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Lettre à Pierre Desmaizeaux, Lausanne, 07 décembre 1714
A Lausanne ce 7 décembre 1714.
Je reçûs, Monsieur, en son tems, les Géographes Grecs, & les Tables Chronologiques, dont
je vous avois remercié par avance; comme aussi les Lettres de Mr Bayle. Je n’ai pas eu occasion
depuis de vous en accuser la reception; d’autant plus que l’adresse que vous m’aviez donnée, & dont
je me servis en vous envoyant une Lettre de Made vôtre Mére, aurait peut-être été inutile
depuis la révolution des affaires d’Angleterre. J’ai été fort surpris, comme tout le monde, de
la liberté que s’est donnée le Sr Marchand; & j’ai vû avec plaisir de quelle maniére vous
le relancez dans l’Histoire Critique de la Rép. des lettres. Je suis bien aise d’avoir la prémiére
Edition du Comm Philosophique; & je ne conseillerai à personne d’acheter l’autre, dans la
crainte de trouver à chaque page les pensées du Corecteur au lieu de celles de l’Auteur.
Au reste, on m’a prié de vous écrire en faveur d’un Proposant, qui a envie
d’aller chercher fortune en Hollande, ou en Angleterre. Il est natif de Lausanne, mais François.
Nous avons fait ce que nous avons pû, 2-3 mots biffure pour obtenir du souverain, qu'il fût
regardé comme du païs, ou comme ceux qui ont fait ici toutes leurs études; & en cette qualité,
qu’il pût prétendre aux Emplois vacans. Mais, comme il n’est ici depu que depuis quelque tems, aiant
été élevé à Berlin, où est sa famille; nous n’avons rien pû obtenir, quoi qu’il soit parent de
Mr Polier & des meilleures familles de la Ville. J’avois même fait consentir unanimément tou
l’Académie, à autoriser sa requête; qui n’a pas laissé d’être rejettée, à cause de quelque contretems.
Il songe donc, par l’avis de ses parens, à aller ailleurs chercher quelque moyen de subsister, soit
comme Gouverneur, ou Ministre, ou de quelque autre maniére; car il ne se fera recevoir, qu’au
cas que cela lui soit nécessaire. C’est un jeune Homme, qui a de l’esprit, & qui est fort sage.
S’il n’a pas cultivé ses Humanitez, autant que je le souhaitterois, il peut y suppléer avec le tems.
Il s’appelle de Villette. Si vous pouviez nous donner là dessus quelque ouverture, ou
quelque conseil, par vous-même, ou par vos Amis, vous m’obligeriez extrémement. Je lui ai
dit, qu’il seroit bon qu’il fût sur les lieux, & qu’il apprît l’Anglois; ce qu’il pourroit
faire en peu de tems, sâchant déja l’Allemand.
Mr de la Motte vous aura envoyé les Discours de Mr Noodt; & il vous
fera aussi tenir un exemplaire de mon Discours sur l’utilité des lettres &c. je n’ai pû le
lui faire tenir à lui-même que depuis peu de jours. J’espére qu’il se présentera des occasions
plus considérables de vous témoigner ma sensibilité à toutes vos honnêtetez, & de vous faire
connoître avec quelle sincérité je suis,
Monsieur,
Vôtre très-humble & très-=
obéïssant serviteur
Barbeyrac
A Monsieur
Monsieur DesMaizeaux
A Londres