Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 28 juin 1738

A Groningue ce 28 Juin 1738.

Je ne pus vous écrire, Mon cher Monsieur, la derniére fois que j’écrivis à
Mr Smith. Je le fais aujourdhui en envoiant des Extraits, & l’Eloge de Mr
Turrettin. Vous ne me dites point, dans vôtre derniére Lettre, si vous avez parlé à
Mr Smith, de ce que je vous avois marqué, que Mr Vernet souhaitteroit, s’il se
peut, d’avoir pour lui quelques exempl. à part des feuilles où sera cet Eloge.

Je marquerai, dans les Additions, la correction que fait Mr Wetstein du mot
Grec απωγμενου, & que j’ai trouvée de sur un morceau de papier, dans un des
derniers paquets. J’oubliai, en relisant mon Ms. de mettre là-dessus quelque chose
dans les Notes; d’autant plus que aisément que le sens étoit d’ailleurs clair, & que dans
ma traduction, j’ai exprimé précisément le sens que fait le mot, selon la correction
de Mr Wetstein. J’avois bien vû aussi une étoile marquée sur ce mot, dans
l’Edition d’Hoeschelius, que j’ai, & que je suis fort aise d’avoir. L’Edition de
l’Histoire Byzantine ne l’a point ajoûtée; & cette Edition n’est nullement meilleure,
que l’originale; elle n’y a ajoûté que des fautes d’impression, comme je l’ai
reconnu en plus d’un endroit.

Quand Mr Humbert aura reçû le Livre de Mr Astruc, vous pouvez le
garder tant qu’il vous plaira pour le lire. Je souhaitte seulement de savoir quand
il sera arrivé. J’attens cela pour écrire à Mr Sidobre.

Il y a trois ou quatre semaines, que je reçus une Lettre de Mr de Crousaz,
qui m’en envoioit en même tems une pour nôtre Prince, qui lui a enfin
écrit, comme il avoit dit à mon Gendre qu’il le feroit; mais dont je doutois,
parce qu’il ne m’en dit rien ici. J’envoiai cette Lettre à Breda, à son
Gentilhomme Mr de Saumaise. Mr de Crouza, dans la sienne, me
parloit, comme s’il m’envoioit aussi pour le Prince & pour moi un nouvel
Ouvrage, qu’il a fait imprimer à Genéve, contre l’Essai de Pope. Cependant
il ne me disoit point par qui, & le paquet des Lettres me vint seul, comme
apporté par la une Soeur de Mr des Moulins, Ministre à Leide. Quelques
jours après que j’eus envoié la Lettre au Prince, je reçus les Livres par le
Batteau d’Amsterdam, sans aucune Lettre ni indication de celui qui me
l’envoioit. Ce pourroit être Mr Pelissari; car le Livre est imprimé chez
Pelissari, & Compagnie. Vous en verrez le titre à la fin de l’Extrait que
j’envoie du prémier Ouvrage, dont celui-ci n’est qu’un Supplément. J’avois
déja fait mon Extrait; & je crus qu’il suffisoit de reste, d’annoncer ainsi
ce nouvel Ouvrage. L’Auteur ne se lasse point d’écrire, & je ne sai si
le Public ne se lassera point de lire. Il me parle d’un autre Ouvrage,
<1v> auquel il travaille, & dans lequel il refutera en même tems Spinoza, & un Commen=
tateur de Mr Leibnitz (qu’il ne nomme pas, c’est quelque Allemand sans doute) dans
Ses Principia Philosophiae Leibnitzianae more Geometrico demonstrata; deux
Ouvrages, dit-il, Fréres ou Cousins-germains l’un de l’autre. Il me dit, qu’il
a aquis à enseigner une facilité comme infinie; que nombre d’Etudians lui prêtent
volontiers leur plume, pour écrire ce qu’il dicte; que, pour ses Leçons, Mrs de Lausanne
lui ont fait bâtir un Auditoire dans sa Maison même, dont il ne sort ni en
hiver, ni en Eté. Il parle, comme s’il avoit recherché la Profession, pour empê=
cher que le Systême Leibnitzien, qui régne à Berne, & dont les Partisans
se sont fort remuez en faveur de son Concurrent, ne prît pié à Lausanne,
où il commençoit à se glisser; & que cependant il l’a emporté sur lui d’onze
voix contre trois.

