,
Lettre à Louis Bourguet, Lausanne, 20 avril 1717
A Lausanne ce 20 Avril 1717.
Monsieur,
J’ai parlé de vous à Mr De Crouza, qui va après demain faire un tour à
Berne. Il m’a promis de vous faire connoître aux Seigneurs qu’il verra, surtout
aux Curateurs, & de leur insinuer que vous seriez très-propre à faire honneur à
cette Académie dans le poste qui sera vacant. Je vous donnerai avis, quand il
sera tems d’agir, c’est-à-dire, quand j’aurai demandé mon congé. Si vous
avez des Amis, qui aient des rélations à Berne, comme par exemple Mr
Osterwald, vous ferez bien de les employer. Il ne faut pas faire des façons là-dessus,
car, quelque mérite qu’on aît, les recommandations ont beaucoup de poids; surtout
auprès de gens, qui sans cela ne vous connoîtroient point. Au reste, il n’y a pas
d’apparence qui la Chaire se dispute dans les formes; elle est regardée sur un
autre piè, que les autres établies de tout tems.
Il n’y a absolument rien dans le Tome XII. de Masson, qui aît du rapport
à Mr Leibnitz; 1 mot biffure ni d’ailleurs rien de fort considérable. Je n’ai pas reçû réponse de
Berlin, depuis que je demandai le nom de l’Anonyme, Auteur de la Lettre adressée à
la feuë Reine de Prusse; & je ne me souviens pas assez de ce que contient cette Lettre,
pour 1 mot biffure savoir s’il y a lieu d’accuser l’Auteur de Spinozisme. Prenez garde, Monsieur,
qu’en voulant défendre Mr Leibnitz, vous ne l’exposiez à la rétorsion de
Spinozisme. Je puis vous assûrer qu’en Allemagne, & ailleurs, il y a bien des gens
qui le regardent comme un Spinoziste caché. Je n’ai garde d’intenter légérement
contre qui que ce soit une accusation si atroce: mais il y a des gens qui y donnent
lieu imprudemment; & sur ce piè-là Mr Leibnitz ne seroit pas à couvert, si
on tiroit des conséquences de son systême, & de ce qu’il a dit sur la Liberté, qu’il
détruit assez clairement dans son Essai de Théodicée.
Je n’ai vû nulle part annoncée la Seconde Edition de Confucius, dont
vous parlez, par les soins de ce fripon d’Aimon. Je suis toûjours, avec
tout l’attachement possible,
Monsieur
Vôtre très-humble &
très-obéïssant serviteur
Barbeyrac
A Monsieur
Monsieur Bourguet
A Neufchatel