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Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 10 avril 1781
de paris le 10 avril 1781
cest quelque chose au moins mon cher amy qu'un procès
auquel je m'interessois ait pu prendre fin. je ne croyois pas
cette chose possible; mais puisque vous scavés si bien voir
le bout de cette sorte de passetemps humain, vous plairoit il de
venir prendre le gouvernail des miens qui remuent toujours et
cepandant n'avancent pas plus que les piramides d'égipte; il y a
troix jours que je devois etre braillé au palais, et je le seray le ven=
dredy après la quasimodo cest à dire d'abord après la rentrée.
parlés moy de cela, non pas vous qui gagnés en six mois dans troix
jurisdictions graduelles, il me paroit que chacun mange son propre
pain et boit son eau dans votre paÿs, je ne m'etonne pas qu'on en sorte.
quoyqu'il en soit mon bon amy je suis fort aise de cet événement
je vous en félicite de tout mon coeur de la part de moy et des miens en
vous en embrassant, et votre amie et parente m'a chargé de vous en
faire son compliment. elle ira vous voir encor dès ce printemps.
je ne me livre pas à tout le chagrin que me fait ce voyage, elle
croit y avoir des affaires et des devoirs.
je viens de recevoir votre nouveau panier de vin dont bien je vous
remercie. scavés vous que le premier qui est icy depuis plus de cinq
ans est infiniment meilleur aprésent qu'il n'etoit en arrivant, il a
foncé en couleur et pris du corps de plus et du rancé et il est très
distingué.
voila donc que butré court vos campagnes, tant mieux car il joint
de nouvelles connoissances rurales à un excellent magazin et très
bien rangé; mais il me mandoit qu'il faisoit imprimer à berne
<1v> un petit mais substantiel recoeuil de ses dépouillements et y joignoit
deux petits dénombrements différentiels, de la grande culture de
france et de celle du paÿs de bade, ouvrage que j'ay en manuscrit et
qui est fort bon et tres utile en ce genre. j'aurois fort à coeur quil rem=
plit ce projet là.
dans la derniere lettre à luy adressée, comme je venois de vous écrire
je le chargeay d'une commission pour vous. je vais vous la dire comme
si je n'avois rien fait. vous vous souvenés bien du joly modèle de petit
pressoir que vous eutes la bonté de m'envoyer; faute de batiment ou
autre chose j'ay tardé jusques à cette année à le faire exécuter. quand il
a fallu faire faire icy la vis en fer avec l'anneau en cuivre qui y étoient
avec les proportions, il faut chercher des ouvriers, faire des outils
exprès, que scais je, enfin on me demande 3 lb de la livre ce qui porte=
roit la ditte visse à 900 lb au moins; oh parbleu vous ne faites pas
ces dépenses là, dites moy donc si vous pouvés, comme il faut faire, et
cela plus tost que tard, car je contois emporter visse et écroue en partant
d'icy, 1 mot biffure ayant fait faire le reste sur les lieux
sur ce mon digne amy je vous renouvelle mon compliment et mes
tendres Respects à vos dames et vous embrasse de tout mon coeur.
Mirabeau
à monsieur
Monsieur de Saconai à
Berne en Suisse
Par Pontarlier