Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 02 août 1738

A Groningue ce 2 Août 1738.

Je reçus Mardi passé, Mon cher Monsieur, vôtre Lettre du 22 Juillet. La correction que vous
avez faite, pag. 146. Not. 19. lig. penult. est très-juste. J’avois mis sans y penser, & Justin, pour
Cabade. Mais il falloit aussi changer les mots avant Cependant Cabade &c. où je dis, par une même erreur,
de l’Empereur, au lieu du Roi (des Huns.) Pour les deux endroits, où Mr W. avoit fait des
changemens considérables, je lui ferai honneur dans les Addenda, de ses conjectures; & cela vaut
mieux, que de les avoïr suivies, en sorte qu’elles fussent sur mon compte, sans que je. Celle, sur la
pag. 145. où il corrige προτρεπομεθα, & met ενετρεπóμεθα, n’est d’aucune conséquence
pour le sens, & est une pure conjecture. Au lieu que l’addition, que j’ai faite, est fondée sur la
Chronique d’Aléxandrie, où la Lettre se trouve à peu près de même. Po L’autre correction (sur
le Duerne V. que je n’ai point, mais j’ai la feuille du Ms.) est assez plausible. Je ne la crois pas
néanmoins si assûrée, qu’on dût la mettre dans le Texte.

Vous avez raison de croire, que le Tite Live, de Crevier sera plus utile à la plûpart des gens,
que celui de Mr Drakenborch. J’admire, comment on peut trouver, que, dans mon Extrait de la
prémiére de ces Editions, je l’ai trop fait valoir. N’ai-je pas critiqué l’Editeur assez souvent? Et pour ce qui
choque le plus ceux qui ne sauroient goûter que des Notes chargées de fatras, de diverses leçons;
n’ai-je pas rapporté simplement en historien ce que dit l’Editeur? Mais on ne peut souffrir,
que je dise quelque bien de Mr Le Clerc. A la bonne heure. Qu’on le haïsse tant qu’on voudra.
Quand je n’aurois eû avec lui la moindre rélation pendant sa vie, j’en userois de même. Je rendrai
toûjours justice à chacun, autant que je pourrai. J’ai un Extrait, à peu près fait, de l’Hésiode
publié à Oxford par Mr Robinson. Vous verrez que là encore je prends quelquefois le parti de
Mr Le Clerc, contre l’Editeur, Théologien, mais entêté de son Auteur.

Je suis surpris de ce que vous m’apprenez, qu’à Paris on pense déja à rimprimer mon
Histoire, quand elle paroîtra. Je m’imagine que les Libraires pourront prévenir cela, en s’ac=
commodant avec les Libraires, comme fît Kuyper, pour un nombre d’exemplaires. En tout cas,
de la maniére qu’on imprime en France, où l’on n’a point de bons Correcteurs, cette Edition, à
mon avis, se décrieroit, par le grand nombre de fautes qui s’y glisseroient infailliblement.
Le silence des Journalistes de Paris, sur mon Traité du Jeu, ne me surprend point. Quand le
passé ne feroit pas voir quelque affectation à ne point parler de ce que j’ai publié; j’ai
toûjours cru, que la Lettre de Mr l’Abbé Bignon, & la mienne, publiées dans cette Edition,
feroit qu’ils ne sauroient comment s’y prendre, par rapport aux plaintes contre les
Auteurs du Journal, auxquels ils ont succédé.

Je savois déja la vocation de Mr Scheltinga a Leide; & qu’il n’a rien publié, que
sa Dissertation pour prendre le degré de Docteur. On m’avoit dit, qu’il avoit eû cette
place, à la recommandation de Mr de Bynkersoek. J’eus occasion d’en parler avec
Mr d’Aduard, qui vint, il y a quelques semaines, de la Haye, faire un tour à sa
campagne. Il me dit, que non; & qu’au contraire Mr de Bynk. exhortoit fort à
appeller Mr Otto; assûrant qu’il étoit mécontent à Utrecht, où la faction de ses
Patrons a du dessous; & qu’il ne doutoit point qu’il n’acceptât la vocation. Pour le
Frére de Mr Vitriarius, je ne le connois point.

