capabales.

Toutes 3 feront leurs efforts, et les font
peutre dêja, pour vous entrainer dans
leurs querelles particulières, et vous devez
compter qu'elles n'omettront rien pour
y parvenir, par tous les moyens.

Demeurez inébranlable, Sire, Ecou=
ter les de sang froid. Faites les observer
avec soin, par vos agens, en interdisant
toutefois sévêrement à ceux ci, de se
mêler d'intrigues; et, sans vous expliquer,
demeurez en mesure de pouvoir agir
d'une manière décisive et promte, pour
le soutien de vos droits, et la conservation
de votre prépondérance.

J'ai, Sire, de bonnes raisons pour in=
sister sur ce qui précêde. L'Empereur
de Russie se doit, en premier, à sa nation,
et quiconque essaye de le détourner de
ses travaux, ne peut être son ami.

La république francoise paroit appe=
lée à entrer avec la Russie, dans des
rélations plus intimes. De la réussite
de cette mesure, peut dépendre la

<212> prospérité de 2 peuples, et le sort de
l'humanité en Europe.

Les avantages que je vois à une telle
union me la font desirer vivement;
et ce seroit pour moi, un beau jour,
celui où je verrois les Gouvernans des
2 pays; marchant d'accord d'après des
bases convenues, couvrir de leur bouclier
les institutions protectrices des vrayes
lumières et de la liberté civile, ainsi
que les homes qui se dévouent pour éclai=
rer et servir leurs semblables
. 

Quelque vif que soit ce desir, je me
garderai néenmoins, Sire, de vous
conseiller d'ultérieures avances.

Après tout ce que vous avez fait, vôtre
rôle est d'attendre sans humeur, come
sans empressement, et si le Gouverne=
ment françois peut enfin se résoudre
à être sage et sincêre, vous n'aurrez
pas à attendre bien longtems.

Préfêre t-il une marche tortueu=
sement ambitieuse? Alors il se
montre peu digne de l'honeur auquel
la Destinée l'appeloit; et V. M. I. le
peut, en le laissant aux prises avec les
ennemis qu'il se fera, et qu'il aurra
mérité, réserver exclusivement ses
moyens et ses ressources pour son
Empire, sans que personne puisse y
mettre obstacle.

L'impartiale postérité rendra à cha=
cun ce qui lui appartient, et ne
vous reprochera pas d'avoir refusé
votre concours à des mesures qui
pouvoient avoir des résultats si grands
et si salutaires pour l'Europe entière

Conformément à ces réfléxions je croi=
rois donc que V. M. I devroit placer
à Paris, un Ministre investi de toute
sa confiance, ayant de la dignité
sans morgue, doué de quelques agré=
mens personels, actif et bon obser=
vateur, que vous instruiriez vous
même, Sire, du but de sa mission
et auquel vous doneriez pour instruction,
1°) de maintenir sa dignité, tout en
se rendant agréable à la nation
près de laquelle il réside.

2°) de vous rendre un Compte circons=
tancié bien appuyé de faits, des
opérations administratives et poli=
tiques du gouvernement.

<213> 3°) d'écouter les personnes de bonne répu=
tation, dans chaque parti, mais d'évi=
ter les intrigans, d'interdire à ses
subalternes la fréquentation des persones
suspectes, et de ne participer à aucunes
menées ténébreuses dirigées contre le
Gouvernement.

4°) de manifester, en un mot, beaucoup
de dispositions amicales, mais en même
tems, une impartialité calme qui fasse
comprendre au Gouvernement, que la Russie
peut se passer de lui, et lui inspire du
respect pour une puissance, dont les mi=
nistres se conduisent d'une maniére aussi
éxemplaire.

Le choix d'un tel ministre n'est sans doute
pas facile, mais l'home qui en sera digne
peut être trouvé, et tout ira bien, si
V. M. I. se charge de l'instruire elle même,
et met de l'importance à cette instruction
qui doit être confïdentielle 

Quant à ma pauvre patrie, il me seroit
impossible de conseiller à V. M. I. de recon=
noitre, soit son Gouvernement actuel, soit
tout autre qui ne porteroit pas des carac=
têres plus recomandables. Sa recon=
noissance par la France, l'Autriche, la Prusse,
l'Angleterre et l'Empire, doit précéder
celle de la Russie.

Le cas seroit différent, si par un accord
établi entre les Gouvernemens russe et
françois, une Constitution digne de ce nom,
acceptée par le peuple, remplaçoit l'a=
narchie et le provisoire d'aujourdui.

Les démarches confidentielles faittes
par V. M. I dans ce but, n'ayant pas eu
de succès, il seroit contre sa dignité de
les renouveller, ou de les rendre officielles.

Les réclamations des partis opposés,
dans les circonstances présentes, ne sont pas
de nature, Sire, à devoir vous engager
davantage, surtout lorsque d'autres
qui sont plus intêressez, se taisent; et,
quoique le Directoire helvétique, m'ait
donné le 7e Janvier 1800, un Pleinpou=
voir, pour solliciter les bons offices des
puissances prépondérantes, celà ne me
fera point changer d'avis. 

Ce seroit autre chose, si ma nation
étoit en mesure, de faire aumoins quelque
effort pour mériter, qu'on intervienne
en sa faveur, sans courir le risque de

<214> se compromettre.

