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Lettre à Pierre Desmaizeaux, Lausanne, 28 novembre 1713
A Lausane ce 28 Novembre 1713.
Il y a deux jours, Monsieur, que j’ai reçû vôtre Lettre du 22 Octobre. C’est la prémiére qui me soit
parvenuë de vous, depuis que je suis dans ce païs, & je n’ai jamais vû celle que vous dites m’avoir écrite
par un Gentilhomme Anglois. Je me fais un grand plaisir de pouvoir vous écrire aujourdhui, par le canal de Mr
de la Motte, sans avoir besoin de vous écrire en droiture; & je suis encore plus aise de pouvoir vous donner des nouvelles
de Madame vôtre Mére. Elle se porte très-bien: je vis hier un Proposant d’Avanches, qui en est venu depuis
quatre jours, & il m’a promis de lui faire savoir que vous étiez en peine d’apprendre de ses nouvelles, &
que vous lui avez souvent écrit, sans en avoir eu aucune réponse. Vos lettres ont eu apparemment le même
sort, que celle que vous m’aviez écrite parle Gentilhomme Anglois. Quand vous me ferez l’honneur de m’écrire,
& que vous voudrez bien me charger de quelque commission pour Made vôtre Mére, comme je suis à portée de
m’en aquitter facilement, je le ferai avec plaisir. Je serai ravi d’ailleurs que ce soit une occasion pour
moi de recevoir de vos nouvelles. Vous aurez toûjours quelque chose de nouveau à m’apprendre de vos
quartiers; & si je ne puis en revanche vous rien apprendre d’un païs comme celui-ci, où Litterae
plane jacent, ce ne sera pas ma faute. Je vis ici en passant Fritsch, qui me dit que les
Lettres de Mr Bayle 1 mot biffure étoient sous la presse. J’ai fait vos complimens à Mr Constant, qui m’a
chargé de vous saluer de sa part. Il attend avec impatience de voir ces Lettres imprimées. L’Edition
du Dictionnaire, qui se fait à Genéve, n’a pas encore paru: on l’imprime aussi vîte qu’on peut faire
à Genéve. Elle est fort jolie; j’en parle pour l’avoir vuë. Si elle est aussi correcte, tout ira bien.
Les Libraires ont résolu de faire imprimer à part les corrections & additions qui pourront se trouver dans
l’Edition que les Fritsch & Bohm ne manqueront pas de faire dez qu’ils 1 mot biffure n’auront plus d’exem=
plaires de la leur. Vous verrez dans un des prémiers mois du Journal de Paris, une prémiére
& derniére Replique à Mr Du Tremblai, pour réponse à sa Lettre du mois de Juillet des Mem. de Trevoux.
Mr L’Abbé Bignon, qui m’a promis de faire inserer cette derniére Réponse dans le Journal, paroît
assez content de la maniére dont je m’y suis pris pour rembarrer un homme, contre qui je n’aurois
plus dit le mot, si je n’avois eu de nouvelles reflexions à faire, pour mettre dans tout son jour
une matiére que l’on est fort sujet à prendre tout de travers, à cause de certains préjugez fort
enracinez. Selon ce que vous me marquez, le D. Bentley a levé le masque contre Mr Le Clerc.
Il aura apparemment mis son nom à la nouvelle Edit. de ses Emendationes faite à Cambridge; &
répondu aussi à Philargyre. C’est une piéce à avoir, pour la suite de la Dispute, & vous me ferez plaisir
de me l’envoier. Je voudrais bien aussi avoir les II. III. & IV. Tomes des Geographi minores de Mr
Hudson, dont je n’ai que le prémier; si on peut trouver à part les 3. voll. qui me manquent, & que le prix n’en
soit pas trop grand. J’aurai soin de vous faire rembourser par Mr de la Motte. J’ai reçu depuis quelques
jours l’Horace de Bentley, de l’Edit. de Holl. C’est dommage que tant de savoir & de pénétration se
trouve joint avec tant de fierté, & avec une trop grande délicatesse, qui lui fait corriger bien des passages
sans beaucoup de nécessité. J’avois ouï parler des Tables Chronologiques de Mr Marshall, & je vous
suis bien obligé de ce que vous prévenez le désir que j’avois de vous prier de me les envoyer. Je souhaitte
qu’il n’en demeure pas là, & qu’il continuë depuis J. Ch. jusqu’à nôtre tems. Je ne sai si Mrs
Wasse & Oddy ne se disposent pas à publier bien tôt, le prémier son Diodore de Sicile, & l’autre
Dion Cassius. J’attens avec impatience ces Editions d’Auteurs si utiles, mais si rares.
Je n’ai, Monsieur, d’autre adresse à vous donner que mon nom. Lausane est
bien différent de Londres, où l’on a de la peine à trouver les gens. Je suis de tout mon coeur
Vôtre très-humble &
très-obéïssant serviteur
Barbeyrac
J’ai toûjours prié Mr de la Motte de vous remercier des
Livres que vous m’avez envoyé de tems en tems. Je ne les
articulerai pas, crainte d’en oublier quelcun; car je suis
pressé.
A Monsieur
Monsieur DesMaizeaux
A Londres