Transcription

Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 24 mai 1740

de paris ce 24e may 1740

tu fais bien de rire mon cher amy ta lettre a un air de
sérénité qui me charme mais quoyque tu puisse en dire
cest une paresse ènorme que de couver quinze jours une
lettre a laquelle on veut rèpondre pour moy qui ètudie six
heures par jour je ne scaurois tant attendre pour te rèpliquer
ne fut ce que pour te faire honte, encore un autre tort que tu
as, cest de m'ébaucher dans ta lettre qu'il t'arrive une avanture
désagreable et de me laisser ensuitte le bec dans leau jusques
a une autre lettre pqui viendra quand dieu voudra: pour lexplication
tu ne connois brin les inquiétudes de l'amitié, tu fais bien de te
tranquiliser sur tout naturellement ta position ne cadroit
point du tout avec ta façon de penser et je vois avec plaisir
que tu accordes tout cela je craignois de te voir devorer par
les soins de cabale et le tabut qui conduit seul a l'avancement
dans ton état, si jamais cela t'arrive, souviens toy de cette
conversation du chinois de voltaire sur l'histoire universelle
quand on luy parle de coésar il ne scait ce que cest, juge mon
cher amy combien il y a loin de nous a la mèmoire des hommes
et si la carriére que nous pouvons courir offre des appas a
équivalans notre repos

je tenvoye icy a ce sujet ma retraite que tu mas demandèe
<1v> il y a bien des corrections a faire mais je suis occupé dans un tout
autre genre et dailleurs tu me passeras tout l'un portant lautre,
je veux que tu maye obligation de la peine que jay prise de te
la copier car quoyque jaye deux copistes qui travaillent toute
la journée chex moy ils sont occupés a des manuscrits qui me
pressent parceque je parts bientost et si tu veux mettre ton
intervalle ordinaire tu peux m'écrire en provence, ne crois pas
que ce soit tes louanges qui m'ayent excité elles me flatteroient
si tu louois mon coeur et mon caractère mais pour mon talent
jen suis fastidié adieu je vais bientost jouir comme toy de la
campagne, mais je ny trouveray pas la mème diffèrence parceque
a la ville je ne fais que ce que je veux, et dailleurs mon ardeur
pour ècrire me tient lieu en touts endroits de cette paresse si
flattée a la campagne, en outre je dois prendre une connoissance
de mes affaires autre etude insipide adieu aime moy toujours
un peu

Etendue
intégrale
Citer comme
Mirabeau, Victor de Riqueti, marquis de, Lettre à Frédéric de Sacconay, Paris, 24 mai 1740, Collection privée. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/62/, version du 03.06.2013.
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