Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Aix, 05 juillet 1740

daix ce 5 juillet 1740

tu diras mon cher fréderic que je fais avec toy comme
avec les femmes que je me relache après avoir tout
obtenu, mais ta lettre m'a pris a la veille d'un dèpard
pour la campagne ou jay èté assommé de vilains dètails
je suis de la venu icy et je técris en arrivant malgré
les embaras d'un retour dépuis trois ans d'absence
javois prévenu ton jugement sur ma retraite au sujet de
la correction il suffit que tu aye ete content des matieres
et je le suis autant de la finesse de ton gout que de la
justesse de ton raisonnement, il y a cepandant dans cette
piéce des endroits pleins de la plus belle poésie tels que celuy
qui commence par javançay, mais bientost le démon &c
et finit par mes droits sont dans mes veines je doute quil
soit bien des endro morceaux de poésie françoise qui puissent
luy etre comparès, quand a la correction pour me remettre
bien auprès de toy, je t'envoye une épitre que je fis il y a un
an, je voulus imiter le style de boileau que jétudiois alors
et pour cela, je barray, ma facilité naturelle, et arretay
l'enthousiasme pour me livrer tout entier au marteau
lis et juge

<1v> tu t'imagines que la nature t'a décidé sur tes principes
d'ambition, cela peut etre, rien nest stable, tout vegetal
augmente ou décline, et nous ne sommes autres choses ainsy
quand au corps cela est inévitables, la suite des indispensables
des ages qui ne sont autre chose que laugmentation ou
declinaison de la machine en est une preuve, hors comme
les organes de ce que nous apelons esprit tiennent par
condition a la matiere ils participent a leur nature
mais jay des exemples que la raison peut les fixer tu
crois le contraire mais cest que tu as toujours eté seul dans
ton conseil, pour moy quand je songe que le nom de coesar est
inconnu et la toujours eté sur les trois quarts de la terre
je me trouve aussy grand que luy et je dis avec catulle
vivamus et amemus mea lesbia  quand a toy dèsque
tu peux rire et désirer va ton train tant mieux
pour ta patrie, mais n'aplique pas ce propos dans une
autre occasion scache retirer la charniére jay plus professé
en langue normande que qui que ce soit mais verba volant
et scripta manent
cest de quoy il ne faut point adieu
aime moy et mes respects a tout ce qui t'apartient

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Aix, 05 juillet 1740, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/63/, version du 03.06.2013.
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