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Lettre à Jean-Alphonse Turrettini, Berlin, 10 décembre 1707
A Berlin ce 10 Decembre 1707.
Monsieur,
Je suis extrémement sensible, & à l’opinion trop avantageuse
que vous témoignez avoir de moi, & à la maniére obligeante
dont vous vous intéressez en ma faveur par des offres de
service dignes de vôtre générosité, mais que je n’ai pû m’attirer
en aucune maniére. Ce que j’ai publié n’est pas assez
considérable pour que je f me flatte d’avoir mérité par là
que vous songeassiez à une personne qui n’a pas d’ailleurs
l’honneur d’être connuë de vous; & un jugement si favorable
de vôtre part seroit une grande tentation à la vanité, si je ne
me connoissois mieux que personne, & si je ne savois que ceux qui,
comme vous, tiennent un rang si élevé & dans l’Eglise & dans la
République des Lettres, sont portez à encourager de tout leur possible
le moindre sujet en qui ils voient quelque disposition à se rendre
utiles à la Société. Mr Chauvin vous dira ce que nous pouvons
répondre à vôtre proposition: nous n’aurions pas manqué de le
faire plûtôt, si vôtre Lettre étoit venuë par une voie moins
longue; ce n’est que d’aujourdhui qu’on l’a reçuë. Si quelque
chose étoit capable de m’attirer à Généve, ce seroit, Mon=
sieur, le plaisir & l’honneur d’y trouver une protection
<1v> aussi puissante que la vôtre, & l’espérance d’avoir quelque
part à vôtre bienveillance. Mais de quelque maniére
que la chose tourne, elle m’aura toûjours procuré l’avantage
de faire quelque connoissance avec vous; & je compterai
cela pour beaucoup. J’embrasserai avec plaisir toutes les
occasions de vous témoigner ma reconnoissance pour l'ex
l’empressément avec lequel vous m’avez prévenu par
des offres réelles de service; & si je me dispense de vous
marquer toute la vénération que j’ai pour vous, ce ne
sera, Monsieur, que pour ne pas offenser vôtre Modestie.
Agréez, Monsieur, que je vous apprenne que j’ai entrepris
de publier en François le Volume in folio des Oeuvres de
Tillotson qui contient ce qui a paru du vivant de ce fameux
Prélat. Il en a paru un Volume, comme vous savez; &
quelque mauvaise qu’en soit la Version, ce Volume se1 mot recouvrement s’est
bien débité. Le second Volume, où je commence, & qui
contiendra dix Sermons, pourra paroître sur la fin de l’hyver.
Je donnerai les suivans, selon que mes affaires me permettront
d’y travailler; & quelque jour je pourrai, si Dieu me donne
vie, traduire de nouveau le prémier, afin que l’on aît tout
de la même main. Je suis, Monsieur, avec un
profond respect
Monsieur
Vôtre très-humble &
très-obèïssant serviteur
Barbeyrac
A Monsieur
Monsieur Turrettin Pasteur &
Professeur en Théologie
A Genéve