Transcription

La Harpe, Frédéric-César de, Lettre à Henri Polier, Vienne, 11 janvier [1783]

Ma Lettre vous aurrat-elle convaincû mon cher Polier? Serés vous persuadé
que les Circonstançes seules m'ont empéché d'acçepter vos offres? Ah! je vous
assure que votre Lettre, vos Solliçitations amicâles, le Langage du Coeur 2 caractères biffure
m'aurroient peutêtre exposé à mal juger; a lorsque je vous écrivis j'étois
bien éloigné d'être de Sens rassis: j'aurrois voullû me transporter auprès de
vous, et jouïssant déja d'avançe de çes Jours heureux que nous devons passer
ensemble, j'étois irrésistiblement tenté de prendre le parti que vous me
proposiés et que je regardois come le seul qui pût me rapproçher assez
tôt de vous. Je voudrois cher et bon ami! que vous pussiés voir au fonds
de mon Coeur le Desir d'être bientôt auprès de vous, et les Projets que je
forme chaque Jour pour revoir le plutôt possible, mes Parens, ma
Parie et mes bons amis. Aujourd'hui que l'Eloignement des objets
fâcheux les à fait disparoitre en partie, et que le Souvenir amer des
Chagrins qu'on m'a fait essuïer, se perd, je n'en sens que plus vivement
tout çe que j'ai quitté, et je tourne mes Regards vers les bords du
Lac de Genève avec un Plaisir mêlé d'Amertume et de Douleur.
quand les reverrai je? quand vous reverrai je?... Mon bon ami si j'étois
le maitre de ma Destinée çelà ne tarderoit pas bien longtems, mais
je n'en suis plus le Maitre. Lié par me Parole, et par l'Espèçe d'Engagement
qu'on a pris envers moi il faut que j'accompâgne monsieur de L...  jusq=
ques auprès de ses Parens. serai je libre alors? ç'est çe que j'ignôre: j'ai
même peine à le croire, mais si je le suis, et que par votre Lettre
il me parroisse qu'il soit encore tems de se Déterminer, je prendrai sure=
ment le Parti que vous m'avés proposé, 1 mot biffure je crains 1 mot biffure seulement que çe
Renvoi ne soit impratiquâble; çependant faites moi toujours le Plai=
sir de m'adresser à Petersbourg une Lettre que j'y trouve à mon
Arrivée: j'y serai surement dans 1 mot biffure2 mots biffure 5 ou 6 Semaines: il faut 28 ou 31 Jours aux
Lettres pour faire le Trajet, ainsi vous ne courrés aucun risque de
m'écrire là; 8 Jours après la Réçeption de çelle çi: je vous promets une
Réponse promte et déçisive, mais je ne puis prévoir si elle sera
affirmative ou négative.

J'ai reçû içi seulement la Lettre que vous m'aviés écritte à Venise: avant
que de me parvenir, elle a passé par Génes et si nous étions partis
d'ici aussi vite que nous l'avions pensé d'abord, je crois qu'elle ne
me seroit parvenuë qu'en Russie tant il y à peu d'Exactitude chez
les Banquiers, après qu'ils ont tiré des Voyageurs l'Agio, les Provisions et
tant d'autres petites Bagatelles qui font des Sômes. 

