Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 18 septembre 1787

de paris le 18 7bre 1787

je venois de vous écrire mon cher et digne ami quand je
reçu votre lettre où vous me faisiés part de la rencontre de
cette famille que j'aime, reste et souvenir d'amis prétieux que j'ay
perdus. Me d'onissan tient beaucoup du caractere de son père
quand au fonds, comme elle tenoit dans sa jeunesse des graces
et de la bonté de sa mère. elle eut eté heureuse d'enavoir le fonds
qui tiroit party de tout et qui jusques au dernier soupir a toujours
cherché et rendu la vie douce; mais le père avoit un fonds de
sérieux qu'on prenoit pour de lapathie et qui tendoit au désa=
busement absolu, ce qui fait les limbes de la vie. Me d'onissan
en est bien loin pour sa fille qu'elle soigne trop, mais à cela près
elle est profondément blessée de la perte de ce père, et n'en revien=
dra pas à la vie d'agrément que sa bonté naturelle devoit pro=
curer aux autres et en recevoir. donissan luy est un bon et
franc gentilhomme que la vie de la cour a fait homme de chateau
quand à Me de diespach elle est fille d'un père qui mieux que tout
autre pouvoit luy aprendre à bien ecrèmer la vie. il a de plus
conservé l'air naturel qui n'est point de notre paÿs, sans avoir
du tout celuy du sien. quand à sa fille que j'ay vue souvent chex
Me de sivrac sans autrement laborder ny connoitre, elle me
paroissoit d'être modelée sur les graces et l'air d'aisance de la
ditte dame, soux lesquelles on ne scauroit soupsçonner cette
fleur de franchise helvétique qui chex le sexe est une plante
du jardin d'éden. quand à vous mon vieux camarade, qui
faites si bien les honneurs de votre maison, et quand à votre
maison et à votre famille, qui font si bien les honneurs de vous,
je suis plus qu'assuré que vous avés procuré à mes amis une
demi journée dont il se souviendront longtemps agréablement
<1v> et toujours. je ne vous remercierois pas, de la sorte de fête
que je leur ay procurée, parceque vous en avés jouy par votre
heureux talent pour toutes les vertus de l'hospitalité; mais pour
le conte de l'ours votre bon ami, il doit bien vous remercier de
la tendre mention que vous en aurés faite, et il le fait dans ce
moment même bien tendrement.

j'ay reçu depuis, votre derniere lettre où vous m'avés ponctuelle=
ment indiqué les voyes de ce que desiroit Mr de montmort; je
luy fais passer vos renseignements. il a reconnu depuis, que cette
bohème de Me de guitaut, belle mère atroce de son fils cadet,
ne l'etoit aller voir en suisse que pour tirer une procuration
de Me d'acqueville, au moyen de laquelle, elle avoit vendu icy
une sienne maison, touché ses revenus, et retenant le tout lavoit
fait mourir dans la peine.

quand à ce que vous me dites des oéconomistes j'ay répondu à la
difficulté qui consiste dans la crainte detre les dupes du début
dans la carrière de la liberté; mais les gouvernements veulent
gouverner et ne le peuvent qu'en empietant sur les droits de la nature
qui ne leur accorde que de veiller à ce qu'on ne veuille enfraindre
ses loix. nous réclamons cette authorité suprème, voila toute
notre discordance, touts nos principes, tout notre sistème; est ce
notre faute si nous ne sommes pas entendus?

mais mon amy en pliant cette lettre je me suis aperçu que la 1ere
page étoit au revers d'une feuille gatée, pardon, mais je n'ay pu
recomancer, et je finis en vous embrassant de tout mon coeur

Mirabeau

cette lettre alloit partir mon cher ami quand je reçois une
lettre de Mr de donissan qui me fait le tableau le plus vivant
de vous, de votre bien etre, de votre bonheur, de votre amitié pour
moy, de votre politesse et bonne réception, et qui me sollicite mais
vivement de nous rejoindre, comme montagne et son ami; il me
charge de leur reconoissance à touts et n'oublie pas dans son
tableau votre charmante famille, enfin jen suis content.

<2r> de  paris le 14e 9bre 1787

Madame la comtesse, mon fils se présenta hyer à votre
porte trois fois dans la journée pour avoir l'honneur de
vous faire sa cour, s'etant informé des heures.


Enveloppe

à monsieur

Monsieur de Saconai en son
chateau de Bursinel près
Rolle 
en Suisse
Par Pontarlier


Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 18 septembre 1787, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/638/, version du 17.11.2024.
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