Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 28 décembre 1737

A Groningue ce 28 Dec. 1737.

J’ai reçû vôtre Lettre, mon cher Monsieur, avec le paquet du Maittaire, & de l’exemplaire
du Tr. du Jeu. L’Anglois, pour qui est cet exemplaire, a raconté, comme je vous l’ai dit, ce qui
se passa, quand il fut demander mon Livre à la boutique de Mr Humbert; & je ne vois pas pourquoi
il n’auroit pas dit la vérité. Il n’y a nulle apparence, que ce fût seulement par hazard qu’il vit
sur la Table la prémiére Edition. Il alloit exprès pour demander l’autre, Mr Smith lui aiant dit,
que c’étoit là qu’il devoit s’adresser. Celui-ci a eû grand tort d’envoier depuis demander le Livre
par le même sous mon nom, & en montrant ma Lettre. Si j’avois pû le prévoir, je n’aurois eû
garde de lui en écrire. Je souhaitte que vous puissiez racommoder ces deux Libraires.

Je suis effectivement, comme vous le dites, débarrassé, par la mort de la Reine d’Angleterre, du
soin de 1 mot biffure chercher, peut-être inutilement, à lui faire envoier l’exemplaire que Mr de
Crousaz lui destinoit de son Livre. Si j’avois sû ce que vous me dites au sujet de DeHondt,
par rapport à l’Abrégé de l’Examen du Pyrrhonisme, je l’aurois marqué à Mr de Crousaz,
quand je lui écrivis.

Je vais écrire à Mr Sidobre, avec qui je n’ai eû aucun commerce, n’aiant rien à lui
dire, depuis une Lettre par laquelle il m’accusoit la reception de la derniére Edition de l’Abrégé
de Pufendorf. Je lui demanderai le Livre de Mr Astruc, comme ne devant pas apparemment
être rimprimé en Hollande, & n’étant pas assez intéressant dans ce païs, pour que les Libraires
en fassent venir beaucoup d’exemplaires.

J’écrivis Mardi passé à Mr d’Orville, pour lui faire un petit compliment de condoléance
sur la mort de sa femme. Mr Rossal, à qui je l’appris, lui écrivit aussi sous mon couvert.

Je suis bien aise, que Mr de Beausobre soit rétabli. Il est d’une bonne constitution, & se
ménage beaucoup.

