Transcription

Société du comte de la Lippe, « Assemblée XXIII. De l'utilité de la religion pour un prince », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 27 avril 1743, vol. 1, p. 255-263

XXIII Assemblée.

Du 27e Avril 1743. Présens Messieurs Seigneux Bourgue=
maistre, Seigneux Boursier, Seigneux Assesseur, D’Apples Professeur,
Baron DeCaussade, DeCheseaux fils.

Discours de Monsieur le Comte.Messieurs. Vous vous exerçates Samedi dernier à prou=
ver que l’homme est né pour la Société, et à établir les régles
qu’il doit suivre pour faire que la Société tourne à son avantage.

Vous m’avez prouvé que Dieu a destiné l’homme à vivrea Mr le Recteur Polier.
en Société, par plusieurs raisons. 1° Parceque l’homme ni
dans son enfance, ni dans tout le reste de sa vie ne pourroit
pas se procurer seul les choses dont il a besoin.

Parceque Dieu lui a donné un penchant très fort pour
rechercher la Société des autres hommes.

3° Parce qu’il ne pourroit pas tout seul aquerir les connois=
sances qui lui sont nécessaires; il a besoin pour cela du secours
d’autrui.

Enfin vous avez fait voir que le don de la parole que Dieu a
accordé à l’homme lui seroit inutile, s’il ne devoit pas commer=
cer et vivre avec ses semblables. De tout cela vous avez conclu
que Dieu vouloit que l’homme vécût en Société avec les autres
hommes; et vous m’avez bien fait comprendre que le dessein de
Dieu étoit en cela de rendre l’homme heureux.

Vous m’avez ensuitte appris ce que l’homme doit faire
pour parvenir à ce bonheur.

C’est 1° d’avoir toujours pour but non seulement son propre
avantage, mais aussi celui des autres, et celui de toute la Société
Civile et Chrétienne.

2° Que les avantages que l’on s’y procure réciproquement
soïent des avantages réels, et qui tendent au bonheur les uns
des autres.

3° Que nos Facultés y soient perfectionnées de manière que
la félicité de chacun en puisse être augmentée.

Enfin que les moïens que l’on emploïe pour cela soient tous
honnêtes et légitimes.

Vous m’avez prouvé que l’homme est fait pour la Sociétéà Mr DeCheseaux le fils.
par ces deux raisons. L’une c’est qu’il y trouve son bonheur, et l’autre,
/p. 256/ c’est que la Société met toutes ses passions en jeu. Que pour conserver
la Société, et pour y trouver son bonheur continuellement, il faut cher=
cher à lui être utile, plutôt qu’à en retirer de l’utilité: qu’il faut sur
tout se livrer au plaisir de faire du bien.

Vous m’avez dit, qu’il est très nécessaire d’observer les régles quia Mr le Lieutenant Ballival DeBochat.
sont utiles pour vivre en Société, parce que le commerce des hommes
mettant les passions en jeu, la Société deviendroit pernicieuse, si
on n’y suivoit point de régle.

a Mr le Conseiller DeSt GermainLes Sociétés particulières, m’avez vous dit, sont utiles, en ce qu’el=
les servent à nous former l’esprit et le cœur, et qu’elles nous aident
a nous aquitter de nos Devoirs, par les bons exemples qu’elles nous
fournissent, et parce qu’elles nous attachent aux autres hommes par
le lien de l’amitié.

Si l’homme veut bien se consulter lui même, il se convaincraA Mr le Professeur D’Apples.
qu’il est fait pour la Société, et l’expérience nous en assure aussi.
Vous m’avez encor dit que si les hommes s’aimoient les uns les au=
tres, ils n’auroient pas besoin d’autre régle pour se conduire entr’eux.