Grâce à la couardise, à la perfidie, et
aux vues courtes des homes qui entravè=
rent le Directoire, et qui lui ont succédé,
la nation est tombée dans une apathie
telle que les trompettes du jugement
dernier ne la réveilleroient pas.

L'excès de l'infortune pourroit seul
amener une crise; mais quel Hevétien
ôseroit la desirer? Ce n'est pas le
tout que d'avoir du fer et le courage
de s'en servir; pour en tirer parti,
il faudroit, un Manlius Torquatus
ou un Camille, et je n'en connois point.

Conservez nous, Sire votre bienveil=
lance, pour le moment où nous en
serons plus dignes; c'est tout ce que
nous avons le droit de demander à
Alexandre 1er; c'est plus que nous n'a=
vons le droit d'espérer de l'Empereur
de Russie.

Je termine ici ce long Mémoire dont vôtre
amitié excusera les détails et les redittes,
en faveur du motïf.

A la veille de vous quiter je succombe
à la tentation de jaser encore. Si vous
jettez quelques fois les yeux sur son Conte=
nu, il vous rappélera les textes de nos
précédentes conversatïons, dont le Souvenir
ne s'effacera jamais de ma mémoire.

Je continuerai, Sire, à m'occuper, dans
ma retraite de tout ce que je croirai pou=
voir seconder vos travaux.

Peutre serai-je assez heureux pour
recueillir, de tems en tems, quelques Don=
nées utiles, et vous les recevrez sans doute,
come des preuves de mon dévouement.

Avare de votre tems je tacherai d'ê=
tre bref, et quoique ma seule consola=
tion, après vous avoir quité, fut de
vous écrire, je n'userai de ce privilêge,
que pour vous comuniquer, ce qui
m'aurra paru intéressant; mais nulle
de mes journées ne s'écoulera, sans
faire des voeux pour la réussite de
vos travaux, sans participer de coeur
et d'âme, aux jouïssances pures que vous
gouterez, à titre de véritable fondateur
de la civilisation de la Russie.

St Petersbourg 7e Avril 1802

La H.

 

<215> Le Mémoire qu'on vient de lire
fut transmis le 8e Avril avec la lettre
suivante:

 

Sire

Le Mémoire que j'ai l'honeur d'adresser
à V. M. I., est une récapitulation des
objets principaux de nos conversations,
sur laquelle je la prie de jetter en=
core une fois les yeux

Comptant partir dans la semaine qui
suivra les fêtes de Paques, j'ai desiré
Sire, vous entretenir un peu à l'avance
des objets suivans

1° Le général Klinger vous indique=
ra, Sire, un Correspondant allemand
dont il répond, et qui pourra fournir
sur la Statistique allemande, des
Données précieuses dans ces conjonctures. 

J'ai écrit rélativement à la Bibliotheque
de Mr Ochs et ordonné de la payer. Dès=
que j'aurai la nouvelle qu'elle est en
route, j'aurai l'honeur de vous en prévenir

2° Si vous ne trouvez aucun inconvé=
nient, Sire, à ce que je continue à avoir
l'honeur de vous adresser, de tems en tems,
quelques lettres, par quel canal desirez
vous que je les fasse passer, une fois qu'elles
seront arrivées à St Petersbourg où elles
parviendront surement, sous un format
peu volumineux?

Je ne les confierai, ni à vos agens diplo=
matiques, ni à vos Couriers, à moins qu'ils
n'ayant des ordres exprès de votre part, pour
les recevoir. Elles seront toutes numérotées.

3° Je ne vous écrirai, Sire, que lorsque j'aurai
quelque chose d'essentiel ou d'intéressant à vous
mander; et à moins d'une extrême urgence,
mes lettres ne toucheront, ni à la Politique,
ni à la Diplomatie du jour. 

Enconséquence j'éviterai aussi soigneuse=
ment la Légation russe, que j'ai évité la
Diplomatie étrangère à St Petersbourg.

La prudence m'en fait une loy, sous un Gouver=
nement soupçoneux, qui me fera certainement
surveiller, à mon retour.

5° Je rechercherai tous ceux qui pourront
me fournir des Données sur les grands objets
administratifs dont vous êtes occupé; et
s'ils me comuniquent quelque chose qui en
vaille la peine, vous en serez de suite, instruit,
et vous conoitrez les auteurs, afin de
pouvoir rendre à chacun ce qui lui ap=
partient.

6° J'irai remercier le Ministre Fouché, pour
le passeport qu'il me donna, en partant. Il
ne seroit pas impossible quon essayât encore
de me conduire chez son Principal. Si l'on
insiste, j'irai, parce qu'il seroit peu sage
de choquer les 1ers magistrats d'un pays que
j'habite. Mais, mon inclination me porte

<216> à demeurer éloigné, et je ferai mon
possible pour en être dispensé.

Dans tous les cas, m'autorisez vous,
Sire!, à vous parler de vos dispositions à
entrer dans des rélations plus intimes?
Il va s'en dire, qu'il ne s'agit ici, que
de généralités.

Si vous préférez que je garde le si=
lence, comptez, Sire, qu'il sera gardé.

Je regretterois que le 1er Consul re=
nonçât décidément au rôle de Timo=
léon
, par lequel seul il se rappro=
choit de V. M. I.