Je suis surpris, que le Livre de Mr Astruc tarde si fort à venir. Mandez-moi, si
l’on n’a point des nouvelles de l’envoi. J’écrirai alors à Mr Sidobre, qui croit sans doute que
je l’ai reçu, depuis tant de tems.

<1v> Vous pouvez être assûré, que j’ai bien reconnu l’Auteur des Extraits des Livres de Mrs
Wolf & Deslandes; le même que celui de la Friponnerie Laïque. Il a une certaine vivacité,
& un sel piquant, qui fait qu’il auroit de la peine à se cacher. Un peu de modérarion
ne siéroit pas mal.

Je n’ai non plus aucunes nouvelles de mon exemplaire de la Chronologie de Mr
des Vignoles; quoi que mon Beau-frére dît, qu’il devoit l’envoier en peu de jours, mais sans
marquer par quelle voie. Je ne sai si ce ne seroit pas par quelques Marchands de
Berlin, qui viennent dans ce tems-ci à Amsterdam.

Les Ducatiana ne paroissent-ils pas encore? J’ai vû dans la Gazette, la mort du
P. Niceron. N’y a-t’il pas quelque autre Tome de ses Mémoires? Le dernier que j’ai, est
le 38. Il me semble aussi avoir vû quelque autre Tome des Ouvrages de Politique de l’Abbé
de St Pierre; dont j’ai le onziéme. Je crois que c’est Kuyper qui m’a fourni les préce=
dens. Et cela me fait souvenir de l’Histoire de l’Acad. des Sciences, qu’il m’a toûjours
fournie. Je vois par le dernier Journal des Savans, que le Tom. l’Année 34. est imprimée
à Amsterdam. Je n’ai que la 32. que Kuyper m’apporta lui-même, il y a environ
deux ans. Je vois aussi par ce Journal, ce qu’on a vû il y a long tems ailleurs, que
le VI. & dernier Volume des Oeuvres de Sigonius a paru. Est-ce que Waesberge,
de qui j’ai les deux prémiers, ne me fournira jamais le reste? J’attens cela, pour régler
mes comptes avec lui, & lui paier ce que je lui devrai de reste, déduit les 100 flor. qu’il
me doit pour le Grotius Latin. Je voudrois aussi en faire de même avec les autres Libraires,
pour n’avoir plus de compte, que chez Mrs Wetstein & Smith; ce qui seroit moins
embarrassant.

Vous me ne me dites rien sur le Portrait de Prince; de quoi vous m’assûriez, dans
vôtre pénultiéme, que vous deviez parler.

Mr Smith m’envoia, de la part de Mr Wesseling, les deux Dissertations, jointes ensemble
qu’il vient de publier, De Judaeorum Archontibus, & de Evangeliis jussu Imp. Anastasii non
emendatis
; me priant de sa part d’en donner un Extrait. J’en ai fait un, assez long, de la
prémiére; renvoiant l’autre à une autre fois. Celle-ci regarde le Passage de Victor de
Tunune
, dont il est parlé dans la Friponnerie Laïque; & Mr Wesseling l’explique
autrement, que n’a fait le D. Bentley. Dans la Préface, il promet une autre Dissertation
dont il donne le précis, à l’occasion de ce que Mr Astruc a dit au sujet de l’Anonyme
de Ravenne
. En le critiquant sur quelque chose, il avouë que, sur ses raisons, il a changé
de sentiment en un point; & il louë d’ailleurs beaucoup l’Ouvrage. Quand j’aurai
reçû ce Livre, je pourrai en donner un Extrait, & curieux apparemment.

Je suis toûjours, mon cher Monsieur,

Tout à vous,

Barbeyrac

Ma fille, & mon Gendre, qui est venu
faire un tour ici d’Embden, vous saluent.

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 02 août 1738, cote BPF Ms 295/80. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/818/, version du 25.07.2016.
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