La diversité des Talens que Dieu a donné aux hommes est,a Mr l’Assesseur Seigneux.
selon vous, une grande preuve de l’obligation ou ils sont de vivre en
Société: Dieu aïant voulu qu’ils se réunissent pour se rendre heu=
reux, et que ceux qui ont un même Talent, mais dans un degré
inférieur se perfectionnassent, par le commerce de ceux qui le pos=
dent dans un plus haut degré.

a Mr le Bourguemaistre Seigneux.Les Arts et les Sciences, m’avez vous dit, demandent plusieurs
Talens pour les exercer, et le secours de plusieurs personnes. Puis
qu’ils ne peuvent les exercer seuls, cela doit les convaincre qu’ils
sont obligés de s’unir et de s’entr’aider pour se rendre la vie douce
et agréable.

a Mr le Boursier Seigneux.Si on sentoit fortement le besoin que l’on a de la Société,
et les avantages qu’on en tire, on aimeroit les Devoirs qui en sont
une suite, tels que la fidélité, la complaisance et plusieurs au=
tres, sans lesquels la Société ne sauroit subsister. La crainte d’être
exposés à ces besoins, et de perdre ces avantages nous rendroit
exacts à pratiquer ces Devoirs, puisque c’est sur leur observation
que la Société est fondée.

Monsieur le Recteur Polier, qui avoit promis de lire aujourdhui la
suite du Discours de Samedi dernier, aïant manqué la Société,
Monsieur le Boursier Seigneux nous a lu le Discours suivant, pour
occuper la Société.

/p. 257/ Monsieur le Comte et Messieurs.Discours de Mr le Boursier Seigneux sur l’utilité de la Religion par raport au Prince.

§. 1. 

Si la Religion est nécessaire à l’Homme, elle devient plus indis=
pensable pour lui, à mesure qu’il s’élève en dignité; parceque rien
n’est plus propre à en rehausser l’éclat. Elle répand du lustre sur la
Gloire même. On verra bientot que la Religion dans un Roi devi=
ent le plus beau fleuron de sa Couronne.

§. 2.

Les Devoirs croissent et se multiplient avec la Grandeur: il
faut de la Religion pour les bien remplir. Les Tentations n’aug=
mentent pas moins; la Religion donne seule la force d’y resister.

§. 3.

La Religion apprend au Prince qu’il est homme; et il est
surprenant qu’il soit besoin de son ministère pour le lui apprendre.
Neanmoins rien n’a été si commun chez les Monarques et les Con=
querans, que cette idée hautaine qui les place, selon l’idée du bas
vulgaire hors de la sphère de leurs semblables. Rien n’a été si
familier aux Rois que cet orgueil si contraire à la déclaration
de l’Ecriture. Dieu a formé d’un seul sang tout le Genre hu=
main.

§. 4.

En qualité d’homme le Prince dépend de Dieu, comme le moin=
dre de ses Sujets; et la Religion lui apprend à ne sortir jamais de
la soumission qu’il doit à ses Loix; à les faire respecter avec
plus de soin et de chaleur que les siennes propres; à n’exiger ja=
mais rien qui leur soit contraire; à détester toutes les maxi=
mes d’une Politique dangereuse qui s’en éloigne.

§. 5.

En lui rapellant qu’il est homme, la Religion lui fait sentir
qu’il a les foiblesses de l’humanité. Qu’il est sujet aux mêmes vi=
ces, aux mêmes erreurs, aux mêmes passions. Qu’il doit travailler
à vaincre les unes, et à dissiper les autres, parce qu’elles sont
en lui d’une beaucoup plus dangereuse influence.

§. 6.

Elle lui inspire beaucoup de support et de tolérance pour les
foiblesses humaines par le sentiment des siennes propres. La Re=
ligion lui dit plus fortement encor que la Raison ne peut le
faire, que la Grandeur et l’élévation ne le rendant pas plus par=
fait, elles n’empéchent pas qu’il n’ait besoin de support.

§. 7.

La Religion le fait mieux entrer dans les disgraces de l’huma=
nité /p. 258/, et le persuade qu’il doit être la ressource des besoins dont la
Bonté Divine l’exemte.

§. 8.

En qualité d’homme, elle lui montre un corps fragile de la
durée duquel dépend toute sa Puissance, et une Ame immortelle qui
n’emprunte son lustre, ni des Sceptres, ni des couronnes. Elle lui fait
voir en lui même un corps qui doit retourner dans la poudre, et
une Ame qui doit retourner aux pieds du trone de Dieu, et qui
selon le compte redoutable qu’elle rendra de ses pensées et de ses
actions, sera l’objet éternel de sa colère, ou de sa misericorde.

§. 9.

Elle fait envisager au Prince tous ses Sujets, comme autant
de fréres, sur lesquels la Providence lui donne seulement le droit
d’ainesse.

§. 10.