Je l'avouerai avec franchise, la plus
pure de mes jouïssances eût été de
contribuer à faire naitre des rapports
intimes entre 2 homes d'âges rappro=
chés, dont l'union influeroit puissam=
ment sur la destinée de l'humanité,
sur le progrès des lumières et sur le
sort de la Liberté.

En voyant s'évanouïr cet espoir,
il m'es impossible, Sire, de n'en être pas
douloureusement affecté.

Si les circonstances devenoient telles,
que l'obscur jardinier du Plessis-pi=
quet pût servir à vous rappro=
cher, par celà même qu'il ne seroit
qu'un simple citoyen, comptez, Sire,
sur mon zêle; mais, en attendant,
il ne faut pas que la sincêrité, et les
avances, soyent toutes d'un côté. 

7° Si quelque chose me paroissoit
trop important, pour être confié
aux Postes, ou si ma présence mo=
mentanée pouvoit vous être utile, je
partirois de suite; mais pour n'être
pas exposé à des difficultés pour le
passeport, je vous prierois (si la
chose vous paroit praticable) de
m'en doner un pour un tems illimité,
dont je ne ferois usage que dans ces
occasions. Il ne seroit pas même
nécessaire, Sire, que d'autres que Vous
en fussent instruits. Je n'en deman=
derai pas moins à Mr le Vice-Chan=
celier, celui dont j'aurai besoin pour
partir.

8°) Trop de gens sont ligués partout con=
tre l'home qui ne veut que le Bien,
pour que j'échappe à leurs mauvais
propos. Ma présence les a conte=
nus; mon éloignement leur rendra
la parole; ils se donneront carrière.

<217> Si V. M. I. avoit jamais quelques
doutes (eh! que n'ôse t-on pas, lorsqu'on
ne craint pas d'être démenti?), j'ôse
espérer que son amitié, l'engagera à m'en
faire part . 700 lieues seroient alors
bientôt franchies, s'il le falloit, pour
aller dissiper tous les nuages. C'est à
une place dans votre coeur que je prétens;
elle est nécessaire au bonheur de ma vie.
Si vous ne me témoignez rien, je garde=
rai le silence, persuadé que vous aur=
rez tout apprécié.

9° En attendant que des loix connues et
des tribunaux mieux organisés protê=
gent efficacément les citoyens obscurs,
je prens la liberté de recomander à
V. M. I. les personnes suivantes:

a) la famille de ma feme et en particu=
lier sont chef actuël Nicolas Böhtlingk
négotiant probe et honnête.

b) mon beaufrère Emanuel Iakowitsch
Staneke
, Inspecteur des Douanes à
Liebau, qui, chargé de l'organisation
des Douanes de la Courlande, s'en
acquitte à la satisfaction du Gouver=
nement, mais ne reçut aucun témoi=
gnage à ce sujet, parceque le Prince
Zoubof et Mr de Pahlen se brouillé=
rent lorsque l'Impératrice mourrut.
C'est un brave home fait surtout pour
cette province

c) le Docteur Merz mon autre beaufrère.
Si V. M. I. a jamais besoin d'un Médecin
point charlatan, sans esprit d'intrigue,
dont la physionomie inspire la con=
fiance, et qui ne soit, ni françois,
ni anglois, j'ôse le lui recomander.
Je crois en lui, moi qui ne crois guêres
à la Médecine.

d) Mademoiselle Mazelet, que je fis
venir jadis de la Suisse, sur l'ordre
exprès de Votre auguste ayeule, pour
la placer auprès de S. A. I. Madame
la Grande Duchesse Marie

e) enfin l'honnête Pélissier, comandé
aujourdui par tous ceux qui avoient
été sous ses ordres, et particuliére=
ment en bute au ressentiment de
Mr Mordvinof, tant come Gendre
de l'Amiral Ballay, que parce qu'il
est soupconné d'avoir fourni les
Données qui ont révélé les oeuvres
des adversaires du Dept des forêts. 
Il est pauvre et honnête.

Décidé à demeurer simple cultivateur
au Plessis-piquet, je le suis encore plus
à ne prendre aucune part aux affaires
publiques. Mes compatriotes sont trop
incapables, et j'ai été trop mal traité
par eux, pour que cela ne me serve pas
de lecon, même aujourdui, qu'ils confessent
leurs torts. Je n'excepte que le seul

<218> cas où ils aurroient enfin assez d'é=
nergie, pour n'en appeler qu'à leur
épée. Alors j'irai remplir mon
devoir au milieu d'eux, mais ce ne sera
pas pour une échaffourée. Il
faut préalablement que j'entrevoye des
moyens et la possibilité de réussir; or, tout
cela étant dans le vague ou fort improba=
ble, j'attendrai tranquillement, en m'oc=
cupant dans l'intervalle, bientôt de mon
jardin et bientôt de recheches pour
V. M. I.

Enfin, Sire, je viens vous présenter les
2 vues du Plessis-piquet que vous
avez bien voulu agréer. Il a été, et il
sera fréquement question de vous, dans
mes allées et mes bosquets, au milieu
du cercle borné de mes conoissances inti=
mes, et il me sera bien doux de penser
que ces vues vous rappéleront quelques
fois, celui qui parcourt ces lieux, la
bêche à la main, pensant à vous, faisant
des voeux pour vous et regrettant de ne
pouvoir, au moins chaque semaine, se
transporter pour quelques instans, auprès
de vous.

