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Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Lausanne, 13 décembre 1716
A Lausanne ce 13 Decembre 1716.
J’apprens, Monsieur, que vous venez de faire une perte, qui, quoi que
du nombre de celles à quoi on doit s’attendre tous les jours, ne peut que
vous être sensible. Madame vôtre Mére est morte rassasiée de jours, &
je fus tout étonné, lors qu’on me dit il y a quelque tems qu’elle étoit malade;
car je vous avouë que je ne la croiois pas alors en vie. Elle a eu la
consolation de voir son unique Fils dans un état auquel il ne manque,
pour être comblé de tous les avantages qu’on peut souhaitter en ce monde,
qu’une meilleure santé, qui néanmoins se soûtient, graces à Dieu, d’une maniére
à nous faire esperer qu’elle nous donnera de jour en jour moins d’allarmes.
Enfin, Madame vôtre Mére a eu encore le plaisir de voir, avant que de
mourir, un Petit fils, qui sera, s’il plaît à Dieu, le digne héritier de toutes
les belles qualitez de son Pére. Ainsi on peut dire qu’elle a eu tout sujet de
bénir Dieu en finissant sa course, & qu’elle n’ai laissé à ceux qui la
touchaient de près que le regret inséparable de la perte des personnes qui
nous sont chéres. Comme je prens toute la part imaginable à tout ce qui
vous regarde, je ne puis que m’affliger avec vous, & prier Dieu
qu’il vous console, & qu’il vous conserve, vous prémiérement, & ensuite
toutes les personnes qui ont avec vous des rélations de parenté ou
d’amitié. Mr vôtre Cousin l’Avocat, qui a été ici en passant, m’a
fait bien du plaisir, quand il m’a dit qu’il vous avoit laissé en
bonne santé. Dieu veuille la conserver & l’augmenter de plus en
plus. Je suis avec les sentimens que je dois, Monsieur,
Vôtre très-humble & très-obéïssant serviteur
Barbeyrac
A Monsieur
Monsieur Turretin, Pasteur &
Professeur en Theologie & en Hist: Ecclésiastique
A Genéve