En un mot elle le persuade que tous les Devoirs de l’homme lui
sont imposés, que tout ce qui est obligatoire pour l’homme lie le
Prince, et que si Elle y met quelque différence, c’est en en rendant l’ob=
servation plus indispensable pour le Prince qui devroit donner en
même tems la régle et l’exemple.

§. 11.

Qu’on passe en revue tout ce qui appartient à l’homme et à
ses diverses rélations avec Dieu, avec son prochain & avec lui même,
on trouvera qu’il n’en est pas une qui ne soit également du ressort
du Prince; et que les Régles générales que chaque homme doit respec=
ter, ne doivent pas avoir moins d’empire sur lui.

§. 12.

Osera-t-on dire, p. e. qu’étant mortel il ne lui convienne
pas d’être paré de la modestie, qui devroit être inséparable de la
condition mortelle? Le Titre de Roi pourroit-il le dispenser de sentir
son néant en la présence de Dieu, et de s’humilier profondément
devant Lui? Un Roi humble, un Roi modeste, un Roi religieux se
trouvera-t-il grand aux pieds de celui qui l’a formé?

Un Roi est-il moins tenu de cultiver sa Raison, d’y ramener
ses desirs, d’en pratiquer les maximes? Sera-t-il moins obligé d’être
fils respectueux, Pére tendre, Maitre équitable, ami fidelle?

§. 13.

La hauteur ou la négligence avec laquelle un Prince remplit
souvent les Devoirs même de la Nature, ne peut venir que de ce qu’il
oublie le poids que leur prète la Religion.

/ p. 259/ §. 14.

C’est en particulier ce qui prive les Rois des délices de l’amitié, qui
seroit faite pour eux comme pour nous, s’ils ne se croïoient pas au
dessus de ses maximes.

§. 15.

Mais c’est à former le caractère du Prince, en qualité de Souve=
rain que la Religion applique avec le plus de gloire son autorité et
son énergie.

§. 16.

A ses yeux, et à ceux de quiconque en est pénétré, le Roi n’est
plus que le gardien d’un riche dépôt que la Providence lui confie,
et duquel il doit lui rendre compte. Ce dépôt est celui des Loix di=
vines et humaines, celui du bonheur des Peuples, celui de la Religi=
on même; que le Prince ne sauroit lui même conserver, s’il n’est
lui même très Religieux.

§. 17.

Si le Prince est tel, il dira, Je suis tout au plus l’Administrateur.
C’est Dieu seul qui est le Roi. Je parle selon le sens qu’attache à ce
titre le bas et rampant vulgaire, les vils esclaves de la Monarchie,
qui lui attribuent des Droits sans bornes, et une autorité illimitée.

§. 18.

Si la Roiauté est une autorité absolue, c’est un grand abus.
Il ne devroit point y en avoir de telle. Il n’y a de Droits absolus que
ceux de Dieu. Jamais Peuple n’en a conféré de tels à ses Souve=
rains.

§. 19.

Le Prince à des Sujets j’en conviens: mais il a aussi des Mai=
tres. Ces Maitres sont ou doivent être les principes que Dieu a
gravé dans son cœur. Une preuve que ces principes sont au dessus
de lui, c’est que dès qu’il les viole, il en est puni par des remords.

§. 20.

La Religion lui dit que s’il est ici bas le Lieutenant de la Di=
vinité, c’est pour suivre ses ordres, pour se conformer à ses vues,
pour agir, autant qu’il lui est possible, comme le Souverain Etre
agiroit, s’il daignoit gouverner lui même.

§. 21.

Bonus vir sine Deo nemo est, dit Senèque. Si un simple
Homme ne peut être bon sans la créance d’un Dieu, et sans dévou=
ment à sa volonté, un Roi pourra-t-il se passer de ces sentimens
pour être bon Roi?

§. 22.

Senèque ajoute. Ille dat consilia magnifica et erecta
Qui aura plus besoin qu’un Roi d’être admis, pour ainsi dire, aux
Conseils de Dieu, pour rendre justes et respectables les Siens?

/p. 260/ §. 23.

Le Prince devroit à l’imitation des Dieux faire marcher
la qualité de très bon, avant celle de très grand. On disoit Jupiter
Optimus, Maximus; et la plus belle Inscription qu’on ait gravée
à l’honneur de Trajan fut assurément Trajano Optimo Princi=
pi
. Or quel Prince pourra mériter un tel titre, si la Religion ne le
pénètre?

§. 24.