<1v> Çe que vous me dites dans çette Lettre au sujet des différens partis que l'on
pourroit me proposer, est infiniment sâge. Je préférerois il est vrai le
Parti des affaires politiques aux parti militaire, 3 mots biffure
début de la ligne biffure toutes choses
d'aïlleurs égales, parçeque le 1er a plus de Rapport aux Etudes particulières
que j'ai faittes et à mon Sistème de Conduitte et de Morâle, parçeque
je serois plus assuré d'y faire Çhemin, et de me rendre utile, et parçe=
que cette Route me mettroit plus en Etat de voir réaliser quelques unes de
mes idées.Quant au parti militaire, quoique j'en aïe fait sans le savoir
quelques Etudes préparatoires, aïant cultivé si longtems les Mathéma=
tiques, je ne puis pas dire qu'il m'inspire aujourd'hui Un grand Desir de l'embrasser unique=
ment pour lui même: je serois obligé probâblement d'y començer
de trop bas, et (come un Home raisonâble doit compter non sur la
Protection mais sur lui même.) je pourrois y croupir s'il n'y avoit pas
de Guerre, or le Çiel m'est témoin que je ne voudrois croupir nulle
part. Les seuls motifs qui pourroient m'engâger à embrasser ce parti (
sont çeux çi: Une Plaçe avantageuse 2 mots biffure et l'Espérançe
d'un avançement, mais surtout voici le vrai motif: Dans un Païs où
presque chacun est militaire, où l'a été, la Considération est
attachée prinçipâlement à çe Corps, or il importe à un Etranger
surtout d'en jouïr.. (non pour lui, mais pour le pecus vile) 2 mots biffure
Daïlleurs une grande Partie des 1 mots biffure Emplois civils et politiques se donne
préférablement à des Personnes tirées de çette Classe, ensorte que l'un n'exclud point
l'autre... Partant de là mon cher Polier!, dans la Supposition (très
gratuïte) qu'on me proposeroit une Plaçe militaire qui m'attachat
1 mot biffure à la Capitale, je l'acçepterois peut être, dans l'Espérançe que
je n'en pourrois que mieux obtenir d'être emploïé dans les affaires çiviles
ou politiques. mais toutes çes Choses sont des peut être, et peut être ne
serai je point dans le Cas de faire tous çes Raisonnemens, et de numerer
toutes Çes Probabilités.

j'aime mieux mon bon ami! vous parler de
mon Séjour à Vienne. jusqu'à la fin de la ligne biffure
La Ville en elle même n'est pas grande, mais bâtie avec propreté;
on y voit de beaux Hôtels. Les Bâtimens publics y sont solides: Çelui
de la Bibliothèque est grand et le plus beau qu'il y aït. Le çhâteau
est un amas de Bâtimens imense; Il y a de beaux appartemens
mais l'Apparençe en est chétive. Les Eglises sont laides et hideuses, et
en général il manque de Monumens de Gout. L'Arsenal est
une des plus grandes Curiosités qu'il y aït... Il y à des armes pour
<2r> plus de 300000 Homes et toutes si artistement arrangées, qu'on peut
en lever pour 150000 Home sans qu'il y paroisse. Parmi les armures
antiques d'un gd Nombre de Prinçes et de Héros, on y montre le Corselet
de Bulle de Gustave adolphe perçé au Dos de la Balle qui lui
dona la Mort au milieu de la Victoire dans les Campagnes de Lutzen,
l'Armure du terrible Scanderberg, le Chapeau et une partie de
l'Armure de Godefroi de Bouïllon, l'Armure de l'Empereur Fréderick
Barberousse &c... La Ville est fortifiée. Le Glaçis est traversé
par une multitude d'allées plantées d'arbres encore jeunes, qui
produiront un Effet piquant lorsqu'ils aurront grandi. Audelà
de çe Glaçis la Ville est çeinte de Fauxbourgs 3 fois plus
grands et plus vastes qu'elle, et non moins beaux. Les facades
de plusieurs gds Palais qui regardent le Glaçis leur donnent un air
de grandeur que la Ville n'a pas... 1 mot biffure audessus d'un de çes
fauxbourgs est le Çhâteau du Belvedere bâti par le Prinçe Eugène
dans une Situation riante: La nombreuse et belle Gallerie impériale
y est rassemblée. Çette Gallaerie et çelle de Lichtenstein qui en
approçche beaucoup contiennent un grand Nombre de beaux Tableaux
même de l'Ecole italienne, et la plus grande Collection de Rubens
que j'aïe vuë. Audelà des fauxbourgs sont deux vastes Parcs
peuplés de Chevreuïls et de Cerfs, entrecoupés de Prairies, de Bosquets,
et de Bois, et de Guinguettes qu'on apelle l'Augarten et les
Prater: On y est vraiment à la Campagne, et je suis persuadé
que 50000 personnes pourroient s'y ignorer, tant il y à de
Plaçe, et de Lieux écartés, et de Variations dans les Sites.

