Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 01 avril 1785

de paris le 1er avril 1785

mon digne ami, l'on agit en bon entretien, quand on fait
tout le bien qu'on peut àu son prochain, sans faire ny
vouloir faire aucun mal aux autres. on agit en bon
philosophe quand aux soins de remplir touts les devoirs
de la société, joint le sens froit de on se prémunit contre la prévention, lattrait
et la facilité du moment, de manière à démèsler les marches
et les contremarches de l'intérest; ses finesses, ses subtilités,
le calmant de ses propres desirs, le possible de ses espérances, et
le tournant par lequel on peut sortir avec honneur et profit
d'une scituation qui se refuse au succès de nos plans faits pour
etre avoués et aprouvés de touts. vous avés fait tout cela
mais vous avés agi en outre en bon et habile père de famille
en tirant du refus de la fortune l'occasion de sceller l'union
si desirable 1-2 mots biffure entre deux frères gens de mérite
par un sacrifice déclat.

je dis au refus de la fortune, car au fonds, cetoit uniquement
de la balotte dont il s'agissoit icy; par tout le reste vous étiés
barré quand à présent. au reste je n'ay point oublié que vous
même et pour vous même, vous avés autrefois éprouvé un
pareil delay; et notre scituation étoit bien différente de celle
où se trouve Mr de vatteville. vous ne teniés point au service
premier candidat de votre nom, ils s'agissoit pour vous
<1v> de tout ou rien; vous étiés menacé de porter le faire
d'imputation d'avoir dégénéré de la vertu de votre respectable
père, ou de vous voir forcé à vous marier contre votre gout
et d'adopter quelque grimaces de prépondérance. rien de tout
cela n'opprime Mr votre aimable et estimable gendre; le barébli
luy revient de droit avec le temps, et tout vieux que je suis
je ne scaurois comparer la place même d'avoyer à Melle
la belle est bonne marianne, non seulement donc je me console
et je vois que vous n'avés point à être consolé, mais je vous
embrasse et je jouis de la sorte de joye que vous aurés eue
au moment où vous aurés vu s'embrasser les deux frères.

Me de pailly qui vous remercie et vous chérit, et que j'accuse
d'etre un peu et beaucoup Me tantpis a voulu dabord
murmurer contre notre bel et bon age, qui disoit elle, n'est
plus celuy de la fortune; et moy je luy ay dit que l'humeur
écoute, que le bon sens aprouve, et que la ténacité féminine
n'entend pas. elle vous remercie de ce que vous avés fait pour
leur imbécile justice de pailly, et vous la recommande encore
quoyqu'elle pense que vous allés bientost partir.

j'ay mon cher amy fait adresser pour vous deux paquets à
Me de chandieu, pour quils arrivassent jusques là francs de la
poste; soux l'envelope du premier des deux vous trouverés
une lettre qui vous indique ce que je désire de votre amitié
je vous en demande pardon, ainsy qu'a elle, et recomande le
tout à votre amitié.

<2r> adieu mon cher ami, j'offre mes tendre Respects à toute
votre maison, et vous embrasse de tout mon coeur

Mirabeau


Enveloppe

à monsieur
Monsieur de Saconai à
Berne en Suisse
Par Pontarlier


Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 01 avril 1785, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/927/, version du 04.11.2024.
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