Si j'avois eu plus de forces et de santé,
je les aurois volontiers employées à
vous seconder ici, mais les coups de
l'adversité n'ont respecté que mon
coeur et mon courage; et pour être
en état de faire encore quelque chose,
il faut que je reprenne ma vie reti=
rée et mes occupations champêtres.

Mon intention est de suivre la route
la plus droite, en passant par Dresde.
Si j'ai le tems je repasserai par
Amsterdam, sinon je me dirigerai sur
Francfort et Mayence. Puis-je
vous être utile Sire en suivant une autre
route? Vous êtes bien sur du plaisir
que j'aurois à le faire; j'attendrai là
dessus vos ordres.

 

Ce fut après avoir lu ce Mémoire
et cette lettre, et à la suite de ces
Entretiens du soir dans lesquels plu=
sieurs des Sujets qui nous avoient
occupé, étoient rappelés et discutés
de nouveau, qu'Alexandre 1er m'an=
noncât qu'il avoit résolu de propo=
ser par mon entremise, au 1er Con=
sul, de s'entendre avec lui, sur les
<219> moyens d'assurer à l'Europe une
paix durable, et à ses Gouvernans
toute la sécurité dont ils avoient besoin
pour s'occuper avec maturité de la
recherche des abus qui mécontentoient
leurs peuples, et des reformes qui de=
voient les réconcilier avec eux. Peu
de jours après, cet excellent prince
m'apporta la lettre qu'il avoit rédi=
gée dans ce sens, il m'en fit la
lecture, la cacheta sur mon bureau
et me la remit. Je regrette de ne
pouvoir la consigner ici; elle aur=
roit fourni une preuve nouvelle des
sentimens admirables qui l'animoient.
Je m'y trouvois désigné nominativement
come un Intermédiaire confidentiel revêtu de sa plus
entière confiance: honeur inestimable
que je ne voulus toute fois accepter
qu'à la condition expresse, de remettre
ou de garder le Dépôt qui m'étoit con=
fié, selon que la 1 mot biffure conduite
du 1er Consul me feroit juger de ses
dispositions, ne voulant point
exposer l'Empereur à se com être com=
promis, par une démarche qui ne
seroit point convenablement accueil=
lie. Cette condition ayant été ad=
mise, je conservai ce Dépot, et Celui
auquel il devoit être remis, ayant
manifesté bientôt après, une Tendan=
ce qui rendoit sa remise impossible,
il demeura cacheté entre mes mains
jusques au 6/18 Décembre 1831, je
époque à laquelle j'eus l'honeur de le
transmettre à S. M. l'Empereur Nicolas,
auquel seul appartenoit le droit
de rompre le Cachet, et de connoitre
le Secret qu'il protêgeoit.

Dans le nombre des Sujets variés de nos Con=
versations, j'eus plusieurs fois il se
présenta des occasions, d'avertir l'Empe=
reur des menées qui avoient pour but
d'entrainer lsa Philantropie, dans des
routes dangereuses. Dans ces cas là je
1 2 mots biffure lui adressois mes observations par
écrit. C'est ce que je fis en ces termes, le
3e Janvier 1802

 

Sire

Sans vouloir donner pleine créance aux
bruits dont on m'a fait part hier au soir, il
m'est impossible de les taire à V. M. I.
Il en résulte pour moi

1° qu'il y a force ambitieux et intrigans
aux aguêts pour mettre à profit vos fautes,
et vos foibles.

<220> 2° que ceux qui s'étoient flattés de vous
régenter, humiliés d'avoir échoué, sont
mécontens, et voudroient par leur clabaudage,
mettre le public de leur côté. 

3° que parmi ces ambitieux individus, il
éxiste des ambitieux incorrigibles, des Ecervelés
des têtes chaudes que l'impunité a enhardi,
et qui sont peu scrupuleux sur les moyens.

4° que le grand but vers lequel tendent les
uns et les autres, quoique par des routes
diverses, est de semer la mésintelligence
dans la famille impériale. Il s'agit,
en un mot, de faire cesser l'accord subsis=
tant jusqu'ici, de mettre en jeu l'amour
propre, et de vous dominer tous.

Les bruits ci-dessus doivent être connus de
V. M. I., si les homes auxquels est confiée
la Police suprême, ont fait leur devoir.

La Police d'une grande Capitale, est très
importante, dans un pays tel que le
vôtre, surtout après ce qui est arrivé, et
dans un moment où les négociations poli=
tiques plus actives que jamais, engendrent
la corruption et provoquent l'intrigue sur
tous les points.

Il ne suffit pas aux gens de bien, Sire,
que vous soyez sans crainte, il leur faut
la conviction que la méchanceté est dans
l'impossibilité de se mouvoir. Il faut que
Votre Police soit active sans être soupçon=
neuse ou tourmentante; il faut qu'elle
se fasse respecter et obéïr par sa vigi=
lance infatigable: il faut surtout qu'elle
soit confiée à des homes purs et incorrup=
tibles sur qui vous puissiez compter à
toute heure pour maintenir la tran=
quillité publique. La Police de vos
2 Capitales repôse t-elle en de pareilles
mains? On prétend que ce n'est pas
aumoins le cas pour celle de votre Rési=
dence.

