Transcription

La Chabliere, Juillet le 18 1765

Monsieur mon très cher et honoré Pere

J’aurois eu l’honeur de vous ecrire plus tôt si la curiosité de
voir Hermenche ne m’avez pas engagé a demander la permis=
sion a mon cher Oncle , j’ai atendu mon retour pour pouvoir
vous en donner des nouvelles, je fit le voyage avec Monsieur
Cibold qui y alloit pour faire miser les Diemes, je trouva tout
en fort bon ordre, et fut fort surpris de voir les réparations
que vous avez fait faire. J’etois prevenu des Peintures de la
Salle a mangè ce qui l’a rendue on ne peut plus jolie quoique
toutes les ressamblances ne sont pas parfaites, il y en a quelques
unes de très bonnes. Le Portrait qu’on a tiré pour vous, ou
vous etez dans un Bois un Livre a la main et un pauvre
qui vous demande la charité, j’ai trouvé que si l’on l’avoit
tire pour O Freund l’Acteur, il ne seroit pas plus ressamblant,
vous avez rendu votre chambre la plus Jolie qu’on puisse
<1v> voir, les etangs sont magnifiques, tout est si beau que j’étoit
fache de ne pas y pouvoir rester plus longtemps, ce qui le
rend plus agreable, c’est l’abondance de fruit et de Lievres
car les Paysans disent qu’ils viennes jusque dans leur Granges
et en Effet je n’en n’ai jamais vu autant car dans moins
de rien nous en vimes trois et en tuerent un. Les Diemes
sont allé plus haut que L’année passée, Monsieur Cibold
vous expliquera ça mieux que moi, quoique je lui ai fait bien
des Questions et me suis instruit beaucoup sur le sujet.

Depuis que j’ai eu l’honeur de vous ecrire mes occupations ont un peu
changées. Je vai au manege le Mardi et le Samedy et ces
deux Jours je prens ma leçon de Clavesin en Ville et un
certain Monsieur François vien me donner des leçons de Religion
et de Geographye, quand au reste il n’y a rien de changé.
J’ai eu le plaisir d’Etre d’une charmante partie de plaisir
qui etoit un Diner dans un Bois, nous nous divertimes beaucoup,
la compagnie etoit assez nombreuse, il y avoit Madame
D’aubonne , Monsieur et Madame de S^t Sierge , Madame de
Goumoin, ma chere mere, Monsieur de Messeri , mon oncle Juste,
<2r> monsieur de Montagni & monsieur Clarke... J’ai eu un plaisir
sensible d’aprendre que vous etes en bonne santé et que vous vous etes
aussi beaucoup diverti pendant que monsieur de Bezenvall etoit a Lille.
apresant que j’ai le bonheur d’etre ici j’ai le contentement d’aprendre
souvant de vos nouvelles par quelques uns de mes chers Parents
ce qui me fait un plaisir enfini, mon cher Oncle Juste est
alle faire une tournée de quelques jours du coté de Genève.

vous demandé a monsieur Cibold l’Etat de mes Finances
depuis que je suis ici, je n’ai pas encore eu d’argent
parsce que avant que j’ai quité Namur mon cher Oncle a
paye avec les apointements du mois de Juin une Robe de
chambre, des Culottes de velours, une Pair de culotte noire, et a
fait un present au Jesuite, et avec les apointements du mois
de Juillet il a falu payer les maitres du moi de Juin,
ainsi je crains d’Etre toujour un mois en arriere.

Avec le plus profond respects

J’ai l’honeur d’Etre
Votre très humble
et obeisant fils
Guilliaume Constant

A Monsieur
Monsieur Constant d’Hermenche
Major du Regiment d’Eptingen
en Garnison
à Lille