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Lettre à Frédéric de Sacconay, Montauban, 14 décembre 1740
de montauban ce 14e xbre 1740
je conte aller a paris a la fin de ce moyis mon cher
fréderic, mais ce n'est en vérité point du tout pour
offrir mes talents aux puissances occupèes, si la guerre
s'allume chose que je ne crois pas je feray la premiere
campagne en homme a qui on a donné le temps de
voir clair, ah cher amy si tu avois lu horace tu
serois plus sage, je te recomande au segond livre de ses
odes et au premier livre de ses èpitres il t'aprendra
a vivre pour étre heureux et les chemins qu'il faut
suivre pour cela, mais amy nous ne sommes pas nés
dans un siécle a voir la guerre, et tout siècle est fait
pour le sage
je ne te rèponds pas que le moindre regard de la fortune
ne me rembarquat, a mon age, et bouillant comme je
le suis, cela est tout simple, mais il est certain que
<1v> je ferois mal de troquer ma tranquilité et pour des
chimères, et du moins suis je dans le cas de m'en passer
sans regret quelconque et croyant méme que cela fera
mon bonheur, pourvu que tu me tiennes la parole
que tu m'as donnèe de me venir voir l'eté prochain
je seray content et voila mon ambition, pour cette
saison la, dautant mieux que je crois que nous nous
trouverons toujours les mèmes du coté du coeur, et
mieux de partout ailleurs, tu ne me dis jamais rien
de ta famille tu scais l'intérest que jy prends et pour
elle et pour toy, adieu mon cher frèdéric cest et ce
sera toujours ton meilleur amy