Si vous n'y prenez garde, Sire, les intri=
gues vous enlaceront si bien, que vous
n'aurrez plus de tems pour remplir les
devoirs de votre place.

Votre affabilité et votre indulgence ont
enhardi ceux que Catherine IIde tenoit
dans une attitude respectueuse, ceux qui
rampoient sous son successeur.

Les homes élevés dans la Servitude n'estiment
pas les égards; les nuances sont nulles pour
eux; ils ne connoissent que les 2 extrêmes,
la bassesse et l'insolence qui rendent égale=
ment capables de tout.

Opposez, Sire, une digue à ce torrent; et
que désormais nul n'oublie, dans ses
discours, ses gestes, son attitude et son
accoutrement  qu'il est en présence

<221> du Chef de l'Etat.  Il vous sera
facile de tracer la ligne qu'on ne doit pas
dépasser.

Tenir portes et fenêtre ouvertes à la
Vérité, se concilie fort bien avec la dignité,
et je dirai avec le maintien sévêre de vôtre
poste. Périclès à Athênes, Côme et
Laurent de Médicis à Florence, gouver=
nèrent avec fermeté et succès des républi=
cains à qui l'urbanité, des moeurs et le
sentiment de l'égalité, devoient donner des
accès de familiarité souvent incomodes,
et néenmoins leurs contemporains furent
les premiers à rendre homage à la
dignité imposante dont ils s'étoient
entourrés. Je vous en conjure donc,
Sire, maintenez la subordination sans
acception des personnes. Elle est indispensable
pour effectuer le Bien que vous projettez,
et contre lequel on conjure sous main.
Avec de la fermeté, et s'il le faut, avec
une sévérité toujours basée sur la justice,
vous triompherez de tous les obstacles et
de toutes les intrigues.

En repassant ce qui précède, je me
demande enfin, ce ce qu'il y aurroit à faire

1° Les Clabaudage des homes âgés constitués
en dignité et celui de leurs Cliens prendront
fin, dès que Vous, Sire et votre auguste
épouse, verrez un peu les plus notables.
Invitez les de tems en tems à votre table,
et engagez S. M. l'Impératrice à les
inviter chez elle, une ou 2 fois par semaine
pour avoir l'occasion de causer avec eux.
Touchez de vos égards, ils cesseront de répéter
avec douleur que l'Empereur et l'Impératrice
leur préfêrent la jeunesse.

Ces cercles domestiques qui pourroient être
facilement égayés, aurront dailleurs d'au=
tres avantages, qu'il seroit superflu de
développer.

2° Tenir en respect vos Subordonnés, Mi=
nistres, ou autres et motiver désormais
leur renvoi, afin de prouver que le
caprice n'y avoit point eu de part. 
Ne donner à l'imoralité, ni places
même insignifiantes, ni récompenses.
Les unes et les autres appartienent à la
probité et au mérite. Les fripons sont
inconvertissables par les bienfaits.

<222> 4° Repousser les indiscrets et les curieux,
par un maintien qui les décourage; en les
mettant à leur place.

Votre jeunesse ne donne pas même aux
barbes grises, le droit d'être curieux. Empereur,
soyez debout.

5° Mettre sur un meilleur pied, la police
de vos capitales, en confier provisoirement
la direction à des homes surs, actifs
éprouvés que vous chargerez de faire un
travail sur les moyens d'activer cette partie
du service public
, en la simplifiant.

6° Eloigner d'ici les Intrigans qui vous
sont connus par leurs oeuvres et leur astuce
astuce. Qu'ils apprennent que leur rêgne
n'est plus.

En les voyant rôder ici, leurs Cliens leur
croyent encore du crédit, et ne servent
leurs successeurs qu'à demi. Il m'est
même impossible de ne pas revenir encore
sur la nécessité et l'extrême convenan=
ce d'éloigner de votre personne, ceux qui
ont voulu vous compromettre pour se
sauver. L'ambition démésurée de ces
homes ne s'accomodent pas du rôle qu'ils
jouent.

Il est infiniment fâcheux Sire! qu'on
ne vous aît point fait connoitre dans le
tems, le mauvais effet que devoit pro=
duire, leur placement dans votre Con=
seil et autour de votre personne. 

Sire! Je crois qu'il est de mon devoir
de vous représenter, qu'il seroit à desirer
que ces Mrs allassent promener ailleurs
leur mécontentement et leurs prétentions;
ils apprendroient ce qu'on en pense,
et reviendroient plus modestes.

7° Enfin, Sire, persuadé qu'on vou=
droit mettre la désunion dans vôtre
famille, je ne sçaurois vous répéter
assez fortement; que pour déjouer
surement ces abominables complots,
il faut vous expliquer mutuellement,
en famille, tout de suite, loyalement,
franchement
, sans admettre des Confi=
dens en tiers
.

Demeurez seul Empereur sans doute.
Tenez la main à ce que vos affaires ne
soyez comuniquées à qui que ce soit,
sans vos ordres; ce sont celles de l'Etat,
et vous en êtes responsable

Mais qu'Alexandre 1er soit le modêle
des bons maris, le modêle des fils respec=
tueux, le modêle des frères tendres,
come il doit t'être celui des homes,
portant une couronne. Tout cela est

<223> en votre pouvoir, Sire!: c'est à vous
qu'il appartient de donner le bon
éxemple de l'union intime dans les
familles, bâse de la prospérité des Etats.
Ne souffrez pas qu'on y porte atteinte.
Voilà, Sire, une bien longue lettre,
mais le Contenu m'a rempli d'inquiétude.

