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Lettre à Frédéric de Sacconay, Marseille, 15 février 1742
de marseille ce 15e fevrier 1742
je t'ay livré mon ouvrage mon cher frillon tu en est le maitre en tout
et partout, je remercie assurément monsieur sturler de l'attention
et de l'aprobation qu'il a bien voulu luy donner, son idèe est aussy
brillante que simple caractèrisèe et ingénieuse, il me fait beau mème
dans son esquisse, mais comme il est dit, que rien n'est parfait
mème dans la nature, au point que quelques méthaphisiciens,
prouvent en admettant un ètre souverain, qu'il n'est point infiniment
parfait, le prouvent dis je (car que ne prouve pas le raisonnement
humain a la conception humaine) comme dis je rien dn'est a l'abry
de toute critique je voudrois bannir la houlette et touts les attributs
de bergerie, nous avons attribué un certain protocole, et attaché une
idèe a la galanterie pastorale, qui contraste positivement avec la
morale libertine que je ne perds pas de vue dans mon ouvrage
du reste mon cher amy, jaurois touts les regrets du monde de perdre
l'embellissement que ton amy procurer a mon ouvrage, mais, je
n'ay pointersonne a paris a qui je voulus confier le soin de faire graver
cette estampe, et si cela ne se peut sans embarras, il faudra donner
cette dedition batarde, toute nue quitte a profiter des bontès de mr
sturler, quand j'avoueray l'ouvrage, du reste vois mon cher frillon
donne luy la forme que tu voudras je m'en raporte a toy dècide
et exécute: mais il me semble que cela fera un in quarto bien
<1v> mince, de plus remercie je t'en prie de ma part mr sturler
si jamais mon art de la guerre est finy, jyray le luy porter
et luy demander son amitié
il faut mon cher frederic que jaye les vraisys manuscrits de ton père
la grande habitude ou je suis du travail, fera que je leur donneray
sans peine un ordre que peu de gens seroient capables de leur donner
et tu ne dois point manquer cette occasion si tu es attaché a sa mémoire
je suis charmé du tour que je vois prendre a tes affaires et a ta situation
tu seras heureux mon cher amy et tu as mérité de l'étre, la douceur
de moeurs, et la pureté de sentiments, entrainent par une raison phisique
la tranquillité dans une ame peu faite aux grandes agitations, tu scay
combien la candeur que tu as conservé m'a étonné, cela tassure
une félicité, qu'il ne tiendra qu'a toy d'apeller une bènèdiction de
dieu sans que je m'en scandalise
que tu es heureux d'habiter un paÿs ou les femmes s'occupent
d'autre chose que de jouer ou de médire, si l'air de la mer qui
entraine une nècessité de dèbauche venus orta mari ne faisoit un peu
ou beaucoup diversion a ces deux occupations nos femmes ne
feroient que cela, il n'en est pas une en mille et y en eut il mille
fois autant, a qui l'on puisse parler vers ou littérature, quels
dommage que ce sexe si ingenieux, si vif et si docile, ne soit presque
partout occupé que de choses qui l'aneantissent, j'en pleure toujours,
et pour ma part en ay formé quelques unes dont les progrès m'ont
surpris. mrs les académiciens que je n'ay point recherché, primo
<2r> parce qu'il faut qu'il y ait de la subordination partout et en second
lieu parceque je suis icy pour reussir auprès de touts, mrs les
acadèmiciens dis je se sont aprochés peu a peu, je les ay successivement
eus dans mon museum quelque routine peu de gout, il y a dailleurs
des gens de génie, car il n'est point de nation qui ait les organes si
deliès que les provencaux, mais timidité, ignorance, ou présomption
enterrent tout ou peu s'en faut
ce que tu vois dans l'intérieur de ton etat, intèrest particulier qui
prevaut sur le public, vois tu tu le verrois partout si partout
tu ètois dans la bouteille comme la, a la reserve que les autres
peuples sont et particulierement nous sont 2 caractères biffure sommes venus a un point
etonnant de corruption et d'oubly de toutes les vertus et qu'il s'en
faut bien que vous n'en soyiés la, l'ordre de malte est une rèpublique
composèe de gens qui devroient mieux penser que le commun, si tu
voyois la bassesse et l'horreur qui régne dans la conduite et dans les
motifs tu en serois ebahy surpris consterné pour l'humanité et ainsy
du reste. attends dailleurs que nos airs avantageux nous reussissent
un peu mieux pour nous craindre tant, jusques a presant l'on
nous traite a la bohemienne en boheme, les impots augmentent
touts les jours, l'on nous devaste par une triple milice et jusques
aprèsentujourd'huy nous y sommes pour rien, la reine d'hongrie cesse d'etre
la puissance reprèsentative contre nous ce sera la maison de baviere
en qualité d'impèriale, les bienfaits s'effacent en fait d'etats et a peine
avons nous eu fait la hollande quelle a ètè notre plus cruel ennemy adieu
mon cher frillon, mes respects a qui de droit mais bien particulierement
et ne m'oublie pas bonjour je t'embrasse