Il seroit bon de donner encor aux Princes le titre de Pater Pa=
triae
pour les faire souvenir de ce qu’ils devroient être pour leurs
Peuples. Mais ces sentimens de Pere dans un Maitre, c’est la Religi=
on et la Religion seule qui les inspire.

Le souhait que l’on fit aux Empereurs, Sis felicior Augusto
sis melior Trajano
, sera rarement exaucé: Il ne sera jamais com=
mun d’unir le plus grand bonheur, à la plus grande sagesse; mais
si quelcun pouvoit le faire, ce seroit un Roi véritablement Chré=
tien.

§. 25.

« Nous n’apellons pas grands et heureux les Princes Chrétiens
(dit St Augustin) pour avoir regné longtems, ou pour être morts
en paix, en laissant leurs enfans successeurs de leur Couronne, ou
pour avoir vaincu les ennemis de l’Etat &c. - Mais nous les apel=
lons grands et heureux, quand ils font regner la justice, quand
au milieu des louanges ils ne s’enorgueillissent point -, quand
ils soumettent leur Puissance à la Puissance Souveraine du Mai=
tre des Rois... Quand ils craignent Dieu, - Quand ils préfé=
rent à leur Roïaume celui ou ils ne craignent point de Rivaux;
Quand ils sont lents à punir et promts à recompenser, - Quand
ils sont retenus dans leurs plaisirs; - Quand ils aiment mieux
commander à leurs passions qu’à tous les Peuples du monde, et
quand ils font toutes ces choses, non pour la vaine gloire: mais
pour l’amour de la félicité éternelle. »

§. 26.

La Religion fait envisager au Prince, son Elevation
comme un moïen de faire imiter ses Vertus, ou comme un motif
pressant à les aquerir. Son Pouvoir comme le mobile de l’ordre
ses Trésors comme la source des graces. Ses Plaisirs comme le
délassement de ses travaux, et du soin de rendre son Peuple
heureux. Ses Faveurs comme la recompense du mérite. Le Me=
rite
lui même comme le nerf et le lustre de son Empire. Les
Loix et les Droits de la Nation comme une barrière respectable.
/p. 261/ Le Salut du Peuple comme sa suprème Loi. Son Tems, son Génie,
sa Personne même, comme un fonds dont il doit compte à Dieu
et à ses Sujets, dont l’abus seroit plus criminel en lui qu’en nul autre.

§. 27.

Le Sujet peut être retenu par les Loix: mais le Prince n’a de
frein assuré que la Religion.

§. 28.

Si un homme est perdu dès qu'il n'a de règle que ses desirs, un
Peuple est perdu dès que son Roi ne connoit de règle que sa volonté.

§. 29.

La Religion donne au Prince le seul antidote contre le poi=
son de la flatterie, et les délices de la mollesse; disons aussi con=
tre l’impétuosité de la colère, et les attraits laches de la vengeance.

§. 30.

Elle seule peut rendre supportable l’adversité à une condition
qui se croit presque au dessus de ses atteintes.

§. 31.

Elle seule peut lui faire envisager la mort qui doit faire
évanouïr toute sa Grandeur.

§. 32.

Sans la Religion le Prince seroit le plus malheureux de tous
les Hommes, comme sans elle l’homme seroit la plus misérable de
toutes les Créatures.

§. 33.

La seule espérance d’une heureuse immortalité peut consoler
un Prince heureux et prêt de mourir.

§. 34.

Heureux le Peuple dont le Souverain ne perd jamais de vue le
sort éternel d’une autre vie.

§. 35.

Tout ce que j’ai dit d’un Roi peut s’appliquer du plus au moins
à toute personne en autorité.

§. 36.

La Roïauté, la Magistrature, la Prétrise devroient consacrer
l’Homme à Dieu et à la Société.

Sentiment de Mr DeCheseaux le fils.L’utilité de la Religion par rapport au Souverain paroit prin=
cipalement en ce qu’ils n’ont point de Maitre, et qu’ils sont envi=
ronnés de flatteurs. Il n’y a qu’elle qui leur apprenne leurs Devoirs
et qui les oblige à le pratiquer. 2° La Religion leur est nécessaire,
parce que de leur bonne conduite dépend leur bonheur et celui de
leurs Peuples, et qui leur enseigne mieux que la Religion ce qu’ils
doivent faire pour parvenir à ce double but? 3° Ils sont exposés
à des disgraces, et ils ne peuvent avoir de consolation que dans la Religion.