 

On a vu que dans les entretiens particu=
liers dont m'honoroit l'Empereur, des
objets d'une haute importance étoient
discutés, et que les observations résul=
tantes de 1 mot biffure ces discussions, étoient
souvent réunies, étoient présentées à
ce Monarque sous la forme de lettres
et de Mémoires, qui fournissoient la ma=
tière de discussons nouvelles. A la
veille d
La proximité de mon départ,
m'engageoit d et la crainte d'omettre
ce qui pouvoit encore être utile à rap=
peler, 1 2 mots biffure m'engagèrent à 1 mot biffure
4-5 mots biffurelettres profiter du
profiter peu des derniers jours qui prècèdèrent
notre séparation, pour lui adresser
les le 24 et 29 Avril 1802, 1 mot biffure
3 4 mots biffure je crois devoir transcrire
1 ligne biffure le conte=
nu intégral, ou que les fragmens
les plus important.

3 lettres contenant diverses observations, que
je crois devoir insérer, ici dans cet écrit, soit
dans leur int Contenu intégral, soit
dans quelques fragmens 1 mot biffure rélatifs
à des objets 1 mot biffure d'une importance
particulière

 

St Petersbourg 24 avril 1802
Sire!
Je prens la liberté d'adresser encore à V. M. I.
quelques observations sur des objets divers.

I

L'Empereur jugeant à propos de promulguer
l'
Oukase rélatif à la création des Minis=
têres, et de nomer en même tems les
Ministres et leurs Lieutenans, il fau=
droit 3 choses:

a) désigner l'époque fixe à la quelle
le nouveau mode d'Administration
sera en vigueur.

b) ordonner aux ministres désignés
de former de suite, un bureau le=
quel devra recueillir les rapports et
renseignemens rélatifs à l'administra=
tion actuëlle des branches assignées
à leurs Ministêres 1 mot biffure, classer ces
rapports, et préparer les matériaux pour
la nouvelle organisation rêglementaire

<224> doit porter principalement sur le mécanisme
de l'administration, de manière à le rendre
plus simple, plus actif et moins coûteux.

2

La nouvelle organisation rêglementaire
doit influer sur la forme des Régistres publics.
Il les faut moins nombreux et moins verbeux,
afin qu'on puisse les parcourir et consulter au
besoin, sans courir le risque de s'y perdre. 
Il ne sera pas moins essentiel de rédiger
des formulaires pour les affaires courantes,
et de les faire imprimer, afin de diminuer le
nombre des Employés et de réduire les travaux
inutiles.

Les récépissés d'ordres, de dépêches, les lettres d'avis
ou de simple comunication, les quitances etc. etc.
appartiennent à cette classe de papiers

S'il ne faut négliger aucunes précautions,
il ne faut pas non plus les multiplier, et
surtout, il importe de ne pas ajouter une
syllabe de trop, là où l'on a tant à faire.
Le laconisme déconcerte les fripons.

3

En attendant la rédaction d'un Code de loix, il
seroit bon d'établir la responsabilité des
Employés supérieurs
, sur des bases telles, qu'
qu'eux et le Public vissent enfin clairement,
que cette responsabilité n'est plus un vain nom.
Pour conserver sa dignité intacte et inspirer
une terreur salutaire aux méchans, l'Empereur
n'a qu'à montrer une impartialité bien cal=
me, mais très sévêre: il ne lui faut que le
courage de la persévérance. 

La conduite à tenir à l'égard d'un Em=
ployé supérieur admet des nuances diverses.
Ainsi l'Empereur peut, selon les circonstances conjonc=
tures
, lui adresser, soit une éxhortation, soit
une reprimande, et finalement le destituer.

Existe t-il des reproches graves à faire à
cet Employé? L'Empereur doit alors
faire éxaminer sa conduite, puisqu'il en
répond auprès de son peuple.

En conséquence de ces principes, l'Empereur
charge des Tiers non intéressez de vérifier
les faits; et come il s'agit d'objets rélatifs
à l'administraiton générale, qui ne peuvent
être bien appréciés que par des hommes ini=
tiés aux Secrêts de celle ci, il est indispen=
sable que ces Vérificateurs de faits, soyent
des homes d'état, pris, ou dans le Conseil,
ou ailleurs.

Leur travail étant présenté à l'Empereur,
il a 2 questions à se faire:

1° l'Inculpé at-il des torts?

2° Ces torts sont-ils de nature à éxi=
ger une Enquête publique?

<225> Si la réponse est affirmative, l'In=
culpé cesse, pour ainsi dire, d'être sous
la main de l'Empereur, et passe en vertu
de l'ordre qui le met en jugement, sous
la domination de la justice, sur laquelle
l'autorité impériale ne doit plus éxercer
qu'une simple surveillance.

Enfin la Justice ayant rempli sa tâche
l'Empereur est appelé à éxercer le
plus beau de ses droits, celui d'atténuer
la rigueur des loix et d'écouter la voix
de la clémence.

Les idées ont été tellement confondues
qu'il devient nécessaire d'établir quel=
que chose de positif. Le projet d'Instruc=
tion ou d'ordonance ci joint. 
développe ma manière à cet égard.