La mort de Mr de Beausobre, que je savois, m’est confirmée par M mon
Beau frére Chauvin. La 1 mot biffure Bibliothéque Germanique, qui déchéoit beaucoup,
y perdra encore. Madame Lenfant est morte apparemment, selon ce qu’on
me mande, qu’elle avoit eû plusieurs attaques d’apoplexie, dont la derniére des
plus violentes ne laissoit pas grand’chose à esperer. J’ai été surpris d’apprendre
en même tems par mon Beaufrére, qu’il m’envoieroit dans quelques jours
la Chronologie de Mr des Vignoles. Je l’avois prié il y a long tems de souscrire
pour moi; mais je n’avois plus entendu parler de l’impression, & il me semble
qu’on disoit, que les Souscriptions ne s’étoient pas trouvées en assez
grand nombre.

Souvenez-vous, je vous prie, de ce que je vous ai dit sur le Portrait
du Prince à mettre au devant de mon Histoire. L’impression de la II. Partie doit
être avancée; j’en ai 20 feuilles, & il y a quelques semaines que je n’en ai
point reçû de nouvelles. Je suis toûjours, mon cher Monsieur,

Tout à vous,

Barbeyrac

P.S. Après avoir écrit ma Lettre, je viens de recevoir la vôtre du 24.
qui accompagnoit le nouveau Volume du Dict. Géographique. Le dernier
Duerne, que j’ai, de mon Histoire &c est seult K. Ainsi, quand j’en aurois le
tems, je ne pourrois vous rien dire sur les remarques de Mr Wetstein, que sur celle
de l’Art. 60. n. 3. Je mettrai dans les Addenda sa conjecture sur Mestrianus
quoi qu’à vous dire le vrai, il me semble que Mestrianus peut fort bien être là un
nom propre, comme H. de Valois aussi l’a entendu, dans une Note sur son Anonyme.
A l’égard de la Note sur Théoderic, je dois vous dire, que j’ai pris beaucoup de
peine pour ranger les morceaux tirez des Eclogae Legat d’Hoeschelius, où tout est en
<2r> un grand désordre. L’H. de Valois, dans ses Notes, a tâché de les remettre dans
l’ordre: mais il a laissé de grands morceaux sans rien dire; & en quelques endroits
il m’a paru n’avoir pas fait assez d’attention à la suite des faits, qui paroît d’ailleurs,
quand on y regarde un peu de près. Ainsi je puis avoir eû mes raisons, sur
ce qu’on croiroit déplacé. Et ici, comme ailleurs, je suis rarement entré dans
ces sortes de discussions, comme n’étant pas fort agréables à bien des Lecteurs.

Je ne savois pas, que la nouvelle Edition du N. Testament de Mrs Beausobre
& l’Enfant, fût déja sous presse. Selon ce que vous me dites il y a quelque
tems, Mr de B. n’aura pas apparemment achevé ce qu’il vouloit
faire pour sa portion.

Vous avez bien raison de croire, & vous le verrez encore mieux, quand
vous aurez achevé la lecture de la Friponn. des Laïques, que le D. Bentley a
mis dans sa Critique de Collins, bien des minuties. Au lieu de s’attacher à l’essentiel,
il semble avoir voulu principalement montrer son Erudition, & confondre l’ignorance
de Collins en matiére de Langues & de Critique.

Il faut finir pour envoier mon paquet à la poste. Je souhaitte que
vos yeux se rétablissent, & que vous continuiez à jouïr d’ailleurs d’une bonne
santé. Ma fille, & mon Gendre, qui s’en retourna Lundi á Embden,
font les mêmes voeux.

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 28 juin 1738, cote BPF Ms 295/102. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/841/, version du 25.07.2016.
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