Transcription

de paris le 5 avril 1778

votre lettre du 28 mon cher amy a eté un peu tardive vu les choses
que vous m'y dites. vous voila maintenant a votre belle campagne
et je vous y adresse celle cy. quand a moy j'espère toujours y aller
ce mois cy, quoyque en l'air; quand a présent j'attends après les couches
de ma fille, qui est au moment.

mes affaires icy, n'ont point cheminé depuis. il y a eu comme je vous lay
dit dans ma précédente, arrest qui renvoye cette requète a la grand chambre
et l'on ne me l'a point fait signifier. ils attendent aparemment que je
sois a la campagne. a légard des affaires de provence mon frère a gagné
le procès tout d'une voix, on a confirmé la sentence d'interdiction
et touts les arrangements subséquents, et accordé seulement 1000 lb
d'augmentation de pension a la femme, ce qui complette le revenu de
sa dot et la met tout a fait hors de cause.

mais tout a coup quand je ne pensois a rien moins, mon fils cadet retenu
a malthe a la recomandation du roy, a eté scu de mon frère, caché a
marseille &c. il men écrivit dans le 1^er feu avec un abandon et une
chaleur qui ne me fit pas de bien, attendu que je reçu sa lettre au sor=
tir de table et j'ay eté incommodé plusieurs jours. le bon homme
a ensuitte succédé; son neveu qui en fait ce qu'il veut s'est excusé, il
mon digne frère, pardonne, s'en charge, paye ses dettes et veut encor
tacher de le sauver. j'avois tout de suitte demandé une commission
de cap^ne pour l'attacher a un régiment ou il fut tenu; je le laisseray
a la disposition de mon frère jusques a nouveaux faits. cest une grande
providence que la soeur perverse qui vouloit les perdre touts, ait été
recluse avant le retour de celuy cy.

vous me dites assés clairement mon cher qu'on ne veut pas mimprimer
mais je suis surpris que vous n'ayiés pas retiré aussitost mon manus=
crit. je vous conjure de me rendre ce service le plutost possible, et de
le garder: vous ne connoissés pas la sorte de paternité d'un autheur
pour ses ouvrages, et je vous asssure que celuy lâ est bon.

j'attendray M^r de diespack sans impatience.

<1v> quand a l'histoire des changements politiques économiques, dont
nous avons tant parlé, le grand duc va a cet égard son train en
homme sage et en prince actif et expéditif, mais ce sera je crois
le seule de notre temps qui exécutera en ce genre.

notre amie conte partir en juin prochain, sa famille la demande
et pour cela mème ne va point a la campagne. je conte bien qu'elle
verra votre gentil manoir, quoyque n'ayant donné aucun signe
de vie aux siens a votre retour cela fasse auprès d'eux un impegno
mais elle regrette bien de n'avoir plus M^e de vatteville a
lausanne.

adieu mon cher amy, je vous recomande mon manuscrit, j'offre
mon Respect a vos dames et vous embrasse tendrement.
 

a monsieur
Monsieur de Saconai en
son chateau de Bursinel près
Rolle en Suisse
Par Pontarlier