/p. 262/ Ce qui montre que le Prince doit être soumis à la Religion, c’estSentiment de Mr le Professeur D’Apples.
de considérer que la Religion vient de Dieu l’Etre suprème, et le Mai=
tre de tous les hommes; Comme donc le Prince veut que ses Sujets se
soumettent à lui, il convient aussi qu’il se soumette à son Maitre. Non
seulement le Prince est homme, et dépendant de Dieu comme tous les
Hommes, mais de plus son exemple influe sur ses Sujets qui seront par
conséquent plus ou moins soumis à Dieu, à proportion que le Prince
le sera plus ou moins lui même.

Ce qui doit 2° engager le Prince à se soumettre à la Religion
c’est sa propre utilité, s’il en revêt les sentimens, s’il en suit les ma=
ximes, il sera bon, humain, juste &c. Ses Sujets aussi lui seront atta=
chés par amour, par reconnoissance, et par respect: Cet attachement
des Peuples fera sa force et sa sureté. Isocrate dit que l’amour des
Peuples vaut mieux que de nombreuses gardes. La pratique de tou=
tes les parties de la Religion contribue donc au bonheur temporel
du Prince considéré comme Prince; mais elle ne contribue pas moins
à son bonheur spirituel. Je ne toucherai que ce trait particulier,
c’est que le Prince doit mourir, il doit donc s’assurer de l’amour
de Dieu, de qui son sort dans la vie à venir dépend, et il ne peut
être aimé de Dieu qu’en suivant les préceptes de la Religion.

Un des prémiers Devoirs de la Religion, c’est d’observer lesSentiment de Mr l’Assesseur Seigneux.
engagemens ou l’on est entré; un Prince religieux aura donc soin
d’y être fidelle. Un Devoir particulier de la Religion, c’est l’humilité,
le Prince doit donc être humble s’il est chrétien. L’humilité c’est
le sentiment de ses foiblesses, il est essentiel que le Prince en soit
imbu. Sans cela, il auroit une haute idée de sa capacité et de son
mérite, et il voudroit tout faire par lui même. Mais s’il est hum=
ble, il choisira de bons Ministres, il écoutera leurs conseils, il pren=
dra des précautions pour bien faire tout ce qu’il fait, et il sera
rempli d’humanité et de bienfaisance.

La Religion apprend aux Princes qu’ils sont de la mêmeSentiment de Mr le Baron DeCaussade.
masse que les autres hommes; Caligula ne le pensoit pas ainsi; mais
il étoit Payen, et aucun Prince Chrétien ne peut ni ne doit ignorer
cette vérité. La Religion est le meilleur fondement pour porter
les Hommes en général et les Princes en particulier à remplir leurs
Devoirs. On a vu il est vrai des Princes Payens les remplir exac=
tement, mais ils le faisoient par Politique, et pour s’aquerir de
la Réputation et de la gloire, et par une suite de leur éducation.
Les Princes Chrétiens ont de plus beaux motifs, ils le font pour plaire
/p. 263/ à Dieu, et pour obtenir de lui une recompense éternelle.

Quand la Religion ne feroit que modérer les passions elle seroitSentiment de Mr le Bourguemaistre Seigneux.
utile au Prince et à ses Sujets; car les passions conduisent toujours au
desordre.

L’exemple du Prince influe sur les Peuples, on n’en sauroit dou=
ter, et comme la Religion leur est utile, rien ne les y portera plus
efficacement que cet exemple.

Les Princes sont aussi sujets à des revers, à la diminution, ou
quelquefois même à la perte entière de leur Puissance, aux ma=
ladies, à la mort, et rien ne leur est plus utile pour prendre patience,
pour se consoler, pour ne pas prendre de mauvais partis, des résoluti=
ons desespérées, que la Religion.

Enfin si l’on joint à cela l’espérance particulière du secours de
Dieu, qu’il a promis à ceux qui seroient religieux, on sentira très
fortement l’utilité de la Religion.

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intégrale
Citer comme
Société du comte de la Lippe, « Assemblée XXIII. De l'utilité de la religion pour un prince », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 27 avril 1743, vol. 1, p. 255-263, cote BCUL 2S 1386/1. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/449/, version du 24.06.2013.
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