Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 21 avril 1740

de paris ce 21e avril 1740

tu me connois taquin et tu ris, tout dans la vie
peut fournir a ce mouvement, et cest le plus
raisonnable et si je puis celuy auquel je me feray
je n'etois pas né cepandant sous la mème ètoile
que démocrite, quand a toy tu te contente de
me rèpondre courtement et rarement et de
recommander le gouvernail a un autre, jen ay
au vray bien besoin, et cest cet autre a qui je
dois le calme mais je t'avertis qu'il ne fait pas
de mème, je taime par ce que cela est en moy
je ne puis l'en oter, et dailleurs je le dois, mais
si tu naime pas a répondre je t'aimeray tout
bas, quand a ma retraite que tu me demande je te la
promets quand elle sera corrigèe parceque cest une pièce
considèrable en attendant pour te mettre en gout voicy
une petite ode de moy elle est correcte, je la plaque icy parceque je ne veux
pas te parler davantage

l'hyver

le sauvage aquilon regne dans ces climats
lastre du nord pleiades orageuses
et le noir aquilon qui régne en ces climats
semble faire la guerre aux hyades pleureuses
et jusqu'en leurs urnes fangeuses
faire redouter les frimats
<1v> tout paroit mort dans la nature
sous des chaumes épais nos bergers sont cachés
sous le poids des glaçons les arbres ébranchès
sont dépouillés de leur parure
et cette sauvage peinture
contraste l'aimable verdure
qui tint sur ses attraits nos regards attachès

volupté douce et charmante
viens t'oposer a nos maux
viens que ta douceur m'enchante
touts les temps te sont égaux
syl gronde vive et piquante
sur le ciel qui mépouvante
tire de lègers rideaux
la deité bienfaisante
que la gréce thriomphante
célébroit sur des tréteaux
entrainant ma jeune amante
viendra payer mon attente
par les objets les plus beaux,
dans la saison renaissante
quand le son des chalumeaux
au rossignol qui te chante
offre des plai accents nouveaux
qu'il s'épuise et se tourmente
pour surpasser ses rivaux,
tu scauras douce et touchante
sur les fleurs, sous les ormeaux
de la nature brillante
m'embellir touts les tableaux
tantost au bord des ruisseaux
de leur onde qui serpente
jadmireray les canaux
et comme eux suivray ma pente,
dautrefois sur les coteaux
<2r> je verray de nos agneaux
bondir la troupe naissante
tantost sous de verds rameaux
une beauté, languissante
a l'ombre de leurs berceaux
du petit dieu qui nous tente
rallumera les flambeaux,
et seul le chant des oiseaux
fixant mon ame contente
euterpe simple et riante
me prétera ses pipeaux

faisons filer notre vie
par les ris et les amours,
amis, cest une folie
que qd'en refroidir le cours
tout fuit il est vray tout passe
du temps craignons les effets
sur le moment qui sefface
ne laissons pas de regrets

l'erreur peut tromper la foule
dans l'attente d'un faux bien
dominons l'instant qui coule
hèlas le reste nest rien
du plaisir chers prosèlytes
songeons sages sans erreurs
que notre etre a des limites
ou cessent biens et douleurs

adieu si tu aime celle la je t'enverray le printemps
sinon margaritas tu mentends adieu je tembrasse

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 21 avril 1740, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/65/, version du 03.06.2013.
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