Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Genève, 30 juillet 1711

A Genéve ce 30 Juillet 1711.

Monsieur,

Je me reprocherois de partir d’ici sans prendre congé de vous par
ce billet, puis que je ne le puis de bouche; & sans vous remercier
encore une fois de toutes les honnêtetez que nous avons reçües de vous,
Mr Du Clerc & moi. J’augure bien de l’état de vôtre santé, puis que
vous n’en parlez point dans vôtre lettre, & je souhaitte de tout mon coeur
qu’elle se remette tout à fait. Je vous remercie du titre de vos
Harangues, que vous m’avez envoié. Je ne manquerai pas de rendre l’autre
exemplaire à Mr De Croza. Mais, au reste, d’où vient que vous ne
faites aucune mention des Jeux Séculaires? Est-ce parce que cette
Harangue n’étoit ni Inaugurale, ni Rectorale? ou parce qu’elle étoit
seule en son genre? Elle méritoit bien pourtant d’être jointe aux autres, selon
ce que j’en ai ouï dire; car ell je ne l’ai point, & quand vous me
fites l’honneur de m’envoier toutes les autres, que j’avois pris la liberté de
vous demander, elle se trouva aussi manquer, comme elle manque dans
vôtre Catalogue nouvellement imprimé.

Nos respects, s’il vous plaît, à Madame vôtre Epouse.
Adieu, Monsieur, je m’en vais bien content de ces quartiers, puis que j’ai
eu l’honneur de vous voir & de m’entretenir avec vous quelque tems. Si je
parlois à quelque autre, je vous ferois là-dessus de grands complimens, je vous
dirois, que, quelque haute idée que je me fusse formée de vous, elle étoit encore
au dessous de ce que j’ai trouvé: j’ajouterois plusieurs autres choses que je pourrois
dire sincérement & sans flatterie. Mais avec vous je crois devoir être reservé
sur ce sujet, & j’aime mieux que vous jugiez de mes sentimens par tout
autre endroit, que par des paroles. Je ne manquerai pas de profiter
<1v> le plus souvent qu’il me sera possible, des offres obligeantes que vous
m’avez faites, d’entretenir commerce par lettres.

Mr Maurice m’étoit venu voir Dimanche passé, sans doute par
occasion, & parce qu’il se trouva avec Mrs Gautier & Jalabert. Il ne
me trouva point, & je ne le trouvai pas non plus lors que je lui allai
rendre sa visite. Mais hier au soir, il me vint joindre à la Treille, &
nous nous promenâmes assez long tems tout seuls. Cependant il ne se parla
que de la pluie, du beau tems, & autres choses à peu près aussi particuliéres.
Je l’attendois à sur certains articles, & j’aurois pris plaisir surtout à
le voir parler aussi cavaliérement qu’on m’a dit qu’il faisoit de Mr Le
Clerc, lors que quelcun, pour lui faire peur, lui disoit l’année passée,
qu’on vouloit le rappeller d’Amsterdam, & qu’il disputeroit avec lui
la Chaire des Belles Lettres: Qu’il vienne, je ne le crains point. Je
l’arrêterai sur la prémiére ligne d’une des Epîtres à Atticus
. Si ce
petit compte-là n’étoit point parvenu à vôtre connoissance, je suis sûr qu’il
vous divertira; & s’il vous étoit connu, vous me pardonnerez de n’avoir
pû m’empêcher de vous en parler à tout hazard. Je suis,
Monsieur, avec respect,

Vôtre très-humble & très-=
obéïssant serviteur

Barbeyrac

Mr le Baillif d’Aubonne m’a fait dire, qu’il souhaitteroit que
je passasse chez lui; & cela pourra bien arriver. Je m’informerai de lui
d’une autre petite historiette divertissante, qui contient une équivoque
sur vôtre compte. Si elle vous la savez, vous m’entendrez; & si vous
ne la savez pas, je vous la dirai une autre fois.


Enveloppe

A Monsieur
Monsieur Turrettin, Pasteur & Professeur en
Théologie & en Hist. Ecclésiastique
En sa Maison de Campagne


Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Genève, 30 juillet 1711, cote BGE Ms. fr. 484, ff. 116-117. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/853/, version du 29.10.2023.
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