Transcription

Rivarol, marquis de, Lettre à Auguste Tissot, [s.l.], [s.d.]

sangsues bains, antimoines et veronique; humeur acre sur les intestins et la vessie 

Monsieur

je ne suis point Medecin, aussi ma lettre se ressentira de 
l'Ignorance de cette science, mais j'ai mieu aimé encourir ce
blame, que d'avoir recours a un Medecin pour vous detailler mes
incomodités, car les Medecins vous definissent les Maladie telle, qui
la croyent, et jamais comme elle l'est réellement, je suis une
preuve de cette triste verité, puisque je fais la douloureuse
experience que les Medecins n'entendent rien a ma Maladie
puisque tous les remedes, qui m'onts administré jusqu'a present
ne m'onts été d'aucun secours, aussi en vous detaillant moi meme
l'etat de mes souffrances, je me flate, que vous pourrais plus
aisement asseoir votre sentiment, et que vous pourrais plus
facilment trouver les remedes, qui me sonts necessaires.

Depuis plus de dix ans je suis tourmenté par des Coliques, des
mucositis, qui se melent avec les escrements, me causent des
douleurs tres cuisantes, il y a sept ans, que je fus attaqué d'une
Colera Morbus, qui me mit presque au Tombeau, revenu de
ce danger les causes de mes souffrances ne cesserent point
malgrés tous les differrents remedes, que l'on m'a administré
rien ne pouvant me delivrer des Mucositis, qui ne discontinuerent
point de m'affliger tous les jours. Un an aprés cette Maladie
j'eu une forte eruption sur tout le Corp de Gros Boutons, que
la chaleur fesait disparoitre, mais une fois qu'elle disparoissoit
j'etois dans la plus grande agitation, et une heure après, que
j'étois entré dans mon lit, il m'en falloit sortir, pour jouir
<1v> de quelque calme, auquel je ne pouvois parvenir, qu'après avoir pris
deux ou trois Lavements, je fus tourmenté par cette incomodité toutte
l'automne, et une grande partie de l'Hyver, je pris dans cette circonstance
tous les Remedes Rafraichissants, et délayants, ensuite je continuais
longtems une forte decoction de Guaiac, et de salse pareille, qui
finit d'arretter cette incomodité, mais qui n'apporta aucun soulagement
aux Coliques journalieres, que je souffrois constamment, je fus successivement
attaqué les années suivantes d'humeur de Rhumatisme, qui me
donnoit tantot sur les Dents, tantot sur les Yeux, et tantot sur les
Jambes, mais de ces dernieres infirmités je m'en delivrois avec les
remedes D'usage, mais je n'ay jamais pu parvenir a me delivrer
des Coliques; l'année passée au Mois de Mai ayant été attaqué
plus violemment par ces coliques, lorsque les premieres empreintes
des Douleurs commencerent a passer il me survint une fievre
D'accès, qui me continuà très long-tems, comme cette fievre n'avoit
point un periode bien fixe, puisque tantot elle avoit celui d'une
fievre tierce, tantot celui D'une Quarte, et souvent meme d'une
Double tierce, les Medecins crurent que c'etoit une fievre Rheumatique
ce qui les empechà de me doner le Kinà, comme la fievre
m'assomoit on me le donna enfin, mais en si petite dose, qu'il
ne chassà point la fievre, les Medecins crurent, que c'etoit le cas des
A3 caractères écritures Amers, qui ne me firent aucun bien, enfin après avoir essuyé
vintcinq Paroxismes, je me determinais moi-meme a prendre le Kina
a la dose d'une once ce qui me reussit, mais a l'avant dernier accés
de fievre, je fus assalis par une forte fluxion sur les dents sur la
<2r> Machoire gauche Droite, elle tenoit presque de la Rage de Dents, la jouë etoit
de ce coté très enflée, au dernier accès la fluxion disparu, et cette
humeur acre passa a la poitrine du coté gauche, de sorte que
je fus entierement perclus par une humeur de Rumatisme, qui
me tenoit depuis la premiere cote, tout absolument le coté gauche