Il y a du Luxe dans une Ville où résident tant de riches Seigneurs,
mais çependant moins qu'à Naples. L'Exemple de l'Empereur
qui vit come un Particulier, sans Faste et sans Bruit, est une
Loy taçite pour la Cour, et ç'est la raison pour laquelle on remar=
que beaucoup de Simpliçité parmi les Personnes qui y sont
attaçhées. Nous avons été présentés dans les prinçipales maisons où
il y à assemblée publique: la première est la maison du Prince
Kaunitz, ançien Ministre de Confiance de la feuë Impératriçe. Home
de Génie, grand Politique, et fort honête Home malgré celà: on dit
qu'une partie des Projets de Reforme a été faitte par lui sous
<2v> dernier Rêgne: çe qu'il y a de çertain, ç'est qu'il jouït de l'Estime
universelle, et que châcun lui fait la Cour: On est toujours assurré
de trouver bonne Compagnie çhez lui, depuis 8 heures jusques à 20.
Après avoir fait sa Révérençe, à lui, et à Me la Comtesse de Clany
qui fait les Honneur de sa Maison, on va causant à droite et a gauche
si l'on trouve, où l'on 1 mot biffure jouë au Billiard, et lorsque l'on ne
trouve point à faire la Conversation, on s'en va sans mot dire.
A 9 h. on peut aller chez le Prince de Colleredo Viçe-chancelier de
l'Empire. Seigneur âgé, fort affâble et fort honnête. Le Vendredi
le Ministre des affaires intérieures Comte de Hatzfeld donne assemblée
et l'on y trouve beaucoup de monde. Je vai presque régulièremens
dans tous çes différens Endroits, plus, à la vérité par Déçençe, que
pour m'y attarder y trouver du Plaisir, car on se saluë grâvement,
on se dit quelques mots en passant et l'on se quitte aussitôt:
a la vérité il n'en seroit pas ainsi, pendant un Séjour plus long,
mais l'Inconvénient des Séjours mixtes est toujours de faire
péniblement des Connoissançes dont on ne profitte pas, aussi je
vous assurre que je voyagerois bien différement si j'étois mon
maître, et que j'aurrois tiré un bien meïlleur parti des occasions
et des Çirconstançes.

Il y à de jolies femes, il y en à d'ins=
truittes, il y en à d'aimâbles, mais je n'ai fait pour ainsi
dire la Conversation avec aucune de çelles de la Haute Noblesse,
pour ne leur avoir pas été présenté, et je n'en connois qu'une
seule de la 2de Noblesse, mais qui est infiniment aimâ=
ble. Si j'avois passé l'Hyver à Vienne je crois même que j'aurrois
pû m'y former une Soçieté utile, et une Societé de Plaisirs.
5 mots biffure
1 ligne biffure
Parmi les Homes aimâbles que j'ai rencontré dans le haut Parâge,
je ne doit pas oublier Monsignor Garampi, le Nonçe du Pape,
un Home aussi poli, qu'instruit, et éclairé, tel que la Cour de Rome
à Coutume d'en emploïer dans les Négotiations.

On est içi fort
dans le Gout de donner des Dinés: assez volontiers on s'y ennuïe, parce=
qu'on y rassemble non des Homes qui se voïent souvent, mais presque
toujours de ceux qui se connoissent ou très peu, ou même pas du tout
1 ligne biffure
Chez le Prinçe Kaunitz, on se met à Tâble a près 5 h: quelques fois même
à 5 h et ½, parçe qu'il emploïe sa Matinée à travailler, et l'on y
<3r> reste jusques après 7 heures, çe qui est un Renversement
complet de toutes les Coutûmes.

