Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 04 septembre 1787

de paris le 4e 7bre 1787

je vous ay promis dans lapostille de ma derniere mon
cher ami de répondre un petit mot de redressement sur votre
opinion relative à la franchise du commerce. je ne l'aurois
pas fait si tost, etant accablé et assomé décritures, en vertu
de circonstances combinées; mais j'y suis obligé pour servir
un de mes amis.

le Mis de montmort dont je vous ay souvent parlé à l'ocasion
de ses fils, vient de perdre une sienne bizarre soeur, nommade
Me d'hacqueville qui a laissé ses os à lausanne. il en a eté
avisé par une lettre fort claire et sensée d'un Mr du perron
banneret du bourg
audit lausanne, cest ainsy du moins qu'il
signe, qui luy rend conte qu'on a pourvu aux soins de règle
soit pour l'inhumation soit pour le scellé, et qui luy demande
les preuves judiciaires de sa qualité de frère unique &c et ses
ordres. je lay laissé dans la disposition et le soin de faire dresser
touts les actes et d'envoyer le tout audit sr du perron, avec sa
procuration en blanc et la recomandation de tout finir et nétoyer.
c'est un homme neuf en affaires quoyque octogénaire, tres vache
et ne sachant pas dépenser, mais dailleurs fort droit et qui main=
tenant ne demande qu'à voir les choses terminées. neanmoins
reconoissant quil est, de votre attention à m'instruire relativement
à son fils, il m'est venu requérir de vous demander de vouloir
bien donner quelque preuve d'interest à son affaire supose que ce
Mr du perron (car il est permis de tout suposer dans notre paÿs)
<1v> ne fut pas absolument l'homme que sa confiance présupose
cest une comission que j'ay prise avec plaisir puisquelle
regarde un homme que jaime, et s'adresse à un ami.

maintenant je vous diray que j'ay été fort aise que vous ayiés
été content de louvrage que je vous avois indiqué, et la maniere
dont vous m'en parlés m'a paru si fondée et si expressive que
j'ay fait passer à lautheur, lextrait de ce que vous me mandés
sur cela. je me suis bien gardé dy ajouter l'article où sont
ces paroles, autrement autre un état seroit constamment la
dupe des autres gouvernements, sil admettoit seul
&c... car
il vous auroit pris pour un écolier, et dèslors votre suffrage
l'auroit beaucoup moins flatté.

mon ami nous sommes deux à porter un double fardeau qui nous
écrase; j'en laisse et jette ma moitié et luy laisse la sienne, suis je
sa dupe? dites le moy. il est vray que comme il est nécessaire que
nous arrivions ensemble au même gite, si je pouvois luy persuader
de m'imiter, nous serions plus lestes et tout iroit mieux; je suis donc
obligé de l'attendre, mais j'arriveray frais et luy harassé. mieux
seroit que je luy aidasse à porter ce reste, et cest le cas où de part
et d'autre on diminueroit les droits et douannes de moitie; mais
avide et miope quil est lentêté si je le soulageois de la sorte est
si curieux de ce genre d'apat qu'à la 1ere occasion il ne manqueroit
pas d'accroitre la surcharge; mieux vaut que je luy donne lexemple
et je le désabuseray bien plutost en luy faisant voir combien
je suis agile en arrivant, et j'ay davantage sur luy pour faire
promptement et avantageusement mes affaires.

une fois mon cher qu'on est fermement convaincu que le bien et ou le
mal phisique, sont arickmétiquement solidaires icy bas comme
le bien ou le mal moral, on ne se croira jamais la dupe en donnant
le premier lexemple de choisir au plutost le bien. voyés l'avantage
<2r> qu'ont les foires franches sur les foires ordinaires, et soyés sûr
d'après la raison et le calcul que la premiere nation franche
sera la premiere à donner lexemple comme le modele de la
prospérité. je ne vous en dis pas davantage, voyés, revoyés et
réfléchissés. vous vous doutiés vous même un peu du pot au noir
car vous me dites que vous écrivés à course de plume.

adieu mon cher et digne ami, ne m'oubliés pas auprès de votre
aimable famille, et je vous embrasse de tout mon coeur

Mirabeau


Enveloppe

à monsieur
Monsieur de Saconai en son
chateau de Bursinel près Rolle
en Suisse
Par Pontarlier


Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 04 septembre 1787, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/639/, version du 04.11.2024.
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