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Lettre à Frédéric de Sacconay, Le Bignon, 28 juin 1782
du bignon le 28 juin 1782
votre lettre dattee de berne le 14 m'arrive bien tard à ce quil
me semble mon cher amy. on me mande d'autre partd'ailleurs que vous
êtes à nions fort occupé d'une sorte de généralat et à poste
fixe, et d'autre part mon gendre mécrit quil va vous voir
et passer à bursinel quelques jours, ainsy que cetoit son projet
en partant, pour attendre, les ordres du roy demandés par les
familles, en conséquence des conventions signées par toutes les
parties.
pour le coup mon cher amy vous avés trop de hors doeuvre pour
cette annee car notre amie est auscy à lausanne, qui doit aller
a perroi et qui par dessus tout se flatoit de bursinel. quand a
du saillant il y perdra beaucoup 1° le plaisir de vous embrasser
car à cela près quil est plus agreste et a moins d'urbanité, vous
vous convenés beaucoup et vous êtes auscy actifs et essentiels l'un
que l'autre quand il y a affaire, aussy bons coeurs et bons parents, et
aussy enfants aimant à se divertir et se donner ce qu'on apeloit
autrefois du bon temps. 2° l'avantage d'etre instruit et de voir vos
details et vos cultures, 3° enfin le plus grand agrément et le
seul possible d'un voyage dailleurs pénible.
cecy vous dit mon cher amy, ce qu'il vous aura peut etre dit avant
ma lettre, qu'il a tout accomodé. tout y étoit disposé et par le fonds
des choses, et par le pr bon esprit des Ruffei, famille de la 1 mot écriture,
quand j'envoyay mon fils le croyant bien persuadé et soux la guide
<1v> d'un homme de loy. point du tout, selon son ascendant ordinaire
ce fol s'empare de son conseil, en fait son valet et son écho, et ne songe
dailleurs qu'a faire de son affaire une scène de théatre; des mémoires
des folies, des frais &c. il avoit si bien fait, si bien injurié et exasperé
tout le monde, et de luy même apelé au parlement qui ne l'auroit
pas epargné, qu'il a fallu l'aller secourir en hate, et du saillant bien
recomandé, bien actif, bien sage en conduitte et ponctuel en affaires
a tout fini avec solidité quand au fonds et son son plan quand a
la forme. l'enjeu me reste voila le mal, car à cela près les playes et
bosses sont mes revenants bon ordinaires, chacun à son sort. je suis
persuadé mon bon amy que vous jouirés de ce dénouement.
Mrs du congrès feroient bien d'envoyer aussy du saillant à genève
puisque vous n'en pouvés etre par votre etat et dignité. dailleurs
vous vous en expliqués avec un ton qui me fait croire que vous
craignés ou mon indiscrétion ou celle de la poste, car il est impossi=
ble qu'un senat auscy sage que celuy de berne, préjuge une telle af=
faire en gladiateur. j'ay dans le temps mandé à ceux de représen=
tants qui m'envoyoient leurs écrits, que l'amy des hommes, n'etoit
pas du tout de leur avis ny confrairie; ils cessérent leurs envois
et je le voulois; j'en dis autant de votre opinion actuelle et vous
ne cesserés pas pour cela de mécrire; mais il ne s'agist pas en cecy
de la mienne; je scais et par parole et par écrit que vos peuples ne
pensent pas à cet égard comme vous; mais tout cela est sur le feu et
par conséquent bien instruits que les acteurs ne seront desormais
que précaires et des instruments de la providence, cecy n'est plus du
ressort de mes cogitations.
ce qu'il y a de très clair mon cher amy, cest que vous avés aprésent
tout autre chose à faire que de lire de longues lettres, d'ou suit que je vous
laisse après vous avoir embrassé tendrement
Mirabeau
à monsieur
Monsieur de Saconai en son
chateau de Bursinel près
Rolle en Suisse
Par Pontarlier