4

Avoir des entretiens aves les Gouverneurs
ou Employés supérieurs arrivant des
provinces, ou s'y rendant, est très néces=
saires pour conoitre celles ci.

l'Empereur obtiendra par là d'utiles
renseignemens qui lui échapperont, s'il
ne les provoque pas par des questions précises.
On m'a dit que certains Gouverneurs
n'avoient attendu que d'être questioné
de la sorte, pour faire connoitre divers
abus.

Les ministres seront sans doute les ca=
naux ordinaires; mais l'Empereur
peut et doit avoir à sa disposition,
toutes les grandes routes et même les
sentiers.

Nul n'a le droit de se formaliser qu'il en
use, pourvû qu'il ne prononce jamais
qu'après avoir entendu les 2 parties et
vérifié les Données reçues
. 

5

L'habitude de la négligence et de la
désobéïsssance est telle, que même les ordres
réïtérés de l'Empereur ne sont pas
respectés. D'où cela provient-il?
De ce qu'il n'éxiste point de marche
déterminée bien connue, de ce qu'il n'y
a, ni contrôle, ni responsabilité.

Il en seroit autrement, si toute inéxécu=
tion d'
inéxécution d'un ordre dans
un tems donné
, entrainoit, ou la desti=
tution, ou la mise en jugement.

Ce n'est pas sans être profondément
indigné, que je me rappèle cette affaire
de Zolotof, qu'on a fait trainer pen=
dant 4 mois, tandis qu'il n'en falloit
pas un pour la finir. 

Le Collège (de l'Amirauté) a été occupé
<226> plusieurs semaines a recueillir des
suffrages, ou plutôt on a travaillé
pendant tout ce tems, à empêcher
qu'ils ne fussent émis et recueillis, et, si
l'Empereur m'avoit manifesté le desir
de connoitre les résultats, il est bien
probable, que l'affaire eut été complet=
tement assoupie.Qui sçait même, si
l'on n'eût pas obtenu une indemnité
en faveur du protégé?

On a pour faire trainer les affaires
une ressource toute prette; c'est de faire
naitre des incidens. Ainsi, pour sauver
Mr Zolotof et le dispenser de se deffendre,
ses protecteurs aurroient voulu compro=
mettre le Département entier des forêts.

On m'a assuré que la fameuse affaire
de Kazan prenoit la même tournure,
et que pour détourner l'attention des
vrais coupables, on travailloit à com=
promettre tous ceux qui ont contribué
à la découverte du crime. 

A cela, quels remêdes? Les voici:

1° Ordonner que les prévenus soyent te=
nus de se deffendre sur ce qui les con=
cerne exclusivement, et jugés sur ce
qu'ils ont comis, sans aucun retard.

2° Interdire toute suspension de procé=
dure, sous le prétexte que d'autres aussi
seroient inculpés. 

3° déclarer que les Ministres, Chefs de Dépar=
temens, Gouverneurs et Juges qui suspen=
droient la marche des procédures entamées,
seront poursuivis eux mêmes, toute autre
affaire cessante, come complices des prévenus, en
faveur desquels ils aurroient agi de la sorte.
Quelques éxemples de séverité prouveront que
l'Empereur veut être obéï. Ils sont nécessaires
ces éxemples, s'ils reposent sur des faits vérifiés
et sur les loix. 

<227> 6

La Police, celle de la Capitale surtout, ne
doit pas être bruyante; il faut qu'elle soit
très active, mais très peu vue. Le Minis=
tre et le Préfet de police ne parcourrent
pas avec fracas, les rues de Paris. 

C'est dans leur Cabinet, et d'après les rappots
de leurs agens que ces fonctionaires combinent
leurs mesures.

Je desirerois beaucoup obtenir quelques ren=
seignemens sur le mécanisme de cette orga=
nisation.

Le Gouverneur militaire de la plce de St
Petersbourg
doit être un home sur l'incorrup=
tibilité duquel il n'y aît rien à dire.,
et de plus, un home de tête, pensant avec
noblesse, ayant de la dignité et infatigable.
Le choix d'un tel home est important, et
l'Empereur doit peser dans les balances de
sa Judiciaire ceux qu'on lui présentera,
et rejetter sans aucune considération, ceux
qui seront trouvés légers.

7.

Si la Censure a été abrogée, la Surveil=
lance du Gouvernement ne doit pourtant
pas cesser. Les libraires, les imprimeurs
et en genéral tous les colporteurs de livres,
ou d'estampes devroient être sérieusement
avertis, que s'ils répandent des ouvrages
qui outragent les bonnes moeurs et les loix,
ou fomentent l'insubordination, ils n'ont
à s'en prendre qu'à eux-mêmes, des peines
sévêres qu'ils encourront pas une telle conduite.

Cette admonestation devroit leur être
adressée par le Département de l'Instruction
publique

Le gouvernement apprend-il que ces homes
continuent à se livrer à des spéculations
coupables? Il les fera suivre en secret,
jusqu'au moment où ils pourront être
pris sur le fait. Il chargera alors le
Département de l'Instruction publique
de faire éxaminer au préalable, s'il y a
lieu à faire mettre en jugement les pré=
venus; auquel cas ce Département fera rediri=
ger l'acte d'accusation, qu'il adressera
au Tribunal compétent, en lui enjoignant
de les poursuivre, conformément aux loix.
Cette marche sévêre, mais impartiale,
en imposera plus que les mesures arbitrai=
res adoptées jusqu'ici trop légêrement
partout.

