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Lettre à Jean Alphonse Turrettini, Lausanne, 26 novembre 1710
A Lausanne, ce 26 Novembre 1710.
Monsieur,
Me voici enfin arrivé dans vôtre voisinage, pour y occuper un poste dont
on m’avoit parlé depuis si long tems, que je ne pensois presque plus à cette
affaire, lors qu’il a falu prendre une promte résolution de venir ici
me transplanter incessamment. Ce n’a pas été sans bien de l’embarras, de
l’ennui, & des fatigues, de sorte qu’il me faudra du tems pour reprendre ma
situation ordinaire, outre les soucis & les distractions inévitables dans un nouvel
établissement. Mais je compte pour un des plus grands avantages que j’espére de
mon changement, celui de m’être approché du lieu de vôtre demeure, & d’être à
portée de vous voir quelquefois, lors que je serai un peu en repos, & que mes
occupations me permettront d’aller faire un tour à Genéve. Je me flatte,
Monsieur, que vous ne serez pas fâché d’apprendre mon arrivée; & dans cette
pensée, j’ai mis incessamment la main à la plume, pour vous en donner avis.
Vous m’avez témoigné tant de bonté, lors que j’étois au fond du Nord, & que je
vous étois inconnu, que j’espére que vous me conserverez les mêmes sentimens, lors
que j’aurai l’honneur de vous être connu de près. Je prens même la
liberté de vous recommander le jeune homme, qui vous rendra cette lettre,
& qui a fait avec moi le voiage de Berlin, dont il est natif, quoi que sorti de
parens françois. C’est Mr Poinlou, qui aiant commencé d’étudier en
Théologie, va continuer dans vôtre Académie, où il espére de faire de grands
progrès, sur tout auprès de vous; & je vous prie, outre cela, de lui donner en
particulier vos bons avis. Je suis avec respect,
Monsieur,
Vôtre très-humble & très-=
obéïssant serviteur
Barbeyrac
A Monsieur
Monsieur Turrettin, Pasteur & Profes-
seur en Théologie
A Genéve