Le plus grand Plaisir dont j'aïe encore jouï, est le Spectacle
et çe que vous ne croirés peut être pas, le Spectâcle allemand.
La Troupe de Vienne est la meïlleure de l'Allemagne, et il y a
dans çelle çi un très grand Nombre d'Acteurs exçellens, tant
pour le tragique, que pour le Comique des deux Espèçes, et
même pour l'opéra. Il est vrai que l'on ne trouve pas les
Voix de l'Italie, et çe je ne sçais quoi de leur musique qui fait
qu'elle vous entraîne malgré vous, mais il y à çependant de très bonnes
Voix, et la Musique est généralement bien choisie. Les Pièçes
allemandes originales, sont une Peinture assez fidèle du
Caractère national: Les auteurs s'y permettent la Satyre la
plus mordante: 2 caractères biffure En général elles sont remplies de Sel,
et de vrai comique: Il faudroit seulement que les auteurs trans=
portassent plus souvent la Sçène dans les appartemens de la
Grandeur, et la prissent aussi pour l'objet de leurs Satyres, 1 mot biffure
en la faisant parler son Langâge. cette Partie manque en=
tièrement au Théâtre allemand, mais depuis que la Haute noblesse
le fréquente journellement le Théâtre national, depuis qu'elle
les préfère aux Théâtres étrangers, les auteurs aiguillonés feront
de nouveaux Efforts, et apprendront enfin à parler la Langue
polie des Grands. Je suis çharmé que l'on reconoisse dans le
Théâtre francois l'Ecôle des autres Théâtres, mais je voïois avec
Chagrin les nations étrangéres abbandonner le leur propres à
la Populaçe, pour n'aimer et ne gouter que le Théâtre de
la françe, et je félicite les Vienois d'avoir sçû sécouër le
Préjugé. L'Empereur 1 mot biffure assiste journellement au Spectâcle natio=
nal, mais en simple particulier. Plaçé dans une Loge
ordinaire, sans Décorations et sans Lumiéres, il arrive sans
qu'on le saluë, il sort sans qu'on y fasse attention, et l'on
applaudit sans qu'il le trouve mauvais. On ne peut pas mener
une Vie plus réglée que çe Prinçe. Il se lève de gd matin,
lit, écrit, travaïlle toute la matinée. Sort vers une
<3v> heure en petite Chaise qu'il conduit lui même suivi d'un seul
Domestique et fait un Tour de Promenade dans la Campagne.
Il dine vers les 3 heures assez frugâlement, et le soir, après le
Théâtre, il va dans quelques maisons 1 mot biffure familières
où il fait la Conversation en simple particulier: de çette ma=
nière il à trouvé le moïen de jouïr de la Soçiété sans incomoder
personne. Son frère Maximilien Prinçe dont la Phisionomie
peint la Bonté et l'Honêteté vit absolument de même: Il
va vétû en Abbé dans les assemblées, je l'ai vû arriver
sans que personne se dérangeat, et où je l'ai vû causer avec
tout le monde aussi familièrement que s'il avoit été avec
des Egaux: Avec çe Gout pour la Simplicité vous pouvés croire que
l'Empereur n'aime pas les Cérémonies de Cour, aussi n'y a t-il jamais
de Galla, et ne mange t-il jamais en public qu'au Jour de
l'an et dans des Jours indispensâbles, et même alors la Céré=
monie est-elle aussi courte que possible. J'ai été témoin
le Jour de l'an d'une de çes fêtes prétenduës, ou je ne vis rien
que beaucoup de Diamans, beaucoup de Perles, beaucoup d'Habits
dorés, beaucoup d'Etoiles et d'ordres, et surtout beaucoup d'Enui.
Toute çette Magnifiçençe, et toutes çes Grandeurs ne m'ont pas
seulement étonné, quelque accoutumé que je sois à la simpli=
çité républicaine, et je me suis mélé au milieu des Courtisans
dorés avec mon Uniforme helvétique aussi fièrement que si
c'eut été l'habit du Prinçe de Esterhazy (Capitaine de la garde
hongroise) dont la Broderie et les Pierreries sont estimées un
Million de florins au lieu que le mien en vaut à peine 50.
Rien ne me paroit si ridicule que de voir un Prinçe couvert d'ordres
tendre à Genoux 2 mots biffure un Plat sur la Table, et je vous assurre
mon bon ami! que rien n'a tant diminué la Grandeur à mes
Yeux... Un Laudohn Un, un Hadik, un Lascy, un Kaunitz voilà
des Grands qui remplissent l'Idée de çe mot... On sçait, ce qu'ils
ont fait, et çe qu'ils ont été à la patrie, mais que signifient
çeux qui n'ont aucune Recomandation pareïlle? Pour moi
je ne voudrois pas être Gentilhome de la Chambre du 1er Monarque du monde,
si je ne devois rien faire d'autre. 2 mots biffure

Les Gardes nobles hongroises et polonaises, habillées très richement suivant
<4r> le Costume national des deux Païs faisoient la plus grande Curiosité, du
moins pour moi.

Vous ne scaurriés croire, combien d'Ecrits paroissent journellement
contre les Moines, l'Eglise et son Chef..., mais le Titre en est presque
la seule çhose intéressante; çe sont des Receuïls de Lieux comuns sans
mérite; 1 mot biffure l'on ne peut attendre davantâge dans un
Espaçe de tems trop court pour qu'il aït pû naitre des Genies, et
qu'ils aïent pû travaïller solidement sur une Matière aussi arduë
et qui éxige les plus grandes Connoissançes dans l'Histoire, un
gd fonds de Critique et de Philosophie, et beaucoup de Modéra=
tion. En attendant çes Brochures ne sont pas inutiles: Elles accoutument
le Peuple à ne plus autant respecter les foudres de l'Eglise et le
préparent pour de plus grands Çhangemens. Ceux qui ont été
faits sont le Prélude de plusieurs autres, et 1 mot biffure le Règne de
çe Prince 1 mot biffure sera mémorâble dans tous les Siècles.

