Transcription

A Lausanne ce 9 Juin 1712.

Je viens d’apprendre, Monsieur, avec un sensible plaisir, vôtre heureuse paternité, &
je n’ai pas voulu tarder un moment à vous témoigner la part que je prens à vôtre joie.
De quelque sexe qu’eût été l’enfant qui vous est né, ç’auroit toûjours été pour vous
une grande consolation: mais un garçon, que nous avons tout lieu d’esperer qui héritera
de vos talens & qui marchera glorieusement sur vos traces, c’est le comble de vos
voeux, de ceux de tous les honnêtes gens, & sur tout de ceux qui ont quelque part à
vôtre amitié. J’espére que, pour surcroît de bonheur, cela contribuera à vous
de rendre la santé, ou du moins à rendre vos incommoditez moins fréquentes & moins
fâcheuses. Je le souhaitte de tout mon coeur, & que le nouveau né, semblable
à vous en tout le reste, différe de vous seulement à l’égard de la santé & de la
constitution que vous avez euë jusqu’ici. Quelque part que je prenne à ce qui vous regarde
en particulier, mes vuës se portent plus loin, & je trouve dans cette naissance un bon augure
de grandes choses.

Jam nova progenies caelo demittitur alto;
Tu modo nascenti puero, quo ferrea primum
Desinet, ac toto surget gens aurea mundo,
Casta fave Lucina
Ille deûm vitam accipiet, divisque videbit
Permixtos heroas, & ipse videbitur illis. 

Madame Turrettin agréera que je lui présente ici mes très-humbles félicitations, &
que je lui souhaitte en peu de tems un entier rétablissement, qui réponde à un commencement
si heureux. Je joins à cela que les voeux que ma femme fait pour l’un & pour l’autre,
& pour le nouveau né. Elle reléve de couches, & elle m’a enfin donné un
garçon, qui a eu pour parrains l’Académie. Comme il sera à peu près de
même âge que le vôtre, je souhaitte que ces deux Enfans aient un jour l’un pour
l’autre les mêmes sentimens que leurs Péres. Je suis toûjours avec respect, Monsieur,

Vôtre très-humble & très-obéïssant serviteur

Barbeyrac

A Monsieur
Monsieur Turrettin, Pasteur & Professeur en
Theologie & en Hist. Ecclésiastique
A Genéve