8

Quoiqu'il éxiste 2 universités dans le pays
 , il seroit bon d'envoyer dans les universités
ou académies étrangères (Göttingen Iena,

<228> Leipzig, Edimbourg, Glasgow, Stras=
bourg, Montpelier, Genêve etc. etc.) des
jeunes gens, pour y faire de bonnes
études et aspirer les connoissances des
autres peuples, dans les Sciences et les arts
utiles, surtout dans l'art d'enseigner et
dans les diverses branches de l'Economie
morale et politique. 

La Russie a le plus grand besoin de ces
recrues, dont elle pourra tirer un bien
grand parti, pour former des instru=
mens russes
. 

La dépense devroit sans doute être support=
tée par le Gouvernement; mais ce seroit
au Département de l'Instruction publique
à présenter le plan à suivre, pour qu'elle
ne soit pas faitte en vain. Jamais mesu=
re ne fut plus urgente, et jamais argent
ne seroit mieux employé.

9

Les travaux rélatifs à la réforme de
l'ordre judiciaire, ne pourroient-ils
pas être par les simples particuliers russes
qui aiment leur patrie, et voudroient
la servir?

Il ne s'agiroit, il me semble, que d'indi=
quer par des Circulaires insérées dans les
feuilles publiques, les matières sur les=
quelles la Comission législative desire
des renseignemens, et d'inviter les bons
citoyens à lui faire parvenir leurs ré=
fléxions, sans perdre de vue, les circons=
tances actuëlles de leur patrie.

Il vaudroit au moins la peine de pro=
voquer le patriotisme, de lui doner
l'éveil. Celà ne peut faire du mal, et
j'aime à le croire; il se trouvera des
homes qui ôseront servir leur patrie, en
voyant sur le trone un monarque pa=
triote.

10

Il seroit à propos de faire jouïr les ha=
bitans de la capitale, et les voyageurs
tant indigênes qu'étrangers, des gale=
ries de tableaux, des bibliothêques pu=
bliques et des dépôts d'objets rélatifs
aux sciences et aux arts. 2 jours par
semaine ne seroient pas trop.

En annonçant par les feuilles publi=
ques, les jours et les heures pour chaque
saison, on dispenseroit les citoyens de
courir longtems pour obtenir qu'on ac=
corde il est vrai, mais qui cessent d'avoir

<229> d'avoir un prix, lorsqu'ils ont été achetés
par des Courses multipliées.

Des catalogues raisonnés des tableaux de
l'Hermitage, distribués à un prix modique,
répandroient le gout des Beaux-Arts, parmi
la classe qui ne les conoit pas.

Il faudroit enfin permettre aux Artis=
tes de copier les objets des arts, pendant
2 ou 3 jours de la Semaine, pour leur pro=
pre compte. 

La protection des B. arts, est un devoir
rigoureux des Gouvernemens; à plus forte
raison de celui d'un grand pays, qui en a
plus fréquement besoin.

Les B. arts tiennent trops d'ailleurs à toutes
les connoissances utiles pour ne pas influer
puissament sur leur propagation. 

 

La proximité de mon Départ rendoit nécessai=
re la fixation dun mode de 1 mot biffure
quoiqu
comunication qui fut à l'abri de
suppressions que pourroient se permettre
soit les bureaux de postes, soit 1 mot biffure d'au=
tres personnes intéressées à connoitre ce
qu'une correspondance régulière entre un
grand monarque et son ancien instituteur pou=
voit contenir fin de la ligne
Il étoit question de déjouer la curiosité
ou la malveillance, tant à St Petersbourg,
que dans le lieu de ma résidence, soit en
convenant 1 mot biffure de la forme des lettres d'une forme
des lettres qui
d'une dimension dans le format
des lettres et d'adresses qui n'excitassent point
cette 1 mot biffure curiosité, soit en rédigeant un
chiffre pour ce qui pour protéger les com=
munications plus intimes. Il pouvoit même
1 mot biffure arriver qu'il fut à propos, que j'en
trepris brusquement de faire les voyage
de St-Petersbourg, et que les diplomates russes
fissent des difficultés de la même espêce, que sous
le Comte de Panin, pour mon passeport

être nécessaire 1 mot biffure que tant se fusse obligé de ma transporter
à l'improviste auprès de l'Empereur, un Passe=
port me fut délivré d'avanie, afin que
de n'être pas obligé de le solliciter auprès
des 1 mot biffure Diplomates étrangers russes stationnés
dans l'étranger. Je m'occupai de ces mesures de
précautions, dont je 1 mot biffure présentai le tableau à l'Em=
pereur dans une lettre du 24e avril,. qu'Il 1 mot biffure les
adopta, et 1 mot biffure leur stricte observation a
assuré la transmission de notre correspon=
dance intacte jusques à l'année 1825.

1 ligne biffure

Etendue
intégrale
Citer comme
La Harpe, Frédéric-César de, Mémoires. Suite de la cinquième période, 1801-1802 (Cahier J), Lausanne, [1837], cote BCUL, IS 1918, Ba 9. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1124/, version du 30.01.2024.
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