Il faut que je vous communique ce que me dit mon Neveu, pour qui vous intéressez, & je
vous prie de le faire à présent, dans une Lettre que je reçus il y a quelques jours. "Il y a, dit-il,
quelques semaines, que Mr Van Eys, en me paiant ma demie année, me dit, qu’il esperoit
que j’aurois bien tôt une Eglise; qu’il y en avoit plusieurs de vacantes, Deventer, Viane, Groede,
Ziriczée, & Groningue. [Notez, comment un bruit si faux à l’égard de Groningue s’est répandu par tout; on n’en
sait rien ici, & on m’a dit, que Mr Jodouin ne pensoit pas même à demander d’être
fait emeritus] Qu’il m’avoit fait venir ici, principalement pour avoir soin de l’éducation de
ses Enfans, mais que, comme cela ne réussissoit pas à son gré (ses fils doivent être
mis dans le comptoir de ses fréres à Amsterdam) qu’il me seroit infiniment plus
avantageux & plus honorable d’avoir une Eglise, & qu’il s’intéresseroit de toutes ses
forces à pour m’en faire avoir une; qu’il avoit déja sollicité à Deventer en ma faveur, &
qu’il s’emploieroit avec plaisir par tout ailleurs, où il croiroit pouvoir réussir. J’étois en quelque
maniére un peu préparé à ce compliment. Un de mes Amis m’avoit déja fait entendre, qu’il falloit
que je songeasse à un établissement plus fixe; que le Magistrat n’étoit pas fort content que
je remplisse la moitié des tours de Mr Van Eys, & que, comme ces Mrs sont presque tous des
parens de sa femme, ils ne voient qu’avec chagrin, que leur Allié se néglige si fort. Je répondis à
Mr Van Eys, que j’étois actuellement occupé à solliciter une Eglise, & que je ferois tout
mon possible pour en attraper une; que je serois bien mortifié d’avoir fait la moindre
<1v> chose qui pût lui déplaire, & que je le priois de me dire, si je ne m’étois pas toûjours conformé
à ses volontez. Il répondit, qu’il n’avoit rien contre moi, qu’il avouoit avec reconnaissance, que j’ai
toûjours eû une entiére complaisance pour lui, mais que, comme ses Enfans & moi ne
sympathisions pas tout-à-fait, & que d’ailleurs il seroit plus agréable pour moi de n’être pas
si gêné, il me conseilloit de prendre ce parti, & qu’il feroit tout ce qu’il pourroit pour me
faire réussir. J’avois appris, depuis quelques semaines, que Mr Chion de la Haye cherchoit
encore un Proposant pour l’Eglise de Norwich, en Anglet. qu’on m’avoit offerte au commen=
cement de cette année. Je lui écrivis à l’instant, pour m’en informer. Il me répondit avant hier,
qu’il croioit l’Eglise de Norwich pourvuë, mais que souhaittant de me rendre service, il alloit
écrire à Londres, pour en être assûré; & que comprenant par ma 1 mot biffure Lettre que je souhaittois
d’être établi, il demanderoit en même tems, s’il n’y en avoit point d’autre vacante: Qu’au
reste on lui avoit dit, comme une chose sûre, que Mr Jodouin est déja fait emeritus, & qu'il
me conseilloit de faire aussi quelque tentative de ce côté… Je n’ai guéres d’espérance du
côté de Deventer, quoi qu’on me flatte encore de l’obtenir; je n’ai pas dans ma manche les
principaux Magistrats &c."

Vous voiez par ce que mon Neveu dit de Deventer, que ce qu’on vous a appris de la
nomination déja faite de 5. proposans, dont mon Neveu n’est pas du nombre, n’est peut-être
pas vrai. Au moment je ne comprends pas comment il l’ignoreroit, étant si près. Cependant
comme il n’y a pas moien de compter là-dessus sûrement, je vous prie de vous informer par
vos Amis, sur les autres Eglises qu’on dit vacantes, ou sur tout autre parti qui pourroit
convenir à mon Neveu, dans la situation incertaine où il se trouve, & de l’aider de vos
recommandations. S’il eût prévû, que Mr Van Eys dût si tôt se lasser de lui, il auroit
accepté l’Eglise de Norwich, quoi que peu considérable.

Vous m’avez envoié le 38. Tome des Mémoires de Niceron: mais on a oublié le précédent
37. que je n’ai jamais reçu. Mr Barrillot, si je ne me trompe, m’a dit autrefois, que cet
Ouvrage s’arrêteroit au 40. Tome. Cela me fait souvenir du Dictionnaire de La Martiniére.
Est-ce que le dernier Volume, qu’on promet depuis long tems, ne paroît pas encore?

Mr Smith me dit, dans sa derniére Lettre, postérieure à la vôtre, que vous vous
portez à merveille, & qu’à l’aide d’une Lampe à trois mêches, d’une nouvelle invention,
vous comptez de pouvoir lire de nuit, & corriger, aussi commodément que dans le grand
jour, & sans aucun tort à vos yeux. Je vous en félicite. Prenez garde cependant de
ne pas trop vous fier à ce nouveau secours, crainte qu’imperceptiblement vôtre vuë n’en
souffre. Je renouvelle, à l’occasion de la nouvelle année où nous allons entrer, les
voeux que je fais continuellement pour vôtre santé & vôtre conservation. Ma fille,
& mon Gendre, y joignent les leurs. Je suis toûjours, mon cher Monsieur

Tout à vous

Barbeyrac

Vous pourrez voir ce que je dis à
Mr Smith, de la Traduction de Diod. de
Sicile, dont j’envoie un Extraît, avec d’autres.

Note

  Public

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Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 28 décembre 1737, cote BPF Ms 295/79. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/817/, version du 25.07.2016.
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