J'oubliois presque de vous dire, que j'ai eû l'Honeur de lui être présenté,
et qu'il m'a fait celui de m'addresser quelques mots. La Présentation
s'est faitte au Cercle de la Cour sans grande Çérémonie.
J'ai crû appercevoir de loin le Baron Kopp, mais je n'ai pû vérifier si
C'étoit lui: je le connoissois peu. Je lui ai parlé hier au Théâtre. Il est ici avec le
Prince de Waldeck.

Une légère Indisposition de Mr de L:  L'ainé, nous retiendra encore
6 ou 7 jours içi. On parle tantôt de Paix, tantôt de Guerre co1 mot dommage
celà va quand on ne sçait rien dire de mieux. 

Il fait un Tems tantôt très froid, tantôt pluvieux, et tantôt
très doux qui cause beaucoup de Rhûmes.

Voiçi un Conte historique qui pourra vous amuser. Lors de l'Edit de Tolérance, quelques
Restes des Hussites de Bohème se présentèrent pour avoir un Temple qui ne
fut ni Calviniste, ni lutherien, ni anabatiste, mais israëlite. Leur Requète
présentée à l'Empereur, çe Prinçe répondit... D'accord, mais puisque vous voullés
suivre le Rite ecclésiastique observés la Loy de Moÿse, remplissés la
1ère Condition de çette Loy, faites vous circonçire. Les Hussites n'avoient
pas pensé à tout çelà, et depuis n'ont plus voullû être Israëlites. Cette Edit si juste
n'a éprouvé quelques Contradictions que çhez les Hongrois, Peuple généreux, et
fier, mais raisoneur, et toujours en crainte pour ses Privilèges.

Mr De L... étant bien, nous partons Lundi 13e: Je vous envoïe mon bon ami une Lettre
de Çhange pr les Livres de La Combe avec les Remerciemens sincères de mes Compagnons
de Voïâge. Mon cher Polier, pensés souvent, bien souvent à moi.. Il ne se passe pas un
Jour que je ne sois avec vous, et si je pouvois y être corporellement le Ciel m'est témoin
que je dirrois ouï avec un Plaisir inexprimâble. Regardés moi toujours come le meïlleur de
vos amis. Que ne puis je remplaçer çelui que vous avés perdû! mon bon ami je m'en sens capable
je voudrois vous le prouver. Dites tant et tant de Choses de ma partà toute votre famille, à Mr
votre Père, à Mes vos Soeurs, à Me votre Epouse, dites leur combien j'aurrois désiré me trouver
<4v> aumilieu d'eux pour partager avec eux tout çe qu'ils ont éprouvé; combien le Souvenir de leur Bonté pour
moi est gravé dans mon Coeur. ah mon bon ami! je m'éloigne encore de vous: Dans 15 jours je serai
à 200 Lieuës plus loin et dans un Mois peutêtre à 700 Lieuës de vous.. quelle Distance!.. mais par
mon Coeur je suis à vos Côtés, et je n'ai pas quitté Lausanne. Je vous écrirai de Varsovie, peut être
même de la Route s'il m'est possible. Adieu mon tant cher et bon ami, je vous embrasse de tout
mon Coeur. Vienne le 11e Janvier.


Enveloppe

A Monsieur
Monsieur Polier de Loÿs
çi devant Officier au Régiment
d'Erlach
A Lausanne En Suisse


Note

  Public

Annotations postérieures en haut de la première page (de La Harpe lui-même?):

1e annotation: "1803. - Vienne. 11 Janvier"

2e annotation: "1783" (et trace l'année 1803 de la 1e annotation)

Note

  Public

Cette transcription a été établie dans le cadre du projet La Harpe et la Russie (1783-1795).

Etendue
intégrale
Citer comme
La Harpe, Frédéric-César de, Lettre à Henri Polier, Vienne, 11 janvier [1783], cote BCUL IS 1918/H37. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/630/, version du 29.05.2019.
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