Transcription

A Lausane ce 12 Janvier 1714.

Je reçûs, Monsieur, Lundi passé, presque en même tems, la lettre de M^r De
Tournes, & mes deux paquets de livres. Je vous suis bien obligé de tant de peine que
vous vous êtes donnée pour vous en informer. J’écris aujourdhui à M^r de Tournes, & ai
fait en même tems donné ordre à un Marchand de Genéve de le paier. Je ne sai
quelle route ont tenu les balles de Mr de la Rive où étoitent ces mon paquet, car
le prix du port en est exorbitant, puis qu’on me le compte dix sols la livre.

Vôtre Edition de Grotius de 1626. est faite sur la prémiére, dont elle
pourra tenir lieu, si elle est un peu correcte. Ainsi je ne refuse pas l’offre que
vous me faites de me la communiquer. L’autre que vous avez, est la plus commune, & celle
dont je me sers moi-même. Je suis très-obligé à M^r le Syndic Chouet de
la maniére obligeante dont il m’offroit sa belle Edition du Grotius de M^r de
Courtin. J’ai l’édition de 1 mot biffure Hollande, qui me suffit, & je ne crois pas que la
beauté de l’édition ajoûte rien à la qualité de cette Version. Ainsi je remercie très-hum=
blement M^r Chouet, & je vous prie de l’assûrer de mes respects. Pour la belle
Edition de l’original, dont vous parlez, & qui est in folio, je la connais, c’est appa=
remment celle de Van der Maelen; mais il n’y a presque rien de remarquable, que
la beauté de l’Edition. Les Notes ne sont qu’un grand verbiage. Si quelque jour j’étois à
portée de la consulter, je la parcourrois, pour voir si parmi tout ce fatras il se
trouveroit quelque petite remarque, qui pût m’être utile. Je me souviens qu’en
travaillant à Pufendorf, j’entre parcourus deux Tomes, où à peine trouvai-je occasion
de citer une ou deux fois cet Auteur.

Au reste, je vous suis, Monsieur, très-obligé de la peine que vous ayez
prise de lire mes Caiers de Grotius; & ce que vous m’en dites m’est un bon augure
de l’approbation des personnes éclairées & judicieuses. Vous avez pû voir par ce que je
dis à M^r l’Abbé Le G. que je comptois de retoucher considérablement ce
morceau, avant que de l’envoier aux Imprimeurs. Ainsi je profiterai de l’avis que
vous avez la bonté de me donner. A l’égard d’Hotoman, quoi que je ne refuse pas le
livre que vous voulez bien me communiquer, je vous dirai que je savois très-bien que ce
JCte a composé quantité d’Ouvrages; mais je n’ai parlé que de ses Quæst. Illustres,
parce que je crois que c’est le seul dont Grotius a fait usage, & dont il en
pouvoit faire par rapport à son dessein.

Je vous suis fort obligé aussi de ce que vous m’avez appris par rapport au
projet de M^r Lenfant. Je le lui communiquerai à la prémiére occasion, avec ce que
m’a écrit là-dessus M^r l’Abbé le Gr. dans sa derniére lettre, où il y a des particula=
ritez curieuses. On nous avoit dit que M^r de Lubiéres devoit passer pour s’en retourner
à Berlin, & je me disposois à écrire par cette voie à M^r Lenfant: mais j’ai appris qu’il
est allé à Orange.

Je ne suis pas surpris de ce que vous me dites de M^r de Larrey; on vous trouverez
<1v> sans doute bien d’autres inexactitudes dans ses Ouvrages. Je sai de quelle maniére
il travaille. Il nous a donné depuis peu un Roman, sous le nom d’Histoire des
sept Sages; quoi qu’il y aît des matériaux tirez de l’Histoire véritable.

On va bien tôt publier en François à Amsterdam le prémier volume du
Spectateur Anglois, dont vous me parlez.

J’ai commencé à lire l’Hist. du Conc. de Constance, & elle répond bien,
selon moi, à l’idée que j’ai de l’Auteur, & à ce que j’avois vû de cet ouvrage en
Manuscrit.

Puis que vous voulez bien parcourir la nouvelle Edition de mon
Pufendorf, vous aurez la bonté de me communiquer les remarques que vous aurez
faites là-dessus. La nouvelle Edition de l’Abrégé, à quoi je travaille, sera
aussi augmentée de beaucoup de Notes & le texte revû avec soin.

Je suis, Monsieur, avec mes sentimens ordinaires,

Vôtre très-humble & très-obéïs=
sant serviteur

Barbeyrac

A Monsieur

Monsieur Turretin, Pasteur & Professeur
en Théologie & en Hist. Ecclés.

A Genéve