Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Plessis, 25 mai 1741

du plessis ce 25e may 1741

ton amitié me flate mon cher saconay comme le bien que
je désire le plus, je la mèrite assurément par mes
sentiments pour toy, mais l'on n'a pas toujours tout
ce que l'on mèrite, tu m'as protesté tant de fois que tu
etois mon amy jusques a la mort, cest dans cela que
les paroles valent leur poids

ton idée pour le règiment de bettens me paroit bonne, dès
que tu conserve ton gout pour le service, cepandant comme
tu me dis que tu n'as point de gout d'amis essentiels dans
le paÿs que tu habites, ne parle du tout point de ton
depuis le début de la ligne reliure, ny de toutes celles que tu peux avoir, outre que
depuis le début de la ligne reliure projets manqués jettent un air d'infortune sur un
homme qui influe sur la considèration nécessaire dans
une république, dailleurs il n'est point nécessaire que les
depuis le début de la ligne reliure diffèrents parmy lesquels il se foure toujours des envieux
et parconséquent des ennemis, soient instruits des variations
de notre cerveau, l'inconstance est des dèfauts de l'humanite
je pense le plus gènèral, il paroit mème faire partie de nous
memes, la monotonie nous aflige, lunisson ébranle toute
<1v> la nature, enfin tout homme est inconstant et il n'en est
point qui ne parut fou, a qui verroit un tableau de
toutes ses diffèrentes idèes, mais la raison et souvent
les èvénements se chargent de nous conduire devant nous
et le sage seul confident de ses intercadences, usurpe
par une conduite suivie le titre admirable de justum et
tenacem propositi virum
qu'il n'eut pas obtenu syl eut
communiqué ses projets, mais voila bien de la dissertation
pardon mon cher amy je ny retourneray plus

nous armons enfin comme les autres mais je suis persuadé
que nous sommes trop vieux pour faire autre chose, que
de bons propos se tiendroient entre deux amis, mais je
te les réserve pour la visite que tu m'as promis, songes y
cest une parole donnée, entre nous l'on m'a proposé une
aide majorité génerale d'armée et avec tout cela je suis
pense qu'il ny en aura point, quand a moy mon cher amy
jay vu mon bonheur d'un peu plus près que toy, et la
cervelle ne me bat plus si fort

le neuperg étoit beaucoup plus fort que son ennemy et contoit
l'accabler quand a la vie du grand duc je crois qu'elle luy
est beaucoup plus chère a luy qu'a toute l'europe

tu as raison de penser que cest de choix et non d'ambition
que je me lie enfin, que je l'ay échapé belle, celle a qui je
<2r> pensay l'etre il y a trois ans, est maintenant la 1ere
messaline de l'europe, celle cy est du choix de la plus sage
et de la meilleure des méres qui l'aime a la folie, dailleurs
party rare pour la bonté elle a trois belles terres, a portée
des miennes, persècuté de propositions qui tendoient a me
r'embarquer, rebuté de la multiplicitè d'intrigues, et sorty
enfin d'une qui m'avoit rendu très malheureux, je me suis
rèsolu de donner cette satisfaction a ma mère, elle a tout
arrangé et je parts dans le mois prochain pour l'aller
conclure, je t'en feray touts les détails après si tu te
soucie, d'entretenir la vivacité de notre commerce come
cela se devroit, si tu rentre dans ta paresse, je t'aimeray
en ne faisant que rèpondre a tes lettres adieu, offre
mes respects a toute ta famille et porte toy bien

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Plessis, 25 mai 1741, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/73/, version du 03.06.2013.
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