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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 02 juin 1783
de paris le 2e juin 1783
mon cher et digne amy, le bon homme rame, schaffen
que Me de pailly s'etoit associé depuis un an, vient
m'annoncer qu'il part demain, quil vous verra, et
je veux luy remettre une lettre. cela m'a fait venir
l'eau à la bouche et pour ainsy dire la larme à loeil
car voyés vous à mesure qu'on devient vieux, on devient
plus aimant; quand le coeur fut bon toute la vie; je
l'ay remercié et jay songé que j'avois sur mon bureau
une lettre de vous, et que je pouvois vous en accuser la
réception.
je suis icy retenu mon amy par les suittes de mon pro=
cès qui sont ramifications ruineuses; et que malgré mes
pauvres soins, une année encore ne verra peutètre pas
finir, car les longueurs du palais sont intarissables, et
les grandes villes sont les capitales de la paresse et de
la dissipation de touts, qui veulent ètre payés et faire le
moins possible, si ce n'est du plat de la langue. je conte
pourtant aller passer ces vacances de la pentecôte à la
campagne; mais j'ay d'autres affaires, et celles de provence
me tiennent en l'air
j'ay écrit au banneret ostervald comme vous me lavés con=
seillé. notre amie et toujours bonne par excellence et
saine desprit et decorps. elle vous aime et honore tendrem=
ent. faites mes compliments à mes neveu et nièce de grille
quand vous les verrés; mes tendres respects à vos dames
jouisses de votre belle campagne, aimes moy, et contés que
je suis le plus tendre comme le plus ancien de vos amis
Mirabeau
à monsieur
Monsieur de Saconai
à Geneve
en son chateau de Bursinel
par Rolle