de mon corp, quelques jours après on apperçut entre la premiere Cote
et la seconde une Tumeur très grosse, que l'on jugeà un exostose, ce
qui persuadà aux Medecins, qu'un Virus Venerien etoit la cause
de ma Maladie, que je ne pouvois esperer de Guerison, que dans la
grande cure Mercurielle, une fois donc delivré des fievres d'accès
je me preparois a cette Cure, que j'entrepris a la fin de juillet.
La cure fut très heureuse, j'en fus presque nullement incomodé
si ce n'est qu'un leger mal de Gorge, et un'espece de J3-4 caractères écritureme qui
durà trois jours, pendant ce tems je ne rendois que des Mucositis avec
du sang, mais avec des Lavements émollients j'en fus quitte, et
Malgrés que dans quinse grosse frictions l'on m'aye administré
près de trois onces de Mercure, je n'ay cependant point ëu ny des
Crises par les salives, ny par les voÿe des Urines, ou des escrements
ny meme par la Transpiration, je crachais un peu plus qu'a
l'ordinaire, la pretenduë exostose diminuà les premiers jours, mais
elle ne cedà point aux frictions de sorte que la Cure etoit finie
qu'Elle existoit encore, et j'en fus delivré que deux mois après par
l'onguent de la Mere. Mes Coliques ne cesserent point, mais
elles etoient un peu diminuées, et je commencois a me rejouir
du succès de ma cure, lorsque je fus attaqué par une nouvelle
incomodité, elle consite dans des fortes ardeurs d'Urine, avec
<2v> une forte irritation a la Vessie, de sorte qu'il me faut des efforts, pour
lacher les Urines, lesquelles passants dans le Canal de l'Uretre me causent
une sensation cuissante, et douloureuse, et a tous les instants j'ai envie
de Uriner, les Urines sortent cependant en plein canal, et ce ne sonts
que les dernieres gouttes, qui me causent des spasmes, et des douleurs, ces
Urines sonts d'une nature Huileuse, elles charient une humeur, qui
approche beaucoup de la terre calcaire, j'ai aussi des douleurs dans
les fondements et meme des Hemoroides internes: Quelques uns des
Medecins onts craint, qu'il n'y eut un corp etranger dans la Vessie ce
que l'on auroit pu verifier par la sonde, mais cette operation devenoit
un peu difficile vuë les Carnosités, que j'ai dans l'Uretre, et comme des
Autres Medecins sonts d'avis, qu'il n'y a point de corp etranger dans
la Vessie, mais que cette Maladie est produite par des Mucosités, qui
sonts Melées dans les Urines, je ne me suis point decidé pour cette operation.
Cependant depuis deux mois j'ai fait usage de tous les remedes delayants
rafraichissants, aperitifs, Des Demi-Bains, et je n'en suis point soulagé.
a cette incomodité près je me porte bien, Mon pouls est très juste, je
suis assès en force, j'ai mon appetit come a l'ordinaire, et mon someil
tranquille, mais c'est une grande incomodité que de devoir lacher
des Urines a tous les Instants, malgrés que le Volume n'en soit point
considerable car j'en rends ordinairement qu'un cuillere a soupes.

Voilà Mr l'etat de mon infirmité, il faut que vous sachiès, que je
suis assès frugal, que je vis presque toujours de Regime, fesant grand
usage du lait, et du petit lait, que je ne bois jamais de vin et que
je ne fais aucun usage des Boissons fortes, et si ce n'est que d'avoir
un peu trop aimé le Beau Sexe, sans quoi je n'aurois aucun excès
a me reprocher j'ai quarante six ans, et je suis de la grande taille
et d'une organisation assès robuste.

Le Mquis de Rivarol.

Etendue
intégrale
Citer comme
Rivarol, marquis de, Lettre à Auguste Tissot, [s.l.], [s.d.], cote MHL Fonds Bridel. Selon la transcription établie par Béatrice Lovis et Miriam Nicoli pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/741/, version du 28.03.2014.
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