Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 18 février 1730

A Groningue ce 18 fevrier 1730.

J’ai bien reçu hier, Mon cher Monsieur, le paquet de l’envoi des Wetstein, où étoient
les Marm. Oxon. le IV. Tom. du Thes. Juris, & le Boivin, Oedipe &c. De Coup, comme vous
l’avez bien cru, n’aiant point envoyé les deux autres livres. Je garderai les Marmora Oxon.
je ne saurois resister à la tentation d’avoir ce beau Livre. Aussi bien ne pourrois-je pas
m’en servir peu de tems, sans le faire trop à la hâte, & sans perdre des choses utiles, auxquelles
je ne pourrois pas prendre garde d’abord, en le parcourant. Il y a un autre Livre, dont
j’aurai besoin, & que je pourrois bien acheter aussi, si le prix n’en est pas trop rebuttant;
c’est le Livre de Mr de Spanheim de Praestantia & usu Numismatum, dont Wetstein a
imprimé le II. volume. Je n’ai pu trouver ici, que la petite Edition in 4o. de 1671. que
Mr Rossal a. Mais celui-ci a eu aussi par bonheur les Inscriptions de Gruter, Ed. de Holl.
j’ai trouvé un autre Traité original. J’ai déja écrit huit ou neuf pages in folio, &
je me suis bien raillé de l’ouvrage par ce nouveau dessein. Mais aussi cela sera
curieux, & bien assorti avec le Corps diplom. Je suis en train, de maniére que je
serai obligé de me retenir, pour ne pas nuire à ma santé. Le prémier article des
Marmora, qui contient un beau & grand Traité, & dont la datte est à peu près sûre, me
donnera lieu de placer ensuite les autres Traitez de ce genre, sur lesquels on n’a rien
qui indique le tems.

Les feuilles du Pufendorf, me font souvenir, que j’ai vû ici chez les Anglois, dont je
vous ai parlé, une nouvelle Edition Angloise, de 1729. où l’on a enfin traduit toute ma
Préface, à la reserve du dernier paragr. qui regarde uniquement la Version Franç. La
Traduction n’est pas de la même main, qui traduisit il y a quelques années le
morceau qui regarde les Ecclésiastiques; car, outre la différence du nom des Traducteurs,
dont Mr Desmaizeaux m’avoit nommé le prémier; celle-ci est fort différente, &
paroît beaucoup meilleure, autant que j’ai pu en juger, en y jettant un peu les yeux.

J’écris par cette même poste à Mr Slicher.

Comme je n’ai pas reçu de lettre de Berlin il y a quelque tems, j’ignorois absolument
le mariage burlesque de M. Beausobre. Ce qu’il vous en dit est fort plaisant. Ce
Vieillard amoureux a pour le moins autant d’âge, que Mr Le Clerc.

Je croirois, comme vous, que Mr de Crouza a inventé lui-même la prétenduë nouvelle
d’une brouillerie entre Mr Le Clerc & moi. Dequoi pourroit-on soupçonner que Mr
Le Clerc se fût offensé, dans un Livre où très-souvent je le défens, en me défendant
moi-même? Mais je crois que Mr de Crouza n’est pas fort content de lui, à cause
l'1 mot biffure de quelque chose qu’il avoit dit dans sa Bibl. A. & Mod.

Mr Collins, qui étoit si riche, & qui, je crois, ne laisse point d’enfans, pouvoit
bien faire un plus gros legs à Mr des Maizeaux. Il est à souhaitter que celui-ci
garde pour lui ses Mss. qui ne ferontient pas apparemment grand bien au Public.

On s’est donc aussi imaginé à La Haie, que j’étois l’Auteur des Extraits contre
<1v> Mr Saurin? Cela me fâche; il y a toûjours assez de gens ou malins, ou peu
éclairez, qui croient aisément les choses les plus absurdes. J’écrirois volontiers à Mr
Saurin, si je pouvois soucpçonner qu’il fût tant soit peu entré dans ce soupçon;
& je le ferois d’une maniére à le bien désabuser. Dans mes Notes sur Grotius, je me
suis muni moi-même de son autorité sur la question du Mensonge, parce qu’il me nous
avoit montré son Ms. du II. vol. des Discours, comme vous pouvez vous en souvenir, quand nous fumes ensemble à
La Haie en 1721. Il faudroit être fou, aprés cela, pour l’attaquer là-dessus brutalement,
comme on a fait; pour ne rien dire des autres choses, qui me justifient pleinement, dans
l’esprit de quiconque aura lu ce que j’ai écrit. Dès que j’eus vû l’endroit du dernier Art.
de la Bibl. Rais. où l’on a affecté de citer Grotius & Pufendorf en Latin, je jugeois qu’il y
avoit là une belle malice de l’Auteur, & je commençai à craindre l’effet que je vois que cela
a fait.

Uytwerf doit avoir reçu deux paquets pour moi, & j’ai été surpris de ne pas trouver
le prémier dans le dernier paquet. J’oubliai de vous en parler. Ce sont des coeffes de papier pour mettre sous la perruque;
une personne d’ici, qui avoit écrit pour cela, m’assûre qu’on lui dit avoir remis ce paquet
chez Uytwerf dès l’année passée, & assez avant la fin. L’autre est un paquet de tabac,
qu’on a donné ordre à Delprat, qui nous sert de cela, de remettre aussi chez Uytwerf.
Si celui, dont vous parlez, est autre chose, je ne sai d’où il vient. Au reste, faites, je vous
prie, souvenir Uytwerf des Pseaumes de la n. version. C’est pour une personne, à qui je
les ai promis depuis long tems. Je suis de tout mon coeur, Mon cher Monsieur,

Tout à vous

Barbeyrac

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 18 février 1730, cote BPF Ms 295/68. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/804/, version du 19.07.2016.
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